Gymnasium in the city of Uzhhorod, a city bordering Slovakia in the Transcarpathia region, converted into a shelter by its owner to provide accommodation for those displaced by the war in Ukraine. Author: Santi Palacios / MSF Gimnasio en la ciudad de Úzhgorod, ciudad fronteriza con Eslovaquia en la región de Transcarpatia, reconvertido en refugio por su dueño para dar alojamiento a desplazados por la guerra en Ucrania. © Santi Palacios
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Chaque jour, des milliers d’Ukrainiens traumatisés et épuisés arrivent en Slovaquie

Marta Wnorowska travaille actuellement à la frontière entre la Slovaquie et l’Ukraine en tant que coordonnatrice de projet pour Médecins Sans Frontières (MSF). Selon les Nations Unies*, plus de 195 000 réfugiés sont entrés en Slovaquie depuis que la guerre a commencé le 24 février 2022. En entrevue, elle nous décrit la situation des deux côtés de la frontière.

Marta Wnorowska, coordonnatrice du projet MSF.
Marta Marta Wnorowska, coordonnatrice du projet MSF., MSF Project Coordinator.Santi Palacios

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Quelle est la situation dans la ville frontalière ukrainienne d’Uzhhorod?

Uzhhorod est une ville située tout près de la Slovaquie, à seulement deux kilomètres, et est devenue une plaque tournante pour la distribution de l’aide humanitaire au reste de l’Ukraine. C’est un endroit relativement sécuritaire pour l’instant. La vie y est presque normale : les gens circulent dans les rues, il n’y a pas de couvre-feu, les magasins sont ouverts, et l’électricité, l’eau et les autres services fonctionnent encore.

Mais il règne là-bas une atmosphère troublante. Il y a des files d’attente aux guichets automatiques bancaires, certains produits se font de plus en plus rares dans les pharmacies et les sirènes retentissent à l’occasion. Avant la guerre, la ville comptait 100 000 habitants, mais le nombre de personnes qu’elle abrite maintenant est au moins trois fois plus élevé. Devenue très achalandée, la ville connaît dorénavant des embouteillages, et les autorités craignent que les ressources ne s’épuisent.

La communauté locale ici doit composer avec un afflux de personnes qui se sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays; certaines d’entre elles ne font que s’y arrêter avant de poursuivre leur voyage. Les arrivants peuvent s’inscrire et obtenir de la nourriture, des vêtements et de l’assistance médicale. Comme il n’y a pas encore de camps, les gens séjournent dans la communauté, certains chez la parenté, d’autres dans des hôtels ou des bâtiments publics. D’autres encore se retrouvent à la gare à attendre le prochain train ou que quelqu’un vienne les chercher. Certains y dorment même.

Les habitants d’Uzhhorod s’efforcent également de faire preuve de solidarité envers les autres citoyens des zones situées près des lignes de front en leur envoyant des articles de secours.

L’hôpital régional de Transcarpathie, le principal hôpital à Uzhhorod, compte 200 lits, est bien équipé et dispose d’une capacité de soins spécialisés et chirurgicaux. On s’y prépare à une réponse de plus grande ampleur, notamment en rendant 200 lits supplémentaires disponibles en cas d’afflux de patients. Par ailleurs, l’université dispose d’une faculté de médecine, donc pour l’instant, il y a suffisamment de médecins et d’infirmiers.

Que se passe-t-il à la frontière entre l’Ukraine et la Slovaquie?

La frontière commune compte trois points de passage. Vyšné Nemecké est le plus important : 70 pour cent des personnes entrant en Slovaquie depuis l’Ukraine passent par ici, et c’est également le point de transit pour la plupart des marchandises et des cargaisons. Le second, Ubla, permet l’entrée des voitures et des personnes, et enfin, Slemense, le plus petit, sert uniquement au passage des piétons.

En moyenne, environ 10 000 personnes entrent chaque jour en Slovaquie. Sur le côté ukrainien de la frontière, les files d’attente au point d’entrée principal peuvent atteindre trois kilomètres de long. Quatre-vingt-dix pour cent des arrivants sont des femmes et des enfants, le reste étant des personnes âgées. Les gens voyagent avec peu de bagages, très souvent un sac à dos, une petite valise de cabine ou un sac en plastique. Vous pouvez voir des mères portant de gros manteaux, certaines d’entre elles traînant des enfants ou des animaux de compagnie. Malgré la faim, les traumatismes et l’épuisement total, les gens marchent vite, avec détermination et en silence dans le froid, alors que les températures se situent entre -5 et 10 degrés Celsius.

Des centaines de personnes font la file pour traverser la frontière à pied jusqu
Des centaines de personnes font la file pour traverser la frontière à pied jusqu’en Slovaquie depuis la ville d’Uzhhorod dans la région de Transcarpathie en Ukraine, le 6 mars 2022.Santi Palacios

La première vague de réfugiés est venue du nord du pays comme Kyiv ou Kharkiv, ou de villes de l’est comme Marioupol. Les gens se déplaçaient principalement en voiture et en train. Dans les premiers jours, on pouvait voir des gens voyager dans des voitures plus spacieuses et en meilleur état. Mais maintenant leur profil change : les gens semblent plus vulnérables et parcourent de nombreux kilomètres à pied dans des conditions difficiles.

Que se passe-t-il une fois que les gens entrent en Slovaquie?

Du côté slovaque, il y a beaucoup d’organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales, et beaucoup de bénévoles, qui accueillent les réfugiés et leur offrent nourriture et vêtements. Il y a aussi beaucoup de membres des forces de sécurité qui portent assistance aux gens. Les pompiers sont également fortement impliqués et gèrent généralement la logistique, par exemple en coordonnant les ambulances ou en soutenant les personnes qui se dirigent vers différents pays.

Dans la ville de Humenne, il y a un centre de transit qui a la capacité d’accueillir 200 réfugiés, mais les gens n’y restent pas longtemps. La plupart d’entre eux poursuivent leur voyage vers d’autres pays européens, tandis que certains citoyens non européens sont rapatriés sur des vols organisés par leur gouvernement. Il existe une communauté ukrainienne en Slovaquie, or certaines personnes séjournent dans des familles d’accueil et d’autres chez des Slovaques qui offrent un hébergement. Avec l’arrivée de plus en plus de réfugiés, le gouvernement slovaque prévoit d’offrir des espaces supplémentaires, car la prochaine vague d’arrivants risque de ne pas avoir les mêmes ressources et les mêmes relations au pays.

Comment MSF apporte-t-elle son soutien?

Notre première équipe d’urgence est arrivée en Slovaquie au début du mois de mars et, après une première évaluation, nous collaborons maintenant avec le ministère de la Santé pour soutenir la réponse. Nous sommes également en train de négocier un protocole d’entente pour pouvoir importer des fournitures médicales et travailler ici.

Pour le moment, les besoins humanitaires et médicaux critiques sont couverts par les autorités locales et la société civile, de sorte que notre approche sera de combler les lacunes à mesure que la situation deviendra accablante. Nous prévoyons d’avoir une équipe mobile qui assurera une surveillance régulière à la frontière, en offrant du soutien en santé mentale, en facilitant les orientations d’urgence et en prenant soin des personnes les plus vulnérables.

Du côté ukrainien, nous cherchons à établir une base à Uzhhorod et à continuer de suivre l’évolution de la situation dans cette ville. Nous considérons également des villes comme Ivano-Frankvisk, d’où nous pourrions surveiller, évaluer et intervenir dans tout le sud-ouest de l’Ukraine. Le plus grand problème pour le système de santé à l’heure actuelle est la pénurie potentielle de fournitures médicales essentielles. À Uzhhorod, il manque déjà de produits comme l’insuline, les narcotiques et les sédatifs, qui ont été redirigés vers d’autres endroits du pays directement touchés par les combats.

 

*En date du 14 mars 2022.