Blogue pour la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose 2023 : nous reprenons notre blogue publié à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose 2022, auquel nous ajoutons le mot « toujours »
La sensation de déjà vu que nous avons ressentie en écrivant un article pour la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose 2023 était si évidente, que nous avons décidé de republier dans son intégralité celui rédigé lors de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose
Le point positif au cours de l’année qui vient de s’écouler, c’est que nous avons approfondi nos connaissances sur le traitement de la tuberculose en nous servant des outils déjà à notre disposition. De nouveaux schémas thérapeutiques offrent désormais un traitement plus court, plus sûr et plus efficace aux patients et aux patientes. MSF a contribué directement à la mise au point d’un nouveau schéma pour la tuberculose pharmacorésistante par le truchement de l’essai clinique TB-PRACTECAL. Dans le même temps, MSF ne cesse de prendre des mesures pour améliorer l’accès aux médicaments, aussi bien en repoussant les tentatives des sociétés pharmaceutiques visant à obtenir de nouveaux brevets pour les médicaments déjà sur le marché comme la bedaquiline, qu’en militant de façon à ce que les médicaments contre la tuberculose soient disponibles et abordables pour toutes les personnes qui en ont besoin. De nouvelles ressources comme la 8e édition du rapport de MSF intitulé DR-TB Drugs Under the Microscope (Les médicaments contre la tuberculose pharmacorésistante au microscope) contribuent notamment à ces efforts.
Du côté canadien, nous avons également enregistré, l’année dernière, quelques avancées. Le Canada a entendu les revendications portées lors de la reconstitution des ressources du Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme en augmentant sa contribution de 30 %. MSF poursuivra son plaidoyer afin que ces fonds soient utilisés à bon escient. Curieusement cependant, un grand nombre des médicaments auxquels la contribution du Canada au Fonds mondial permettra l’accès à travers le monde demeurent officiellement indisponibles et inutilement compliqués à obtenir au Canada, une situation qui perdure depuis des années. Espérons que le message à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose en 2024 permettra de brosser un tableau différent.
Journée mondiale de lutte contre la tuberculose : le Canada doit encore investir dans des outils capables de sauver des vies
Par : Adam Houston, chargé du plaidoyer et des politiques médicales, Médecins Sans Frontières (MSF) Canada
En 2019, la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde était la tuberculose. En 2020, c’est évidemment la COVID-19 qui a remporté ce titre, et malheureusement la perturbation qu’elle a causée dans les services de santé a mené à une augmentation du nombre de décès attribuables à la tuberculose. C’était la première fois depuis des années qu’une telle hausse se produisait, un nouveau recul par rapport à l’engagement à mettre fin à l’épidémie mondiale de tuberculose d’ici 2030. Et malgré tout cela, la tuberculose continue encore de ne recevoir qu’une fraction de l’attention accordée à la COVID-19.
Encore plus grand fournisseur non gouvernemental de soins antituberculeux au monde, MSF traite encore des patients atteints de tuberculose aux quatre coins de la planète. En Ukraine, MSF a récemment été contrainte de suspendre son projet de traitement de la tuberculose pharmacorésistante dans la région (en anglais) de Zhytomyr. L’organisation est extrêmement préoccupée par le fait que les combats incessants limiteront de façon considérable la capacité des gens à obtenir des soins médicaux. Les équipes de MSF ont fourni à tous leurs patients atteints de tuberculose au moins un mois de traitement. Il existe encore un risque réel que l’interruption de traitement et d’accès aux soins exacerbe ce qui était déjà un grave problème de santé publique. Pendant ce temps, en République centrafricaine, l’accès aux principaux médicaments antituberculeux est souvent interrompu (en anglais) par la violence dans ce pays en proie à un conflit où l’accès aux soins de santé est déjà limité (en anglais). La tuberculose est encore souvent liée au VIH dans tous les projets MSF à travers le monde; la co-infection VIH et tuberculose est fréquente, en particulier chez les personnes séropositives qui n’ont pas encore accès à un traitement et à des soins efficaces contre le VIH. De plus, la tuberculose est encore fréquemment liée à la pauvreté, au manque d’accès à des aliments nutritifs et à de nombreux autres problèmes systémiques graves encore rencontrés par MSF dans les contextes humanitaires.
Les efforts de riposte à la tuberculose se heurtent encore à un enjeu crucial : il manque d’outils efficaces. Au cours du dernier demi-siècle, seuls trois nouveaux médicaments (la bédaquiline, le delamanide, le prétomanide) ont été mis au point. Un récent rapport du Treatment Action Group et du partenariat Halte à la tuberculose fait état du sous-financement persistant de la recherche sur la tuberculose.
Par ailleurs, soulignons le fait qu’une dizaine de vaccins contre la COVID-19 ont été développés et approuvés dans le monde en moins de trois ans – la preuve indéniable de tout ce que l’on peut accomplir en matière de R et D avec un soutien adéquat. Le seul vaccin disponible contre la tuberculose, le vaccin BCG, fêtera son 101e anniversaire cette année. Certains chercheurs, canadiens notamment, à l’Université McMaster, travaillent à la mise au point d’un vaccin plus efficace. Cependant, le Canada fait encore partie des nombreux pays dont la contribution à la recherche sur la tuberculose n’atteint pas les objectifs mondiaux.
Il est encore aussi urgent que la recherche sur la tuberculose, au pays et ailleurs, reçoive une plus grande attention. L’industrie pharmaceutique s’intéresse encore peu à une maladie qui touche pourtant des millions de personnes chaque année. Si elle n’est encore pas prête à soutenir l’innovation nécessaire pour que de meilleurs médicaments et vaccins se rendent du laboratoire jusqu’au chevet du patient, les gouvernements doivent envisager de nouveaux modèles d’innovation qui mettent la vie avant le profit pour offrir ces précieux outils médicaux rapidement et à un prix abordable.
À ce problème en est encore associé un autre : la non-disponibilité des médicaments existants dans certains des endroits où ils sont nécessaires. Ce problème ne se limite encore pas aux pays à faible revenu ou aux crises humanitaires. Aucun des trois nouveaux médicaments antituberculeux mentionnés précédemment n’est homologué pour utilisation au Canada. Il en va de même pour d’autres médicaments vieux de plusieurs décennies comme la rifapentine; ce médicament est si important pour la santé publique que le Canada l’importe en vrac de sources étrangères non approuvées pour ce que Santé Canada qualifie explicitement de « crise de la tuberculose ». Pourtant, les entreprises pharmaceutiques ne semblent encore pas intéressées à vendre ce produit sur le marché canadien.
Cette situation est un rappel cinglant que les obstacles au traitement efficace de la tuberculose doivent encore être abordés partout. Bien que la tuberculose ne soit plus la principale cause de décès au Canada, comme elle l’était au moment de la Confédération en 1867, la maladie demeure néanmoins un réel problème de santé publique. Par exemple, en 2021, la Saskatchewan a connu plus de 100 cas et deux décès. La tuberculose touche encore aussi de façon très disproportionnée les communautés autochtones, particulièrement dans le Grand Nord, ainsi que les personnes nées à l’extérieur du Canada. Le fait que la tuberculose demeure un problème dans un pays bien doté en ressources comme le Canada nous rappelle encore la gravité du problème et l’importance de consacrer suffisamment de ressources à son traitement, ici au pays et à l’étranger. En cette Journée mondiale de lutte contre la tuberculose, le Canada doit encore investir dans l’accès aux outils existants et dans la mise au point de nouveaux outils qui pourront servir à bâtir un monde où la tuberculose sera chose du passé.