Ukrainian refugees walk through the car park of a reception center in Dolhobyczow, Poland, on March 5, 2022. © Adrienne Surprenant/MYOP
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Urgence humanitaire en Ukraine : une course contre la montre

Anja Wolz, coordonnatrice des urgences de Médecins Sans Frontières (MSF), est actuellement basée à Lviv, en Ukraine. Elle explique pourquoi cette étape de la réponse humanitaire est si urgente.

Ici, à Lviv, je reçois de nombreux appels d’hôpitaux qui ont urgemment besoin d’aide. Nous nous sommes lancé·e·s dans une course contre la montre pour acheminer de toute urgence les fournitures médicales nécessaires, là où il le faut, avant qu’il devienne impossible d’atteindre les villes et villages encerclés.

La destruction, les bombardements aériens, les tirs d’artillerie lourde, les combats de chars, les villes encerclées, le début des combats urbains, les habitants et les habitantes réfugié·e·s dans des bunkers et des sous-sols qui manquent de nourriture, d’eau et d’électricité – telle est la situation sur le terrain. Et elle ne fait qu’empirer. Il y a longtemps que nous n’avions pas vu une guerre aussi brutale, intense et rapide.

L’ampleur et la rapidité de la réponse médicale humanitaire doivent être proportionnelles.

À MSF, nous avons travaillé sans relâche pour convertir le programme médical à long terme que nous menions en Ukraine en une intervention d’urgence face à une situation de guerre.

Anja Wolz, coordonnatrice des urgences de MSF. Sierra Leone, 2014.
Anja Wolz, coordonnatrice des urgences de MSF. Sierra Leone, 2014.Sylvain Cherkaoui/Cosmos

Dès le premier jour de la guerre, nos équipes ont distribué dans le pays les quelques fournitures, médicales et autres, que nous avions à notre disposition, tout en sachant que cela représentait très peu par rapport aux besoins des hôpitaux et des communautés.

Premières livraisons en train à Kyiv

Le samedi 5 mars 2022, nos trois premiers camions de fournitures médicales d’urgence (120 m3) sont entrés en Ukraine. Le tiers des fournitures a immédiatement été envoyé à Kyiv par train. Il s’agissait majoritairement d’équipement et de médicaments permettant de réaliser des chirurgies et de traiter des blessures traumatiques. Le chargement s’est poursuivi jusqu’à minuit. Ces fournitures ont été livrées au ministère de la Santé à Kyiv le dimanche 6 mars, en après-midi, pour être distribuées aux hôpitaux qui prennent en charge les blessé·e·s de guerre dans la capitale. Des hôpitaux des zones de guerre plus à l’est ont également reçu des fournitures.

Dans l’est du pays, les hôpitaux sont submergés par un nombre grandissant de patients et de patientes souffrant de blessures traumatiques, et leurs fournitures s’épuisent rapidement. Et ce n’est qu’une question de temps avant que Kyiv ne soit complètement isolée. Pour l’instant, nous nous efforçons d’acheminer les fournitures médicales requises là où elles sont nécessaires, en grande quantité et aussi rapidement que possible. D’autres fournitures médicales d’urgence sont arrivées au cours des derniers jours, et d’autres convois suivront dans les jours et les semaines à venir.

Des besoins multiples qui se chevauchent

Jusqu’à présent, l’accent a été mis sur l’équipement et les médicaments destinés aux chirurgies, au traitement des blessures traumatiques, ainsi qu’aux salles d’urgence et aux unités de soins intensifs. Mais un portrait plus large de la situation commence à émerger, mettant en lumière d’autres besoins médicaux critiques, comme l’insuline pour les patients et les patientes diabétiques, et les médicaments pour ceux et celles qui sont atteint·e·s d’autres maladies chroniques comme l’asthme, l’hypertension ou le VIH. Certains de ces produits doivent être transportés en respectant la chaîne du froid, ce qui ajoute des difficultés supplémentaires.

Ce sera un défi d’acheminer les fournitures là où elles sont nécessaires en Ukraine. Les trains fonctionnent encore pour la plupart, et c’est une bonne option en raison du volume qu’ils peuvent transporter, mais nous évaluons différentes façons d’effectuer des livraisons de façon sécuritaire. Nous craignons qu’il devienne sous peu plus difficile d’acheminer des fournitures médicales et du personnel là où il le faut. Il y a urgence d’agir rapidement.

La course contre le froid

Nous menons également une autre course, celle contre le froid. À Lviv, il fait sept degrés sous zéro la nuit, et des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées ici ou se dirigent de Lviv vers les frontières polonaises, slovaques ou hongroises. Des températures aussi froides peuvent être meurtrières. C’est pourquoi nous livrerons rapidement 160 m3 de matériel : plus de 2 000 sacs de couchage, 3 500 couvertures thermiques en laine polaire, des sous-vêtements thermiques, des chandails, des tuques, des manteaux imperméables et d’autres vêtements, ainsi que plus de 500 tentes et des articles d’hygiène comme du dentifrice, des brosses à dents, du savon et des serviettes. Nous avons l’intention d’acheminer ces articles aux organisations de la société civile locale qui les distribueront aux personnes qui ont fui vers Lviv ou qui font la file pour traverser les frontières de l’Ukraine.

Notre première équipe chirurgicale est arrivée à Lviv, mais la décision de se rapprocher des zones de combats actifs pour prodiguer des soins ne peut être prise à la légère. Nous évaluons plusieurs lieux et options et prendrons des décisions dans les jours à venir.

La course est lancée pour apporter l’aide médicale là où elle est nécessaire. Nous intensifions rapidement nos activités; ce sont là les premières étapes indispensables pour construire concrètement notre réponse médicale.