Ali, un bénévole MSF en promotion de la santé au sein de la communauté, sensibilise la population à la gale. Bangladesh, 2023. © MSF
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Bangladesh – MSF demande une réponse urgente et globale à l’épidémie de gale dans les camps de personnes réfugiées

Une épidémie de gale, une maladie de la peau, touche des centaines de milliers de Rohingyas vivant dans les camps de personnes réfugiées du district de Cox’s Bazar au Bangladesh, une situation exigeant une réponse urgente, déclare Médecins Sans Frontières (MSF). Pour maîtriser l’épidémie, la réponse doit être rapide et complète. Elle doit aussi inclure des améliorations en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène dans les camps, précise MSF.

On estime que 40 % des personnes vivant dans les camps surpeuplés sont actuellement atteintes de la gale. Un récent rapport récent de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) suggère même que la prévalence atteint 70 % dans certains camps.

La gale est facile à traiter, mais elle peut avoir de graves conséquences physiques et mentales si elle n’est pas soignée. Le traitement habituel consiste à appliquer des médicaments sur la peau, les vêtements et l’environnement des patients et des patientes, afin d’éliminer le parasite à l’origine de l’infestation. Cependant, MSF prévient que, dans ces cas, les médicaments ne suffiront pas et qu’il faut s’attaquer à la source de l’épidémie.

« Des discussions récurrentes ont eu lieu sur la distribution massive de médicaments dans les camps pour lutter contre l’épidémie actuelle. Les médicaments ne suffiront toutefois pas à prévenir les réinfections s’ils ne sont pas accompagnés de mesures visant à remédier aux conditions insalubres à l’origine de l’épidémie », explique Karsten Noko, directeur national de MSF au Bangladesh.

Ces dernières années, les équipes MSF dans les camps ont traité un nombre croissant de patients et de patientes souffrant de maladies de la peau. En mars 2022, elles ont commencé à voir un nombre inhabituellement élevé de personnes atteintes de gale et, depuis, les chiffres sont montés en flèche. Entre janvier et mai de cette année, les équipes MSF dans les camps ont traité près de 70 000 personnes pour la gale, soit près du double de la même période en 2022.

« Certains jours, nous avons atteint des pics de 700 malades », explique Pankaj Paul, coordinateur médical adjoint de MSF Bangladesh. La situation est restée la même jusqu’en janvier 2023. Nous avons émis une alerte à ce sujet, tout en faisant face à une énorme charge de travail pour répondre à cette augmentation. Notre équipe a vu le nombre de malades augmenter et, à partir de février 2023, elle a décidé de les rediriger vers les centres de santé proches de leurs camps respectifs. « Pour l’instant, nous ne pouvons pas traiter toutes les personnes qui arrivent avec la gale – nous n’avons tout simplement pas la capacité nécessaire », explique Pankaj Paul.  

« Notre fils de quatre ans a la gale depuis décembre dernier », explique Ajmot Ullah, membre de la communauté rohingya vivant dans les camps. « Il a commencé à avoir des éruptions cutanées sur les mains, puis sur tout le corps. Nous avons dépensé de l’argent chez les médecins et dans les pharmacies et il a fini par aller mieux, mais il a très vite été réinfecté par la gale. Il ne dort pas beaucoup, tout son corps le démange, surtout la nuit, et il pleure beaucoup à cause de la douleur. Mes deux autres fils ont également la gale, et ma femme et moi avons aussi des symptômes. C’est devenu un cauchemar pour ma famille ».

L’année dernière, MSF au Bangladesh a mené une étude sur l’eau et les conditions sanitaires dans les camps de réfugiés rohingyas, laquelle montre que la situation est préoccupante. Nous constatons que l’assainissement n’est pas adéquat et que la disponibilité de l’eau est insuffisante. Les infrastructures reliées à l’eau et à l’assainissement se sont considérablement améliorées au cours des deux dernières années (installation de réseaux d’eau, chloration), mais l’entretien se dégrade. Ainsi, il y a moins de latrines en état de marche qu’auparavant. Dans certaines régions, les gens n’ont accès à l’eau que deux heures par jour. Cette situation est due au mauvais fonctionnement des systèmes d’approvisionnement en eau, mais elle est également liée au rationnement de l’eau. Ce rationnement est dû à l’idée fausse selon laquelle les ressources en eau souterraine sont épuisées par la population réfugiée, ce qui a été démenti par une surveillance et une modélisation spécialisées de ces sources d’eau. Le mois dernier, les rations de savon des personnes réfugiées ont été réduites de deux à une barre par mois.

« Nous n’avons pas assez de place », explique Taher, un réfugié de 18 ans vivant dans le camp de Jamtoli. « J’ai fait de mon mieux pour maintenir les normes d’hygiène, mais c’est difficile. Nous partageons la literie, nous partageons les vêtements, nous partageons tout. Maintenant, nous partageons aussi la gale. »

Cette épidémie de gale incontrôlable survient dans un contexte de réduction des fonds alloués aux personnes réfugiées rohingyas au Bangladesh, notamment pour les rations alimentaires. Même avant la réduction du financement, le niveau des services fournis par les agences d’aide dans les camps ne répondait pas aux besoins des personnes réfugiées. MSF est particulièrement préoccupée par le manque d’accès à des centres de santé dans les camps qui soient dotés d’un personnel complet et de médicaments en quantité suffisante.

« Un taux de positivité de 40 pour cent pour la gale est le ” canari dans la mine de charbon “, nous indiquant que la réponse sous-jacente en matière de santé et d’assainissement dans le camp ne fonctionne pas et qu’elle risque de menacer davantage le bien-être des Rohingyas et de la communauté locale de Cox’s Bazar », ajoute Karsten Noko.