République démocratique du Congo : quatre choses à savoir sur la réponse à l’épidémie d’Ebola dans le Kasaï
Maria Mashako, coordonnatrice médicale de MSF en RDC, fait le point sur les efforts déployés et les défis à relever.
Le 4 septembre dernier, une épidémie de maladie à virus Ebola a été déclarée à Bulape, dans le Kasaï, en République démocratique du Congo (RDC). Dès les premiers jours, Médecins Sans Frontières (MSF) a soutenu la réponse du ministère de la Santé. Nos équipes ont assuré les soins des personnes atteintes de la maladie. Nous avons également construit des centres de traitement et d’isolement.
Maintenant que l’épidémie semble maîtrisée, nous faisons le point sur les efforts déployés avec Maria Mashako, médecin et coordonnatrice médicale de MSF en RDC.
Quelle est la situation actuelle de l’épidémie?
Plus d’un mois après la déclaration de l’épidémie, la situation semble sous contrôle. En un mois, une cinquantaine de cas ont été confirmés, mais aucun depuis fin septembre. Grâce à la surveillance mise en place par les autorités, beaucoup de cas suspects sont désormais identifiés, mais le nombre de nouveaux cas positifs à prendre en charge a chuté. Au 14 octobre, il n’y avait plus qu’une seule personne confirmée dans le centre de traitement de Bulapé, et une quinzaine d’autres dites « suspectes », en attente des résultats de leurs tests.
À ce stade, il y a donc de bonnes raisons d’être optimiste pour la suite, d’autant que la vaccination autour de tous les foyers a été réalisée. L’urgence étant passée, nous pourrions à terme entamer une passation et laisser les autres organisations gérer la suite de la prise en charge.

Qu’a fait MSF sur place?
Nous nous sommes concentrés sur la prise en charge médicale des personnes infectées et de la mise en place de structures de soins et d’isolement. Dès la confirmation de l’épidémie, nous avons envoyé une équipe appuyer l’hôpital général de référence de Bulape, où plusieurs personnes hospitalisées et membres du personnel de la santé avaient déjà succombé à la maladie.
Nous y avons renforcé en urgence les mesures permettant de réduire les infections, réorganisé le circuit hospitalier, fourni du matériel médical et des équipements de protection, et formé le personnel à la prévention, au contrôle des infections et aux soins symptomatiques.
Parallèlement, nous avons mis en place, en collaboration avec le ministère de la Santé et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un centre de traitement d’Ebola provisoire. Situé dans l’enceinte de l’hôpital, ce centre a accueilli les premières personnes infectées en dehors des murs de cette structure.
Malheureusement, il y avait déjà eu de nombreux décès avant que la prise en charge et la réponse à l’épidémie ne soient sur pied. L’arrivée des équipes sur place, la mise en place du renforcement de soins hospitalier et l’utilisation de traitement spécifique ont permis de faire baisser la mortalité. Mais au final, plus de 40 personnes ont perdu la vie, parmi lesquelles une trentaine confirmées positives.
Outre l’appui à l’hôpital puis au centre de traitement temporaire, nous avons aussi construit et géré un centre d’isolement à Mpianga, une des zones affectées. Avec l’OMS et le ministère de la Santé, nous avons mis sur pied un centre de traitement plus adapté et plus performant à Bulape. Il comporte 32 lits, 16 pour les cas confirmés et 16 pour les cas suspects. Les premières personnes infectées y ont été prises en charge le 10 octobre dans des conditions optimales.

Quels ont été les principaux défis depuis un mois?
Le principal défi a été, de très loin, logistique. Bulapé, l’épicentre de l’épidémie, est une zone éloignée, excessivement difficile d’accès par la route. Il a donc fallu compter sur des moyens de transport aériens, et en particulier des hélicoptères. Il y avait énormément de fournitures essentielles à emmener, mais peu de possibilités de le faire.
Ces difficultés ont considérablement affecté la coordination rapide du personnel, des équipements, des vaccins et des traitements. Or, sur place, tout manquait lorsque nous sommes arrivés. Rien que pour alimenter l’hôpital en eau, nous avons dû installer 1,5 kilomètre de canalisations. Le nombre de personnes mortes avant notre arrivée avait créé un sentiment de panique, et plusieurs patientes et patients s’étaient enfuis de l’hôpital.
Les premiers jours de la réponse ont donc été très difficiles. Heureusement, une fois les équipes du ministère de la Santé, de MSF et de l’OMS sur place, la communauté s’est fortement mobilisée pour mettre en place la réponse. La confiance est revenue, et les personnes qui s’étaient enfuies sont retournées [à l’hôpital]. La communauté a joué un rôle essentiel dans la construction du nouveau centre de traitement, transportant les matériaux à la main pour accélérer les travaux. Grâce à sa participation active, la structure a pu être finalisée. L’engagement [des gens] a vraiment été déterminant.

Quelles doivent être les priorités maintenant?
À court terme, il faut que les différents partenaires de la réponse continuent à mettre en œuvre les activités des différents piliers en redoublant de vigilance : surveillance, vaccination, prise en charge, suivi des cas contacts, etc. L’évolution à ce niveau sera déterminante pour définir les prochaines étapes.
La bonne chose est que cette intervention devrait laisser en héritage, au niveau local, une amélioration des capacités et des moyens pour identifier et faire face à la maladie à virus Ebola et à d’autres maladies à caractère épidémique. Les ressources humaines sont mieux formées et les plans de contingence plus solides.
De façon plus structurelle, cette épidémie nous rappelle également une deuxième priorité cruciale : celle de ne pas se focaliser uniquement sur la lutte contre le virus Ebola, mais de renforcer le système de santé dans son ensemble. Dans la zone affectée, la mobilisation s’est logiquement faite pour stopper l’épidémie. Mais l’hôpital et les centres de santé peinent à soigner les maladies les plus courantes.
L’expérience démontre que l’après-Ebola se prépare avec un système de santé global capable de répondre aux besoins de tous et toutes, pendant et après l’épidémie. Le renforcement et la gratuité des soins de santé primaire sont un pilier central de la réponse aux épidémies. Cette épidémie est une nouvelle occasion d’avancer en ce sens, et c’est le souhait exprimé par les autorités sanitaires.
À côté de ces réponses d’urgence, d’autres tueurs silencieux sont en effet à l’œuvre en RDC. Le paludisme, par exemple, a tué plus de 21 000 personnes en 2024, mais le pays fait face à une rupture de stock en tests rapides et traitements antipaludéens.