Kabo hospital entrance © Boris Matous/MSF
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Départ de Kabo après 16 ans d’intervention médicale

En octobre 2022, Médecins Sans Frontières (MSF) a mis fin, après 16 années d’activités, au projet médical mené dans une zone sensible, au nord-ouest de la République centrafricaine (RCA). Voici quelques moments forts qui ont marqué notre intervention au cours de toutes ces années.

Quelques données sur le travail de MSF dans le projet Kabo, de 2006 à 2022
Quelques données sur le travail de MSF dans le projet Kabo, de 2006 à 2022MSF

1. Un projet datant du coup d’État de 2003

 

Située près de la frontière avec le Tchad, Kabo est une ville qui compte une population de 60 000 personnes. Nos équipes y sont arrivées pour la première fois en 2003, au moment de la prise de pouvoir de l’ancien président François Bozizé. Nous avions auparavant mené des activités dans les zones voisines, comme à Moyenne Sido et Bouca.

Cette première réponse d’urgence a été fermée après quelques mois, mais en 2006, nous sommes revenus en raison d’une recrudescence de la violence armée. Cette fois, nous avons mis en place des projets médicaux stables à la fois à Kabo et à Batangafo, une ville distante de 58 km.

Au fil du temps, nous avons transformé le centre de santé local en hôpital de niveau secondaire, tout en soutenant les centres de santé de Moyenne Sido et Farazala, situés à proximité. En travaillant avec la communauté et en gagnant lentement sa confiance, nous avons pu étendre notre assistance.

 

2. Combler d’énormes lacunes en matière de soins médicaux

 

Entre 2006 et 2022, à Kabo et aux alentours, nos équipes ont tenu plus de 1,7 million de consultations médicales, dont la moitié visaient le diagnostic et le traitement du paludisme, qui demeure la maladie la plus mortelle en RCA.  

Nos sages-femmes ont assisté 21 000 accouchements, nos psychologues ont vu 10 200 personnes pour des problèmes de santé mentale et plus de 3 000 interventions chirurgicales ont été pratiquées. Nous avons également fourni des soins pédiatriques, traité des cas de malnutrition chez plusieurs enfants, vacciné des bébés, diagnostiqué et suivi des gens atteints du VIH, de la tuberculose et d’autres maladies chroniques.

« Plusieurs femmes ont parcouru de longues distances pour nous rejoindre. Il arrivait parfois que des femmes ayant des complications à l’accouchement depuis deux ou trois jours soient assises dans la salle d’attente », nous raconte Sylvain Groulx, chef des opérations de MSF, qui a travaillé sur différents projets en RCA, dont à Kabo, pendant près de deux décennies.  

« Accoucher ici représentait la sécurité. Au début, seulement quelques femmes venaient accoucher à l’hôpital, mais par la suite, plusieurs arrivaient. Cette augmentation a aussi contribué à réduire la mortalité maternelle dans un pays qui occupe le deuxième rang au monde en matière de mortalité maternelle », explique Sylvain Groulx.

« Il y avait aussi des urgences soudaines. Un jour, tard dans la soirée, des militaires sont venus en urgence nous alerter qu’un camion s’était renversé à l’entrée de la ville. Deux personnes étaient décédées et plus de 40 autres avaient été blessées. Tout notre personnel s’est regroupé pour aider, du personnel de soutien aux médecins, pendant que les gens se précipitaient à l’hôpital », dit-il.

 

3. Une zone sensible

 

Comme d’autres zones en RCA, Kabo a été touchée à plusieurs reprises par des conflits et contrôlée par différents groupes armés. Au cours des années, la ville a accueilli des milliers de personnes déplacées.

« Tout au long de ma vie, j’ai beaucoup souffert. Depuis que j’ai sept ans, la même histoire se répète toujours… j’ai dû me déplacer pendant longtemps à cause de la guerre », raconte Tanguina, qui a été contrainte de trouver refuge trois fois en 25 ans. « J’ai perdu mes biens, mes terres agricoles, tout », dit-elle.

Au fil du temps, les abris, composés de centaines de petites maisons faites principalement de briques séchées au soleil, sont devenus indissociables du reste de la ville.

« Parfois, lors d’explosions de violence, les gens cherchaient refuge à l’hôpital. Il n’y avait aucun autre endroit où ils se sentaient en sécurité », dit Sylvain Groulx. D’autres fois, notre personnel s’occupait des nombreuses personnes blessées, prises entre les feux du conflit.

 

Les équipes de MSF à Kabo tiennent des cliniques mobiles et soutiennent les centres de santé situés en périphérie.
Les équipes de MSF à Kabo tiennent des cliniques mobiles et soutiennent les centres de santé situés en périphérie.María Simón/MSF

4. Insécurité et fermeture des projets

 

L’insécurité constante à Kabo entraînait des incidents récurrents. Des enlèvements aux vols à main armée sur la route et au sein de la base MSF, en passant par les intrusions d’hommes armés dans nos structures médicales.

« Mais ce que nous avons vécu n’est rien en comparaison de ce que la communauté a vécu au quotidien », explique Sylvain Groulx.

« Nous avons toujours essayé de dialoguer avec toutes les parties au conflit, soulignant la nécessité de protéger et de respecter notre personnel et les personnes civiles. Cependant, il est arrivé que des incidents entraînent la suspension de nos activités. »

En janvier dernier, une attaque ciblée perpétrée par des hommes armés non identifiés contre un convoi de nos véhicules sur la route Batangafo-Kabo a ouvert la voie à la fermeture du projet. Nous avions donc suspendu le mouvement de nos équipes le long de la route, seul moyen d’atteindre Kabo depuis début 2021, car l’aérodrome local avait été fermé quelques semaines auparavant, peu après l’intensification du conflit.

En février, tout le personnel non résident a été évacué et certaines activités ont été réduites. Sans une supervision directe des activités restantes ou une visibilité claire sur la possibilité d’un accès sécurisé à la ville, il était considéré comme impossible de maintenir le soutien indéfiniment.

 

5. Une autonomie de la communauté locale

 

Au cours des 16 dernières années, nos équipes ont continuellement formé le personnel local et de santé publique dans le but d’accroître l’autonomie de la communauté. Notre départ de Kabo, initialement prévu pour plus tard, a finalement été entendu avec les autorités et le ministère de la Santé et de la Population (MSP), qui a repris les activités en octobre 2022.

À notre départ, nous avons fait don de matériel et de médicaments à l’hôpital de Kabo, et nous continuerons de prendre en charge, jusqu’à la fin de 2023, les frais de personnel, à Kabo, et dans deux autres structures de santé de la zone.