Chima Chinda, scientifique en laboratoire de MSF, travaille sur un échantillon de sang d’un cas suspect de fièvre de Lassa à l’unité de virologie de l’hôpital universitaire fédéral à Abakaliki, la capitale de l’État d’Ebonyi. Nigéria, 2023. © Abba Adamu Musa/MSF
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Nigéria : MSF transfère la gestion des soins de la fièvre de Lassa à l’État d’Ebonyi

Les autorités sanitaires locales prennent le relais pour assurer la pérennité des soins de la fièvre de Lassa et la sécurité des personnes atteintes de la maladie

Après sept ans d’un important soutien de Médecins Sans Frontières (MSF), les autorités sanitaires locales de l’État d’Ebonyi sont désormais bien outillées pour gérer les cas de fièvre de Lassa. Le renforcement des infrastructures et des capacités et une solide formation leur permettent de continuer de préserver des vies et de rétablir la confiance dans le système de santé. 

Au début de 2018, l’État d’Ebonyi, dans le sud-est du Nigéria, a été confronté à un grave problème de santé publique. L’épidémie saisonnière de fièvre de Lassa, une maladie tropicale négligée potentiellement mortelle, a été particulièrement importante. Le nombre de cas de personnes atteintes de cette maladie hémorragique virale s’est avéré beaucoup plus élevé que d’habitude. Les hôpitaux étaient débordés et de nombreuses personnes ont perdu la vie, notamment des membres du personnel médical, particulièrement exposés au risque d’infection. 

« Nous avons perdu des membres du personnel médical, infirmier et d’entretien », déclare Nnennaya Anthony Ajayi, médecin, alors responsable des services cliniques de l’unité de virologie de l’hôpital universitaire fédéral Alex Ekwueme à Abakaliki (AE-FUTHA, en anglais), le principal centre de référence de l’État. « C’était la panique. À l’hôpital, 16 membres du personnel médical sont décédés. Les gens avaient peur de s’approcher des urgences. » 

Portail de l’hôpital universitaire fédéral Alex Ekwueme à Abakaliki. Nigéria, 2023. © Abba Adamu Musa/MSF

L’AE-FUTHA n’était pas préparé à l’ampleur de l’épidémie, malgré la construction d’une unité d’isolement et la mise en place d’un laboratoire de virologie par le gouvernement fédéral et de l’État. Les équipements de protection individuelle étaient insuffisants. Les procédures de contrôle des infections étaient floues. Les échantillons devaient être envoyés à des laboratoires externes pour confirmation. Les personnes suspectées d’être infectées par le virus étaient parfois hospitalisées dans des espaces ouverts, exposant le personnel à des risques considérables. 

C’est dans ce contexte que MSF est arrivée à Abakaliki pour soutenir la réponse à l’épidémie. Ce qui a débuté comme une intervention d’urgence s’est rapidement transformé en un partenariat de sept ans avec le ministère de la Santé de l’État d’Ebonyi. Pendant cette période, MSF a pu jeter les bases pour pérenniser les soins locaux de la fièvre de Lassa.

Un membre du personnel médical de MSF est aspergé d’eau chlorée après avoir fait sa tournée dans l’unité de virologie de l’hôpital universitaire fédéral Alex Ekwueme à Abakaliki, dans l’État d’Ebonyi. Nigéria, 2023. © Abba Adamu Musa/MSF

Protéger les membres du personnel de la santé et améliorer les soins

Dès le début de l’intervention, la priorité de MSF était claire : mettre fin aux décès de membres du personnel médical.  

« Nous devions mettre un terme à cette succession de décès évitables », explique Alain-Godefroid Ndikundavyi, le plus récent coordonnateur de projet de MSF à Ebonyi. « Notre objectif principal était de renverser cette tendance et de renforcer la capacité de l’hôpital à mieux accueillir et soigner les gens atteints de la maladie. » 

« [Les équipes de MSF] ont apporté un cadre, de la formation et, surtout, de l’espoir. »

– Nnennaya Anthony Ajayi, médecin, alors responsable des services cliniques de l’unité de virologie de l’hôpital universitaire fédéral Alex Ekwueme à Abakaliki

L’intervention de MSF fut de grande envergure. Nos équipes ont mis en place des zones de triage et d’observation. Elles ont distribué des équipements de protection individuelle et mis en œuvre de robustes procédures de prévention et de contrôle des infections. Enfin, elles ont formé le personnel local à la gestion sûre et efficace des cas de fièvre de Lassa. 

« Elles nous ont aidés à structurer les flux de personnes, les mesures de prévention et de contrôle des infections et de biosécurité, et elles nous ont fourni ce dont nous avions besoin pour travailler en toute sécurité », dit Nnennaya Anthony Ajayi. « Elles ont apporté un cadre, de la formation et, surtout, de l’espoir. » 

Au total, plus de 230 sessions de formation ont été offertes au personnel médical et les capacités des laboratoires ont été renforcées, ce qui a permis un diagnostic plus rapide. À terme, un nouveau modèle de soins a été mis en place pour traiter la maladie, protéger le personnel et mieux soutenir les personnes atteintes. 

Entre 2018 et 2024, MSF a soutenu le traitement de 1 701 cas suspects de fièvre de Lassa et de 427 cas confirmés. Nous avons également assumé l’intégralité des frais liés aux soins, y compris les dialyses, les médicaments et les repas, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre de décès de personnes hospitalisées. 

Enfin, il est à noter que le nombre de décès chez le personnel médical a considérablement diminué. Plusieurs années se sont écoulées sans qu’un seul décès soit enregistré.

Rejoindre les gens au-delà de l’hôpital

MSF a toutefois compris que pour arrêter la fièvre de Lassa, il fallait intervenir au-delà des murs de l’hôpital. Car c’est dans les communautés où la sensibilisation à la santé publique est faible et où le dépistage précoce fait défaut que la maladie se propage. 

« Pour pallier ce manque d’information, nous avons mobilisé des équipes de promotion de la santé. Elles ont organisé plus de 4 500 séances de sensibilisation et effectuées près de 1 300 visites communautaires dans tout l’État d’Ebonyi », explique Alain-Godefroid Ndikundavyi. « Ces efforts ont permis de démystifier la maladie, de rectifier les idées fausses et d’encourager les comportements favorables à un recours précoce aux soins. » 

Chidinma Ugonna, chargée de la promotion de la santé de MSF, sensibilise la communauté à la fièvre de Lassa dans le marché d’Iboko, à Izzi, dans l’État d’Ebonyi. Nigéria, 2023. © Nathalie San Gil/MSF

MSF a également apporté son soutien à deux centres de soins de santé primaires dans les zones rurales de Izzi Unuhu et d’Onuebonyi. Nous avons offert des formations, du matériel de laboratoire et des fournitures médicales. Nos équipes ont aussi construit des tours d’eau pour assurer un assainissement sûr. L’objectif était de détecter rapidement la fièvre de Lassa et d’alléger la charge qui pesait sur l’AE-FUTHA. 

« Nous avons compris que pour lutter véritablement contre la fièvre de Lassa, la réponse devait commencer au niveau communautaire », explique Alain-Godefroid Ndikundavyi.

Un nouveau chapitre

En 2025, MSF a officiellement transféré ses activités au ministère de la Santé de l’État d’Ebonyi et à l’AE-FUTHA. Cette transition, soigneusement planifiée, incluait des dons d’équipements médicaux, d’ambulances et d’instruments de gestion des déchets. Nous avons également fourni des approvisionnements en quantité suffisante pour répondre à la prochaine saison de pointe de la fièvre de Lassa. 

« Nous avons officiellement transmis les responsabilités de gestion à la fin de l’année 2024, mais avons maintenu une équipe d’observation jusqu’en mars de cette année, au cas où le ministère aurait besoin de ressources supplémentaires », explique Alain-Godefroid Ndikundavyi. 

MSF a également soutenu la création de comités internes au sein de l’AE-FUTHA afin de maintenir les normes de contrôle des infections, de soins et de réponse aux épidémies, et d’assurer la pérennité des avancées après son départ. À plus grande échelle, les spécialistes de MSF ont collaboré avec le Centre nigérian de contrôle et de prévention des maladies et les autorités fédérales et étatiques pour améliorer les directives de détection, de prévention et de soins médicaux.  

Ada, psychologue de MSF, offre une consultation en santé mentale à un survivant de la fièvre de Lassa dans sa maison située dans le quartier d’Abakaliki, dans l’État d’Ebonyi. Nigéria, 2023. © Nathalie San Gil/MSF

Aujourd’hui, l’AE-FUTHA est un endroit transformé. L’époque du matériel improvisé et du personnel apeuré est terminée. Les membres du personnel médical travaillent désormais avec confiance, les connaissances nécessaires et l’équipement adéquat. Les gens sont traités avec dignité et les personnes qui survivent rentrent chez elles avec espoir. Non pas comme des parias, mais comme des symboles de résilience. 

La lutte contre la fièvre de Lassa n’est pas terminée. Rien qu’en 2024, 24 cas confirmés ont été recensés à l’AE-FUTHA, dont un décès chez le personnel hospitalier. C’est un bilan encore lourd, mais bien loin de celui de 2018. 

« Nous n’avons plus peur », affirme Nnennaya Anthony Ajayi. « MSF nous a aidés à comprendre que nous pouvions lutter contre la fièvre de Lassa, et gagner. » 

Pour en savoir plus sur cette maladie tropicale négligée, lisez cet article.