Le 4 décembre, à la tombée de la nuit, les membres de l’équipe de MSF ont effectué le premier sauvetage de la rotation 20. L’équipe a porté secours à 74 personnes qui se trouvaient à bord d’un canot pneumatique surchargé et en détresse dans les eaux internationales au large des côtes libyennes. Tout le monde est arrivé sain et sauf à bord du Geo Barents, bien qu’affaibli après 15 heures passées en mer dans des conditions météorologiques défavorables. © Candida Lobes/MSF
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Abandon des poursuites contre les opérations de recherche et sauvetage en mer : sept ans de mensonges balayés, mais les attaques continuent

Après sept ans de fausses accusations, de déclarations diffamatoires et d’une campagne de criminalisation flagrante à l’égard des organisations effectuant des opérations de recherche et de sauvetage en mer, l’enquête lancée par le bureau du procureur de Trapani, en Sicile, à la fin de 2016, a été classée sans suite aujourd’hui.

Dans cette affaire, Médecins Sans Frontières (MSF) et d’autres organisations menant des opérations de recherche et de sauvetage ont fait l’objet d’une enquête sous l’accusation infondée d’aide et d’encouragement à « l’immigration illégale ». Il s’agissait d’un acte d’accusation gigantesque fondé sur des déductions, des écoutes téléphoniques, de fausses déclarations et une interprétation des mécanismes de sauvetage délibérément déformée afin de les présenter comme des actes criminels.

Après une audience préliminaire de deux ans, le même bureau du procureur qui avait ouvert l’enquête a toutefois reconnu que les preuves démontraient que les organisations non gouvernementales (ONG) travaillaient avec la seule intention de sauver des vies. Il a alors demandé que la cause ne se poursuive pas jusqu’au procès. Le juge a maintenant définitivement classé l’affaire, invoquant le caractère infondé des accusations et effaçant tout soupçon de collaboration avec les passeurs.

« Ces accusations infondées ont tenté, pendant des années, de ternir le travail des équipes humanitaires de recherche et de sauvetage. Elles visaient à empêcher les navires de naviguer et à contrer leurs efforts pour sauver des vies et témoigner. Aujourd’hui, ces accusations se sont avérées infondées », a déclaré le Dr Christos Christou, président international de MSF.

« Nos pensées vont à nos collègues de MSF et d’autres organisations qui vivent sous le poids des accusations pour avoir légitimement fait leur travail : sauver des gens en détresse en mer, en toute transparence et dans le respect des lois »

ajoute le Dr Christou.

Pendant les sept années au cours desquelles la décision a été attendue, les attaques contre la recherche et le sauvetage se sont poursuivies par le biais d’une série de politiques néfastes. Il s’agit notamment de lois restrictives, de l’immobilisation de navires civils et du soutien aux garde-côtes libyens. Tous ces procédés entravent les sauvetages et exacerbent les souffrances des individus renvoyés de force en Libye et les violations des droits de la personne. Pendant ce temps, le nombre de morts en mer Méditerranée continue d’augmenter. L’impact est énorme : en 2023, le nombre de décès enregistré a été le plus élevé depuis que les allégations ont été formulées pour la première fois contre les membres de notre équipe, en 2017.

Selon l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, au moins 63 procédures judiciaires ou administratives ont été engagées par des États de l’Union européenne (UE) contre des ONG de recherche et de sauvetage (juin 2023). Au cours de l’année écoulée, les autorités italiennes ont détenu des navires de sauvetage humanitaire à 21 reprises. Cela équivaut à 460 jours au cours desquels les navires ont été empêchés de porter assistance à des personnes en détresse en mer. Le navire de recherche et de sauvetage de MSF, le Geo Barents, vient d’ailleurs de reprendre ses activités après 20 jours de détention injuste. Il avait été arrêté sous l’accusation fallacieuse de mise en danger de la vie d’autrui, après qu’un patrouilleur libyen a violemment interrompu une opération de sauvetage en cours.

En outre, les navires humanitaires se voient continuellement assignés à des ports de débarquements éloignés, dans le nord de l’Italie. Cela les écarte de la zone de recherche et de sauvetage, alors que la vie des personnes est en danger.

Avec les politiques cyniques d’externalisation de la gestion des frontières vers des pays tiers peu sûrs, comme la Libye, l’Italie et les membres de l’Union européenne tournent le dos aux personnes qui cherchent la sécurité en Europe, contribuant ainsi à alimenter la souffrance des gens. Ce faisant, ils font ainsi preuve d’un mépris total pour la protection des vies humaines.

« Ces dernières années, les autorités italiennes ont investi d’énormes ressources dans la création d’obstacles à l’action humanitaire et dans des politiques de mort, sans rien faire pour arrêter les naufrages et ouvrir des voies légales et sûres pour les personnes fuyant via la Méditerranée », déclare Tommaso Fabbri, ancien directeur national de MSF, qui a été impliqué dans l’affaire.

« Sauver des vies n’est pas un crime, c’est une obligation morale et légale, un acte fondamental d’humanité qui doit être accompli. Cessez de criminaliser la solidarité! Tous les efforts doivent être consacrés à empêcher des morts et des souffrances inacceptables et à garantir le droit au sauvetage, afin de rétablir l’humanité et le droit à la vie en mer Méditerranée. »

Tommaso Fabbri, ancien directeur national de MSF

Médecins Sans Frontières est une organisation internationale d’assistance médicale et humanitaire indépendante qui vient en aide aux personnes touchées par les conflits, les épidémies, les catastrophes naturelles et les crises dans plus de 70 pays. Les équipes de MSF ont commencé à mener des opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée en 2015, pour combler le vide laissé par la fermeture de l’opération de sauvetage Mare Nostrum. Depuis, huit différents navires de MSF ont contribué à sauver plus de 92 000 personnes. Malgré les obstacles, MSF n’a pas cessé ses opérations de recherche et de sauvetage, et à ce jour, ses équipes sont engagées dans des opérations de sauvetage à bord du Geo Barents.

« Notre personnel humanitaire n’a jamais cessé de travailler dans le cadre des interventions de MSF à travers le monde, tout comme nos navires n’ont jamais cessé de sauver des vies en mer. Cela reste notre meilleure réponse à toutes les accusations »,

conclut le Dr Christou.