Soudan du Sud : Les communautés se préparent à de nouvelles inondations avant la saison des pluies
Dans un paysage desséché, un tracteur de Médecins Sans Frontières (MSF) rugit à l’approche du petit village de Dentiuk, dans l’État du Haut-Nil, au Soudan du Sud. Il tire une remorque à laquelle est attaché un canot en bois grinçant. « Vous êtes sûrs que nous sommes au bon endroit ? », demande le conducteur.
« On ne dirait pas comme ça, mais quand il pleut, toute cette région est gravement touchée par les inondations et le seul moyen de se déplacer est le bateau », explique Jorge, le chef de l’équipe logistique de MSF. « Heureusement, les maisons de ce village sont construites sur un terrain plus élevé. ».
Dentiuk est l’un des 11 villages de l’État du Nil Supérieur qui ont reçu des canots de MSF pour aider à transporter les malades et les femmes enceintes pendant la saison des pluies, qui s’étend généralement de juin à octobre.
Cette année, les pluies n’ont pas encore commencé à tomber, mais les prévisions saisonnières et les projections sur le changement climatique laissent présager des temps difficiles. En mai, les Nations Unies ont prédit que les fortes pluies tombées récemment dans le bassin du lac Victoria, associées au phénomène El Niño attendu plus tard dans l’année, entraîneraient de graves inondations dans certaines parties du Soudan du Sud au cours des prochains mois.
Les inondations sont un fléau pour le Soudan du Sud depuis de nombreuses années. Les pires inondations de l’histoire de cette jeune nation ont été observées au cours des quatre dernières années et ont été exacerbées par le changement climatique. Pendant la saison des pluies, les eaux de crue ont emporté des villages entiers, détruit les récoltes, noyé le bétail et gravement endommagé les infrastructures, tout en forçant des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer.
L’année dernière, une partie plus importante que jamais du Soudan du Sud a été recouverte d’eau et, dans certains endroits, les eaux de crue ne se sont toujours pas retirées. À Bentiu, dans l’État d’Unité, le camp pour personnes déplacées est en fait une île protégée par des digues, tandis que certains villages d’Old Fangak, dans l’État de Jonglei, sont encore sous l’eau.
Mary Abur Thon, 26 ans, a été déplacée de sa maison de Peldiarowei, dans l’État du Nil Supérieur, par les inondations d’août dernier. Elle a fui avec son mari, leurs deux enfants et leur famille élargie vers le comté d’Akoka, où la situation était légèrement meilleure. « Après de fortes pluies, une nuit, le niveau de l’eau n’a cessé de monter et les enfants ne pouvaient même pas marcher », raconte-t-elle. « Nous n’avions pas de nourriture, car toutes les terres étaient recouvertes d’eau. Nous avons marché pendant des jours jusqu’à cet endroit. Ensuite, nous avons constaté qu’il était également inondé, mais pas aussi gravement ».
Pour la population locale, les inondations sont un désastre, les empêchant d’accéder à la nourriture et les isolant souvent dans de petites zones surpeuplées dépourvues d’infrastructures. Le fait de vivre dehors, sans moustiquaires et avec tout autour de l’eau stagnante où se reproduisent les moustiques, augmente considérablement le risque de contracter le paludisme, qui est déjà la principale cause de décès au Soudan du Sud. Les inondations contaminent les sources d’eau, augmentant le risque de maladies d’origine hydrique telles que le choléra et la diarrhée aqueuse aiguë, tandis que les conditions de surpeuplement facilitent la propagation des maladies infectieuses. Des communautés entières n’ont plus accès aux soins médicaux, ce qui met de nombreuses vies en danger.
Pour les organisations humanitaires comme MSF, il devient de plus en plus difficile d’atteindre les personnes dans le besoin, car les inondations emportent ou recouvrent les routes, les ponts et les pistes d’atterrissage.
Dans ce contexte, MSF aide les communautés à se préparer à la saison des pluies, tout en veillant à ce qu’elles puissent toujours accéder aux soins médicaux.
« Lorsque les gens tombent malades ici, nous n’avons aucun moyen de les transporter vers un endroit comme Malakal, sauf par bateau », explique Angau Biech, le chef du village d’Aree, dans le comté d’Akoka, qui a récemment reçu un canot de MSF. « Avant, nous devions louer des bateaux, mais maintenant, il sera plus facile pour nous de faire traverser la rivière aux gens jusqu’à Kodok. C’est là que MSF vient les chercher ».
MSF a également mis en place du matériel médical dans plusieurs endroits du pays, notamment dans le cadre de ses projets dans l’État du Nil Supérieur, en se concentrant sur les zones les plus vulnérables. Les équipes de MSF s’assurent que les médicaments et les fournitures pour traiter le paludisme, les maladies hydriques et les maladies infectieuses sont stockés en toute sécurité et facilement disponibles. Elles espèrent ainsi pouvoir endiguer rapidement toute épidémie future et empêcher qu’elle ne se propage.
Pour aider les communautés à fournir les premiers soins dans les situations d’urgence, les équipes de MSF forment aussi des membres clés des communautés isolées. Ces apprentissages portent sur les compétences médicales – des premiers soins de base aux soins avancés, y compris le soutien aux femmes enceintes pendant le travail et l’assistance à l’accouchement.
« L’accouchement n’est pas un processus que l’on peut ralentir une fois qu’il a commencé. Pourtant, dans ces régions, le centre de santé le plus proche se trouve souvent à plusieurs heures de route, et beaucoup plus longtemps en cas de fortes pluies et d’inondations », explique Dinatu, responsable des activités des sages-femmes de MSF à Malakal. « Nous formons des accoucheuses traditionnelles dans les villages, afin de leur donner des compétences supplémentaires pour soutenir les futures mères lorsqu’elles les emmènent en urgence au centre de santé le plus proche. »
Compte tenu de l’ampleur des inondations de ces quatre dernières années, il semble que les inondations massives soient une nouvelle réalité pour le Soudan du Sud. Afin de relever les nombreux défis complexes qui en découlent, les autorités, les donateurs et donatrices et la communauté humanitaire devront déployer des efforts concertés. Ces efforts devront viser à la fois à garantir l’accès des populations aux soins médicaux et à anticiper et traiter les conséquences du futur changement climatique dans la région.