Queen's Elizabeth Central Hospital is the referral hospital for thousands of people in southern Malawi. MSF initiated a cervical cancer project in Malawi in 2018. In 2019, facilities were built at the hospital to create and enhance capacity to cope with upcoming treatment demands. © DIEGO MENJIBAR
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Cancer du col de l’utérus au Malawi : traiter la maladie dans un contexte à ressources limitées

Au Malawi, le cancer du col de l’utérus représente 37 % des cancers chez les femmes[1]. Depuis 2018, Médecins Sans Frontières (MSF) a développé, en collaboration avec les autorités sanitaires locales, des activités pour réduire l’incidence et la mortalité chez les femmes dans les districts de Blantyre et de Chiradzulu. Le point sur la prise en charge de cette maladie avec Marion Péchayre, cheffe de projet de MSF sur place. 

Pourquoi MSF a-t-elle investi le champ de la cancérologie?

C’est la conjonction de plusieurs dynamiques qui a amené MSF à s’intéresser au cancer. Les projections épidémiologiques laissent entrevoir, dans les pays à faibles revenus, un reflux des maladies infectieuses et en même temps, une progression des maladies chroniques comme le cancer. Le manque de moyens et les stades tardifs auxquels sont diagnostiqués les cancers en Afrique subsaharienne, par exemple, laissent penser qu’à l’image des pays à revenus élevés, ils feront à terme plus de victimes que les maladies infectieuses. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime ainsi que la mortalité due aux cancers aura doublé en Afrique d’ici 2040.

 

Une femme feuillette une brochure préparée par MSF qui regroupe des informations sur le cancer du col de l’utérus et la chimiothérapie.
Une femme feuillette une brochure préparée par MSF qui regroupe des informations sur le cancer du col de l’utérus et la chimiothérapie. Les séances sont également suivies par des soignants ou des soignantes, mais aussi par des femmes qui font généralement partie de la famille et qui accompagnent les patientes tout au long du processus.DIEGO MENJIBAR

 

Au Malawi, où nous menions des activités de prise en charge du VIH/SIDA depuis de nombreuses années, nous nous sommes aperçus que nous avions beaucoup de patientes atteintes du cancer du col de l’utérus. Les femmes porteuses du VIH sont en effet six fois plus exposées au cancer du col que les femmes séronégatives. Cela nous a amenés à faire une évaluation globale du problème du cancer du col de l’utérus au Malawi, qui est le deuxième pays qui connaît les plus forts taux de prévalence et de mortalité au monde. En 2020, 4 145 nouveaux cas ont été détectés et 2 905 femmes en sont mortes[2]. L’accès aux anticancéreux est très fluctuant, la radiothérapie est inexistante et la chirurgie peu développée. Nous nous sommes donc attardés à soutenir, lorsque c’était possible, la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV), à étendre le dépistage et à développer des solutions de traitements et de soins palliatifs.

Comment traiter le cancer dans un pays où la radiothérapie est inaccessible, comme au Malawi?

En l’absence de radiothérapie, qui est normalement le traitement de première intention pour les cancers du col de l’utérus, MSF a développé depuis deux ans un modèle de soins qui combine chimiothérapie et chirurgie. Après trois à six cycles de chimiothérapie, on réduit les tumeurs et on les rend opérables, ce qui permet de sauver des femmes. Les données manquent encore pour évaluer le taux de survie à deux ans, mais le protocole montre des résultats satisfaisants et on peut espérer qu’il offre une espérance de vie assez proche du traitement avec radiothérapie. Dans les pays à ressource limitée, ce protocole pourrait être envisagé comme une alternative sérieuse à la radiothérapie, dans la mesure où il y a des chirurgiens et des chirurgiennes bien formées.

C’est pourquoi nous avons accordé une attention particulière à la formation de ceux et celles qui réalisent des gestes chirurgicaux de pointe, comme des hystérectomies (ablation totale ou partielle de l’utérus). Sur les 40 chirurgies qui sont pratiquées en moyenne chaque mois dans le projet de MSF, 14 sont des hystérectomies. Les chirurgiennes et les chirurgiens sont donc devenus hautement spécialisés et ont acquis dans le domaine de la chirurgie gynéco-oncologique un niveau de compétence supérieur à celui de leurs homologues d’Europe, où cette chirurgie est rare aujourd’hui. Par ailleurs, la qualité des traitements est assurée par un travail multidisciplinaire impliquant anatomopathologistes, oncologistes, équipe de chirurgie et de soins de soutien, comme le soutien social et psychologique, la kinésithérapie ou les soins palliatifs.

Pendant les séances avec les patientes, l
Pendant les séances avec les patientes, l’accent est mis sur l’éducation thérapeutique. Les femmes reçoivent des informations sur les effets secondaires de la chimiothérapie, le régime alimentaire à suivre pendant le traitement et elles partagent même différents exercices de rééducation qui peuvent être faits à la maison.DIEGO MENJIBAR

 

Il y a aussi des femmes que l’on dépiste à un stade plus avancé, et pour qui nous organisons et finançons le transfert au Kenya, pour qu’elles puissent recevoir des traitements de radiothérapie. Ces transferts nécessitent toutefois un accompagnement et des moyens importants et ce n’est pas un service qui peut être offert à grande échelle. D’ici la fin de l’année 2023, nous devrions être en mesure d’avoir accès à la radiothérapie au Malawi, ce qui devrait faciliter le traitement de ces femmes dépistées tardivement.

Quelle est la place pour la prévention?

Elle est cruciale, car le cancer du col de l’utérus est facilement évitable. C’est l’un des rares cancers associés à un virus, le papillomavirus humain (HPV) et il existe un vaccin efficace contre certains papillomavirus. L’autre moyen de se protéger contre le cancer est le dépistage précoce, qui est à la fois un moyen de prévention et la première phase de soins par le traitement des lésions précancéreuses. Le vaccin anti-HPV est rendu disponible par des mécanismes internationaux comme GAVI, mais la vaccination en routine dans les centres de santé ne permet pas d’atteindre facilement la population cible au Malawi, c’est-à-dire les filles de 9 à 13 ans. Elles viennent peu aux centres de santé, car elles sont peu malades, et il faut en fait aller les vacciner à l’école ou dans les villages pour celles qui ne sont pas scolarisées. Pour de tels programmes systématiques de prévention dans les écoles et les communautés, il faut que le ministère de la Santé ait des moyens supplémentaires. Ce sont ces programmes de vaccination que nous voulons soutenir en partenariat avec le ministère malawite, comme nous l’avons fait le mois dernier, en janvier, auprès de 17 000 adolescentes dans le district de Phalombe.  


[1] Global Cancer Observatory, 2020

[2] https://www.wcrf.org/cancer-trends/cervical-cancer-statistics/