Nigéria : à Jahun, MSF soutient les femmes atteintes de fistules obstétricales dans leur guérison
Les femmes se rétablissent à travers la chirurgie, la réadaptation et la solidarité.
À l’hôpital général de Jahun, dans le nord du Nigéria, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) offrent des services de chirurgie reconstructive, de réadaptation et des soins de santé mentale aux femmes atteintes de fistules obstétricales. Chaque année, elles accompagnent près de 300 femmes.
« Nous ne voyons pas de fistules dans les pays [à revenu élevé] où les césariennes et les ventouses sont accessibles. Mais ici, au Nigéria, le bébé peut rester coincé pendant plusieurs jours. La pression prolongée de la tête du bébé sur le bassin de la femme provoque une nécrose [mort des cellules des tissus corporels], qui est à l’origine de la fistule obstétricale », explique Clémence Chbat, conseillère médicale de MSF pour la santé des femmes.
« Nous apprenons aux femmes à reprendre le contrôle de leurs fonctions corporelles […] et ainsi à retrouver leur dignité. C’est une étape essentielle vers la guérison. »
– Elizabeth Braga, physiothérapeute à la Fondation MSF
Sans accès aux soins de santé, les accouchements longs et compliqués peuvent entraîner des conséquences désastreuses. Ces accouchements difficiles peuvent durer jusqu’à cinq jours et, dans 90 % des cas, les femmes donnent naissance à des bébés mort-nés. Ils peuvent également entraîner des fistules obstétricales, une perforation entre le vagin et la vessie et/ou le rectum qui provoque une incontinence permanente. Les fistules affectent donc considérablement la qualité de vie des femmes qui en sont atteintes.

Guérir grâce aux soins et à la communauté
L’unité de traitement des fistules de l’hôpital général de Jahun, soutenu par MSF, compte 55 lits. C’est un lieu de répit pour les femmes qui y sont hospitalisées, souvent de deux à trois mois. De solides liens de solidarité et de sororité s’y tissent.
« L’unité de traitement des fistules est un endroit agréable où les femmes peuvent parler de ce qu’elles vivent », explique Clémence Chbat. « Comme elles sont toutes passées par les mêmes épreuves, elles tissent des liens particuliers. Ensemble, elles font de leur mieux pour guérir leurs blessures. C’est un endroit où l’espoir est très présent. »
La réparation d’une fistule peut nécessiter plusieurs interventions chirurgicales reconstructives. Depuis 2024, la Fondation MSF complémente ces soins par des activités de rééducation pour les femmes et la formation des physiothérapeutes sur place. « Nous apprenons aux femmes à reprendre le contrôle de leurs fonctions corporelles, à contrôler leur vessie et leurs intestins, et ainsi à retrouver leur dignité », explique Elizabeth Braga, physiothérapeute à la Fondation MSF. « C’est une étape essentielle vers la guérison. »
Une fois par semaine, les femmes hospitalisées organisent des « mercredis heureux ». Pendant ces journées, elles fabriquent des objets artisanaux, des bijoux ou des chapeaux. Elles organisent des séances de chant ou des matchs de basket, se déguisent et se parfument. En bref, elles créent autant de façons de se sentir à nouveau fortes et indépendantes.

Les conséquences des fistules obstétricales
Les fistules obstétricales sont des lésions graves qui affectent le corps et la dignité des femmes. Elles sont également le résultat et la cause d’événements traumatisants et de leurs conséquences.
Le risque d’accouchement compliqué, et donc de fistules, est accru lorsque le bassin de la femme est trop petit pour permettre le passage du bébé. Cela peut se produire lorsque les filles tombent enceintes avant l’âge de 15 ans ou lorsque la femme qui accouche a souffert de malnutrition et d’un retard de croissance pendant son enfance.
Les fistules peuvent entraîner des complications telles que des infections ou l’infertilité. Elles occasionnent également une incontinence permanente, source de stigmatisation, d’exclusion de la communauté ou cause de divorce pour les femmes qui en sont atteintes. Les fistules peuvent donc être à l’origine de troubles psychologiques comme la dépression.

L’importance de l’éducation et de l’accès aux soins de santé
Les efforts pour éradiquer les fistules doivent être menés à la fois au niveau individuel et structurel.
« Il faut tout d’abord sensibiliser les personnes concernées à la question de l’accouchement sans risque, principalement les femmes qui sont sur le point d’accoucher, mais aussi leurs maris, leurs belles-mères, les sages-femmes et les responsables religieux », explique Clémence Chbat. « Il faut aussi les sensibiliser à la nécessité d’accéder rapidement aux soins en cas de complications, au plus tard 24 heures après le début du travail. Nous leur conseillons de mettre de côté à l’avance les fonds nécessaires pour payer le transport vers l’hôpital le plus proche, car cela reste malheureusement un obstacle réel pour de nombreuses femmes. »
Outre les actions individuelles, les efforts visant à éradiquer cette lésion doivent être menés au niveau structurel. Cela commence par garantir l’accès pour les femmes à des structures de santé bien équipées et à des spécialistes formés pendant la grossesse et l’accouchement. Assurer cet accès ne sera possible qu’avec une volonté politique, un engagement communautaire et des investissements durables dans la santé des femmes.
En plus de gérer l’unité de traitement des fistules, MSF soutient, depuis 2008, la maternité de l’hôpital général de Jahun et quatre petites maternités à Aujara, Miga, Taura et Jahun. Quelque 20 000 accouchements y sont pratiqués chaque année.