Since 20 November 2020, Médecins Sans Frontières has repeated its intervention for rough sleepers and people living in precarious conditions via a mobile clinic operating five days a week near food distribution points in Paris. Composed of a doctor, two nurses, a logistician and a social worker, this mobile clinic offers primary health care, information and Covid-19 screening to all people living on the streets. Here, Sandrine, a nurse, is providing orientation information to a patient after his consultation. © Mohammad Ghannam/MSF
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Les gouvernements doivent agir rapidement et parvenir à un consensus pour soutenir la décision historique de suspendre les monopoles pendant la pandémie

En prévision d’une importante réunion qui aura lieu demain à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), et dans le contexte de la flambée des cas de COVID-19 dans le monde,  l’organisation internationale d’aide médicale et humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF) a exhorté tous les pays à agir en solidarité et à établir un consensus autour de la proposition historique de l’Inde et de l’Afrique du Sud de renoncer à certaines propriétés intellectuelles (PI) pendant la pandémie de COVID-19. Dans le cadre de la réunion du Conseil général de l’OMC des 16 et 17 décembre, les gouvernements doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour faire de cette proposition une réalité.  La proposition de dérogation aux droits de propriété intellectuelle, si elle est adoptée, permettrait aux pays de choisir de ne pas accorder ni faire respecter des brevets et autres exclusivités qui pourraient entraver la production et l’approvisionnement d’outils médicaux contre la COVID-19, et faciliterait une collaboration plus rapide et plus efficace au niveau de la mise au point, de la production et de l’approvisionnement nécessaires, sans être limitée par les actions et intérêts des entreprises.

« Les gouvernements ne doivent pas gaspiller cette opportunité historique; ils doivent éviter de répéter les erreurs du passé et se rappeler les leçons apprises lors des premières années de la riposte au VIH/sida », a déclaré Yuan Qiong Hu, co-coordonnateur des politiques de la Campagne d’accès de MSF. « Cette proposition donnerait aux pays plus de moyens de s’attaquer aux obstacles juridiques à la maximisation de la production et de l’approvisionnement de produits médicaux nécessaires au traitement et à la prévention de la COVID-19. »

Même au milieu d’une pandémie mondiale, les sociétés pharmaceutiques continuent de suivre leur approche habituelle de maximisation des profits. Les derniers mois ont révélé plusieurs exemples et indications qui mettent clairement en évidence la manière dont la propriété intellectuelle a entravé ou pourrait entraver la fabrication et l’approvisionnement des tests de dépistage, de l’équipement médical, des traitements et des vaccins nécessaires pour lutter contre cette pandémie. Par exemple, l’Afrique du Sud a été confrontée à des défis pour accéder aux réactifs chimiques nécessaires aux tests de dépistage de la COVID-19 en raison de la protection exclusive sur les appareils et les réactifs. En Italie, les titulaires de brevets ont menacé de poursuivre les producteurs de valves pour respirateurs par impression 3D pour violation de brevet.

« S’appuyer sur la bonne volonté et la bienveillance des entreprises n’est pas une solution à une pandémie mondiale », a déclaré Felipe de Carvalho, coordonnateur de la Campagne d’accès de MSF au Brésil. « À maintes reprises, dans notre travail, nous avons été témoins des efforts déployés par l’industrie pharmaceutique pour protéger ses brevets et ses bénéfices, malgré l’immense coût humain. Nous ne pouvons pas laisser les médicaments, tests de dépistage et vaccins mis au point pour lutter contre la COVID-19 devenir un luxe que seules quelques personnes pourront s’offrir. Ils doivent être accessibles à tous et partout, et la renonciation aux brevets et à la propriété intellectuelle est une étape cruciale en ce sens. »

L’industrie pharmaceutique et d’autres opposants à cette proposition émettent des déclarations trompeuses à l’effet que c’est la propriété intellectuelle qui a mené à la mise au point des médicaments et des vaccins contre la COVID-19. En réalité, ce sont les ressources du secteur public et le financement philanthropique qui ont été les principaux moteurs de ces efforts de recherche sans précédent, avec les milliards de dollars américains qui ont été investis pour soutenir la recherche et le développement d’outils médicaux contre la COVID-19. Par ailleurs, les gouvernements, le personnel médical, les patients, les survivants de la COVID-19 et le grand public ont énormément contribué aux essais cliniques et à d’autres activités de R et D sur différents produits thérapeutiques et vaccins. Pourtant, de nombreuses sociétés pharmaceutiques s’efforcent de commercialiser et de monopoliser les percées scientifiques provenant de laboratoires publics financés par des fonds publics partout dans le monde.

« La défense de la protection monopolistique est l’antithèse de l’appel actuel pour que les médicaments et vaccins contre la COVID-19 soient traités comme des biens publics mondiaux », a déclaré Yuan Qiong Hu. « En ces temps sans précédent, les gouvernements devraient agir ensemble dans l’intérêt de tous dans le monde. » L’Eswatini, le Kenya, le Mozambique, le Pakistan et la Bolivie ont désormais officiellement décidé d’appuyer la proposition. Depuis le début des discussions au Conseil des ADPIC de l’OMC en octobre, une centaine de pays ont accueilli favorablement ou pleinement soutenu la proposition. Cependant, un petit groupe de membres de l’OMC, dont l’Australie, le Brésil, le Canada, l’UE, le Japon, la Norvège, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis, refuse tout soutien qui aiderait à dégager un consensus indispensable sur la proposition. Certains de ces pays ont traditionnellement soutenu les intérêts de leurs sociétés pharmaceutiques grâce à un système de propriété intellectuelle exclusif.