Équipe MSF au centre de nutrition thérapeutique pour les personnes hospitalisées de l’hôpital civil de Renk. Soudan du Sud, 2023. © Evani Debone/MSF
PARTAGEZ

Soudan du Sud : augmentation du paludisme et de la malnutrition chez les personnes rapatriées

Médecins Sans Frontières (MSF) demande d’urgence une amélioration de la réponse médicale et humanitaire pour les gens fuyant le conflit au Soudan et entrant au Soudan du Sud par Renk, une ville située dans l’État le plus septentrional du Nil Supérieur.

Depuis que les combats ont éclaté au Soudan, environ 290 000 personnes sont entrées au Soudan du Sud, dont 80 % par la frontière de Joda, dans l’État du Nil Supérieur. Les centres de transit formels et informels de Renk constituent idéalement une escale temporaire leur permettant de se déplacer plus loin dans le pays. Les personnes rapatriées peuvent toutefois y passer des semaines, voire des mois. Ce séjour est souvent épuisant et éprouvant, car elles ont un accès limité à la nourriture, aux abris, à l’eau, à des installations sanitaires et aux soins de santé.

MSF soutient l’hôpital civil de Renk dans le service d’isolement de la rougeole, dans un centre de nutrition thérapeutique pour les malades hospitalisés et dans un service de pédiatrie. Face à l’afflux de gens, les équipes ont augmenté la capacité des services de 22 à 45 lits. Depuis juillet, MSF a admis 232 malades pour malnutrition et traité 282 cas de rougeole nécessitant des soins hospitaliers.

« L’assistance est largement insuffisante à Renk par rapport aux besoins qui augmentent chaque jour. Nous demandons aux groupes humanitaires et médicaux de faire davantage, en renforçant les activités médicales et humanitaires au point d’entrée et dans les centres de transit. Des services de santé de base devraient être disponibles à tout moment à la frontière pour les personnes souffrant de problèmes médicaux. Un rattrapage systématique des vaccinations devrait également être accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à la frontière, étant donné la faible couverture vaccinale actuelle au Soudan et l’épidémie de rougeole en cours dans les deux pays », a déclaré Jocelyn Yapi, directeur de MSF au Soudan du Sud.

Approvisionnement alimentaire limité et conditions de vie déplorables

L’équipe médicale de MSF examine des malades au centre de nutrition thérapeutique pour les personnes hospitalisées, soutenu par MSF, à l’hôpital civil de Renk. Soudan du Sud, 2023. © Evani Debone/MSF

De nombreuses personnes, surtout des enfants, arrivent à la frontière dans un état de santé alarmant, souffrant de maladies mortelles comme la rougeole ou de malnutrition nécessitant des soins médicaux immédiats. En pleine saison des pluies, les structures médicales de MSF dans la région enregistrent un taux de positivité de 70 % pour le paludisme, une maladie qui tue déjà plus que toute autre au Soudan du Sud.

« Les enfants dénutris en particulier doivent bénéficier d’un soutien nutritionnel urgent à la frontière et être immédiatement transférés dans les structures médicales », explique Jocelyn Yapi. « Des articles de secours tels que des moustiquaires, des bâches de plastique et d’autres articles de première nécessité doivent être fournis à la frontière, afin que personne dans le besoin ne soit oublié. »

Les gens reçoivent une distribution unique de 16,50 $ CA par personne. Cependant, les prix sont élevés : un repas normal coûte en moyenne 2,75 $ CA à Renk. Cette aide est donc à peine suffisante pour se permettre un repas par jour pendant une semaine. La communauté reste des semaines et parfois des mois sans autre aide en espèces et il n’y a aucune distribution alimentaire régulière par les organisations humanitaires ou les autorités de la région.

« Je vends mes vêtements 2 000 livres sud-soudanaises (2,75 $ CA) la pièce pour acheter de la nourriture. J’en ai vendu six et j’ai gardé les deux autres pour m’habiller », explique Marta Manher, mère de six enfants, qui vit à Zero, l’un des campements non officiels pour les personnes rapatriées à Renk.

Le manque de nourriture et les conditions de vie déplorables ont des répercussions sur l’état de santé des gens. Dans deux des cliniques mobiles gérées par MSF à Zero et Abukadra, les équipes enregistrent 300 consultations médicales par jour et, dans sept cas sur dix, il s’agit de malades atteints de paludisme. La plupart des individus vivent à ciel ouvert ou dans des abris temporaires faits de vêtements. Dans cette zone, les poches d’eau de pluie stagnante constituent des lieux de reproduction idéaux pour les moustiques; or, les gens n’ont pas de moustiquaires ou d’autres moyens de protection à leur disposition.

Une réponse humanitaire urgente est nécessaire

À l’hôpital civil de Renk, où MSF soutient le service d’isolement de la rougeole, 90 % des gens sont des personnes rapatriées non vaccinées. De plus, certaines d’entre elles gravement malades sont transférées sans soins médicaux à Malakal, un voyage de 48 à 72 heures sur des bateaux sans soins médicaux, sans eau ni nourriture. Des décès ont été enregistrés sur les bateaux et les équipes de MSF reçoivent des gens très malades au centre de transit de Bulukat, ce qui se traduit par un taux de mortalité plus élevé dans les installations de Malakal.

Trousses de dépistage du paludisme à la clinique mobile de MSF, dans le centre de transit Zero à Renk. Soudan du Sud, 2023. © Evani Debone/MSF

« La communauté des personnes rapatriées est très vulnérable. Non seulement celles-ci manquent-elles de nourriture et d’eau potable, mais elles n’ont pas d’abri et utilisent des morceaux de tissu pour se protéger du soleil et de la pluie. Lorsque nous soignons des enfants malnutris à l’hôpital, nous constatons que de nombreuses mères sont également dénutries », explique Abraham Anhieny, médecin de MSF à Renk.

Des années de conflit ont déjà provoqué l’une des plus grandes crises humanitaires au monde au Soudan du Sud. Alors que le pays souffre déjà régulièrement d’épidémies, d’inondations, de déplacements et de taux élevés de malnutrition, l’arrivée des personnes rapatriées constitue un fardeau supplémentaire, et la réponse actuelle est incapable d’absorber les besoins additionnels. Le pays a besoin de plus d’attention et de soutien pour faire face à la crise humanitaire en cours et à une autre urgence causée par le conflit au Soudan.