Des familles attendent à l’intérieur de l’hôpital universitaire d’El-Geneina, soutenu par MSF. Il s’agit d’un des rares hôpitaux publics encore en activité dans le Darfour Occidental. Soudan, 2025. © Moises Saman/Magnum Photos
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Soudan et Tchad : survivre au lendemain, les communautés déplacées par le conflit

Moises Saman, photographe primé, s’est rendu au Darfour Occidental et dans l’est du Tchad pour que résonne la voix des personnes déplacées et survivantes de violences.

Le Soudan est une terre aux vastes horizons, où les dunes du Sahara rencontrent les rives fertiles du Nil et les montagnes du Darfour. La beauté du pays ne réside pas seulement dans ses terres, mais aussi dans son peuple : multiculturel, fier et uni par ses traditions et sa force.

Derrière cette beauté se cache pourtant une histoire marquée par les conflits. Pendant des décennies, les communautés ont été divisées par des guerres civiles sans fin, jusqu’à ce qu’éclate, en avril 2023, la guerre qui sévit actuellement entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR).

Afin de mettre en lumière une crise qui se déroule loin des caméras, et qui est largement ignorée par les médias, le photographe primé Moises Saman, de l’agence Magnum, s’est rendu avec Médecins Sans Frontières (MSF) au Darfour Occidental et dans l’est du Tchad. Réputé pour la qualité de son travail documentaire en zones de guerre, il ajoute à la photographie traditionnelle de conflit une perspective profondément personnelle. Ce faisant, il donne la parole aux personnes qui sont prises au piège de la violence et des déplacements forcés.


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Carte du Soudan et du Tchad, 2023. © MSF
Des enfants déplacés de Khartoum se tiennent à l’intérieur d’une ancienne école qui sert désormais de refuge aux familles qui ont dû fuir leur foyer. Soudan, 2025. © Moises Saman/Magnum Photos

« Dès que vous franchissez la frontière et que vous entrez au Soudan, vous sentez immédiatement que vous êtes dans un contexte militarisé. »

Moises Saman, photographe de l’agence Magnum

Chercher la sécurité au Tchad

En juin 2023, le nettoyage ethnique au Darfour Occidental a poussé des centaines de milliers de personnes auparavant piégées à El-Geneina à se diriger vers l’est du Tchad. Cet afflux soudain a exercé une pression énorme sur des ressources déjà limitées, avec des besoins urgents en matière de soins de santé, d’abris, de nourriture, d’eau et d’assainissement.

« Quand je suis arrivé dans la province de Ouaddaï, j’ai été surpris par le nombre d’individus qui vivent dans ces camps pour personnes réfugiées de fortune, si près de la frontière », explique Moises Saman. « À Adré, en particulier, le camp est littéralement situé le long de la frontière, et à seulement un kilomètre des zones contrôlées par les FSR, les forces que ces personnes ont fuies. »

Pour répondre à l’augmentation massive des besoins, MSF a ouvert une clinique et construit des latrines ainsi que des douches dans le camp de transit d’Adré. Dans le camp d’Aboutengué, nos équipes ont mis en place un hôpital de campagne qui offre des soins nutritionnels, pédiatriques et gynécologiques, d’urgence. L’hôpital offre également du soutien en santé mentale et une prise en charge des personnes qui ont survécu à des violences sexuelles. Ces activités se poursuivent, et les équipes s’efforcent de répondre aux besoins permanents de celles et ceux qui cherchent à se mettre en sécurité.

Mariam Yvette Matelet, aide-soignante chez MSF, discute avec des femmes à l’hôpital de campagne de MSF, dans le camp pour personnes réfugiées d’Adré. Tchad, 2025. © Moises Saman/Magnum Photos

Traverser la frontière vers le Darfour

Après avoir passé plusieurs jours au Tchad, rencontré de nombreuses personnes et écouté leurs récits, Moises Saman a poursuivi son voyage vers le Darfour Occidental.

« Dès que vous franchissez la frontière et entrez au Soudan, vous sentez immédiatement que vous êtes dans un contexte militarisé », explique-t-il. « Vous traversez ce no man’s land et vous vous retrouvez dans un territoire contrôlé par les FSR, avec plusieurs points de contrôle, des jeunes hommes armés et des véhicules militaires. Il n’y avait pas beaucoup de familles, surtout des gens sur des charrettes tirées par des ânes, transportant des cartons de marchandises et des bidons d’essence, principalement. »

Une région au cœur du conflit

Des enfants participent à une séance de soutien psychologique dans le service pédiatrique de l’hôpital universitaire d’El-Geneina, soutenu par MSF. Soudan, 2025. © Moises Saman/Magnum Photos
Meskerem Mulugeta, sage-femme chez MSF, aide à mettre au monde un bébé en bonne santé à l’hôpital universitaire d’El-Geneina. Soudan, 2025. © Moises Saman/Magnum Photos

Malgré des défis considérables, le personnel de MSF a continué, dès la première semaine du conflit, de prodiguer des soins essentiels aux personnes en état critique. Cependant, après la détérioration significative de la situation à El-Geneina, les membres du personnel médical ont fui leur maison par crainte d’être attaqués. La ville a été la proie de pillages généralisés visant des maisons privées, des magasins, plusieurs ONG, ainsi que les installations du ministère de la Santé.

MSF soutient l’hôpital universitaire d’El-Geneina, l’un des rares hôpitaux fournissant des soins médicaux essentiels gratuits aux personnes de la ville et des environs. Les équipes prennent en charge la santé maternelle et infantile, offrent un soutien en santé mentale et gèrent un centre nutritionnel thérapeutique.

« Je me souviens avoir rencontré un petit garçon, Khalil, et sa grand-mère à l’hôpital universitaire d’El-Geneina », dit Moises Saman. « Khalil n’avait que trois ans et souffrait de malnutrition sévère. Il avait déjà perdu ses deux parents et sa grand-mère était sa seule famille. J’ai été très ému de voir la tendresse avec laquelle elle s’occupait de lui. »

Khalil Al Hafez Issa et sa grand-mère Fatima Tom Usman, à l’hôpital universitaire d’El-Geneina. Soudan, 2025. © Moises Saman/Magnum Photos

Une crise qui mérite l’attention du monde entier

« Je pense que ce qui se passe au Soudan mérite l’attention du monde entier. On parle beaucoup d’autres conflits et crises humanitaires qui se déroulent actuellement, et ce conflit-ci est parfois éclipsé. Mais il y a tellement de personnes civiles qui souffrent, et j’aimerais simplement que davantage de gens y prêtent attention. Je pense que les activités accomplies par MSF sont formidables et j’espère qu’à travers mes photos, mon travail contribuera à maintenir l’attention sur ce conflit. »