MSF has offered mental health consultations in the city of Hebron, in the occupied West Bank, since 1996. In Hebron, Palestinian civilians suffer frequent abuses such as the demolition of their homes, arbitrary detention, and systematic attacks by Israeli settlers with the tacit support of the Israeli army. As well as experiencing physical injury men, women, and particularly children suffer from significant long-term mental health impacts of these routine occurrences.The effects of the occupation of Palestinian territory are far-reaching and leave very few people untouched, with children in particular vulnerable to long-term mental health issues as a result of witnessing or suffering traumatic events. Between February and July 2019, MSF reached 8145 people with mental health services, of whom more than 60% were children. © Juan Carlos Tomasi
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Israël et Palestine : Le désespoir des inégalités de vaccination

Matthias Kennes est infirmier autorisé et référent médical pour la riposte à la COVID-19 de Médecins Sans Frontières (MSF) à Hébron, en Cisjordanie.

En tant que travailleur de la santé, je suis choqué. Le succès international de la vaccination contre la COVID-19 en Israël a un côté sombre, dont les conséquences se font cruellement sentir dans le Palestine de Cisjordanie où je travaille et dans la bande de Gaza sous blocus où travaillent mes collègues MSF.

Israël a réussi à vacciner près de 4,2 millions de personnes avec une première dose (environ 50 % de sa population) et 2,8 millions de personnes avec les deux doses (plus de 30 % de sa population).

Pendant ce temps, seuls quelques milliers de doses sont disponibles en Cisjordanie palestinienne, et une livraison de 20 000 doses arrivées le week-end dernier à Gaza n’est qu’une goutte dans l’océan des besoins. Si l’on est optimiste, en supposant que les 35 000 doses des vaccins Spoutnik et Moderna annoncées soient toutes disponibles, cela représenterait environ 0,8 % de la population palestinienne.

Autrement dit, vous avez 60 fois plus de chances d’être vacciné en Israël qu’en Palestine. Israël a la responsabilité, en tant que puissance occupante, d’assurer l’approvisionnement médical de la population occupée, y compris l’adoption et l’application des mesures prophylactiques et préventives nécessaires pour lutter contre la propagation des maladies contagieuses et des épidémies dans toute la mesure des moyens disponibles.

L’effet de la seconde vague

Je suis venu à Hébron avec une équipe MSF spécifiquement pour aider à lutter contre la COVID-19. En décembre dernier, lorsque la deuxième vague a frappé la Cisjordanie, l’hôpital Dura où nous soutenons l’assistance médicale était rempli de patients atteints de la COVID-19. C’était principalement des personnes âgées, dont beaucoup souffraient de maladies sous-jacentes telles que le diabète ou d’autres maladies chroniques. Des patients décédaient. Certes, la COVID-19 faisait des morts dans les hôpitaux du monde entier, mais ces patients mouraient sous ma gouverne, et cela m’a profondément attristé.

Dans huit des 11 gouvernorats de Cisjordanie, le nombre de cas de COVID-19 est à nouveau en hausse. À Hébron, cette augmentation s’est produite de façon lente et régulière au cours des quatre dernières semaines. Je ne veux plus voir de patients mourir d’hypoxie. Le vaccin est mon espoir pour éviter de tels décès. C’est aussi une source de désespoir.

À quelques kilomètres plus loin, en Israël, tous les groupes vulnérables ont été vaccinés et on se prépare à amorcer la vaccination des adultes et des jeunes en bonne santé, qui sont moins vulnérables et qui courent moins de risques de complications graves. Ici, en Cisjordanie, on ne dispose que d’environ 10 000 doses, de quoi vacciner 5 000 personnes. À l’hôpital où je travaille, le personnel s’est vu offrir le vaccin, mais les doses disponibles sont insuffisantes pour couvrir l’ensemble des travailleurs de la santé, sans parler des personnes âgées et des personnes souffrant de problèmes de santé qui augmentent leurs risques de mourir de la COVID-19.

Quand on me demande pourquoi les personnes vulnérables ne peuvent pas être vaccinées en Palestine, je ne sais pas quoi répondre. C’est inexplicable et difficile à croire. Pire, c’est injuste et cruel.

Des vaccins requis immédiatement

On nous dit que des vaccins supplémentaires arriveront en Palestine par le biais de divers mécanismes de don, mais ils ne sont pas là maintenant. Pourtant, à une demi-heure de route, Israël dispose d’une grande quantité de vaccins et s’apprête à vacciner ses groupes non vulnérables.

Je suis indigné, mais mes collègues de Gaza le sont encore plus. Cela n’a pas toujours été facile, mais l’hôpital Dura d’Hébron où j’ai travaillé a pu obtenir la plupart des fournitures nécessaires pour lutter contre la COVID-19, et l’équipe MSF a pu fournir un encadrement et une formation pour renforcer la capacité du personnel à prendre en charge les patients souffrant des formes graves et critiques de la maladie, qui ont besoin d’un apport en oxygène. Mais à Gaza, les pénuries de fournitures médicales et de produits pharmaceutiques sont beaucoup plus graves parce que le blocus est si strict. Leur capacité de traitement de la COVID-19 est plus faible, ce qui fait que leur besoin en vaccins est plus élevé. Et la récente livraison de 20 000 vaccins ne sera pas suffisante pour protéger à la fois les travailleurs de la santé et les personnes les plus susceptibles d’avoir besoin de soins intensifs.

Israël est une puissance occupante et détient des millions de vaccins. La Palestine est occupé et dispose à peine de quelques milliers de vaccins. En tant que travailleur de la santé, je ne me soucie pas vraiment de savoir pourquoi la situation est ainsi. En tant que travailleur de la santé, je tiens profondément à ce que les plus vulnérables soient mis en priorité. Je suis hanté par cette pensée honteuse qui résonne dans mon esprit – on a 60 fois plus de chances d’être vacciné en Israël qu’en Palestine, et les plus vulnérables de Palestine sont toujours sans protection.