A child, admitted in in the Inpatient Therapeutic Feeding Centre (ITFC) in Abs General Hospital, Hajjah Governorate, Yemen, holds the hand of her grandmother. Malnutrition is a consistent health concern among people in Yemen, with seasonal and annual peaks. This was the case even before the war, but the direct and indirect effects of the war have exacerbated the food insecurity. To respond to the malnutrition needs in Hajjah governorate, MSF opened the Inpatient Therapeutic Feeding Centre (ITFC) in Abs Hospital by the end of 2016. © Jinane Saad/MSF
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Cinq raisons pour lesquelles la malnutrition infantile aiguë explose au Yémen

 

La malnutrition est un risque persistant pour les enfants au Yémen. Le pays est affecté par des pics saisonniers et annuels généralement liés à la saison de soudure, elle-même causée par des perturbations de la production agricole dans les zones rurales. Ce schéma constaté avant l’intensification de la guerre, à la fin de 2014, s’est aggravé en raison des conséquences directes et indirectes de l’enlisement du conflit qui a exacerbé l’insécurité alimentaire pour les communautés déjà vulnérabilisées.

Toutefois, la malnutrition va au-delà de l’insécurité alimentaire. Voici cinq éléments clés qui, d’après les équipes MSF à travers le Yémen, contribuent à la hausse de cas de malnutrition.

 

  1.  1. Une accessibilité réduite aux denrées alimentaires


  2. Le personnel médical de MSF prépare et distribue aux mères du lait thérapeutique pour qu’elles nourrissent leurs enfants à la cuillère
    Le personnel médical de MSF prépare et distribue aux mères du lait thérapeutique pour qu’elles nourrissent leurs enfants à la cuillère, dans le centre d’alimentation thérapeutique pour personnes hospitalisées de l’hôpital général d’Abs, dans le gouvernorat de Hajjah, au Yémen.Jinane Saad/MSF

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De nombreuses familles au Yémen ne sont pas en mesure d’acheter assez de nourriture et d’aliments nutritifs, dans la mesure où la profonde crise économique qui sévit au pays a engendré une inflation sans précédent. Nombreux sont ceux et celles qui n’ont pas accès à un travail rémunéré, ou qui ont perdu leur logement à cause d’une guerre de plus de huit ans, des destructions, ou des déplacements. La valeur du riyal yéménite (la monnaie officielle du Yémen) connaît une forte dépréciation et le coût des aliments et des transports – dont l’essence – augmente, entravant davantage l’accès à des quantités suffisantes de nourriture.

« Nous nous sommes rendus à l’Hôpital de Abs plusieurs fois et sa situation s’améliorait », disait Shohra Mohamed, qui a accompagné à l’hôpital Abs de Hajjah son petit-fils de quatre ans, Abdullah, atteint de malnutrition et d’autres complications. « La dernière fois qu’il est sorti de l’hôpital, c’était il y a 20 jours. Nous préférons venir ici, car les soins sont gratuits. Le père d’Abdullah est absent. Avec sa mère, on essaye de le nourrir avec ce que l’on a, on peut rarement se permettre de lui donner du lait. Nous n’avons pas accès à des centres de santé qui distribuent des aliments thérapeutiques. »

 

  1.  2. Un accès difficile aux services de santé primaires


  2. Des femmes veillent sur leurs enfants au centre d’alimentation thérapeutique pour personnes hospitalisées de l’hôpital général d’Abs, dans le gouvernorat de Hajjah, au Yémen.
    Des femmes veillent sur leurs enfants au centre d’alimentation thérapeutique pour personnes hospitalisées de l’hôpital général d’Abs, dans le gouvernorat de Hajjah, au Yémen.Mohammed Al-Shahethi/MSF

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Le réseau de santé au Yémen continue de s’effondrer. Les ressources financières limitées des autorités sanitaires, les pénuries de matériel et d’équipement, l’absence ou l’irrégularité de paiement des équipes médicales salariées ont entraîné la fermeture de nombreux centres de santé. Ajoutée aux coûts élevés de l’essence, cette situation a considérablement limité l’accès aux soins médicaux d’urgence. Le plus souvent, cela a retardé la prise en charge de personnes nécessitant des soins médicaux importants, entraînant des complications qui auraient pu être évitées, dont la malnutrition.

Les équipes de MSF du gouvernorat d’Amran qui travaillent à l’hôpital Al-Salam-Khamer ont constaté, depuis la fin du mois de mai, une hausse soutenue du nombre de patients et de patientes présentant une malnutrition aiguë sévère (SAM). Le taux d’occupation des lits dans le centre d’alimentation thérapeutique pour les personnes hospitalisées (ITFC, en anglais) a atteint 396 % en septembre 2022. Au même moment, le nombre de consultations d’urgence a augmenté de plus de 20 %. Entre janvier et septembre 2022, 31 personnes avec une SAM sont décédées après avoir été admises. La plupart d’entre elles sont malheureusement arrivées trop tard, avec des complications médicales trop sévères pour être traitées. De nombreux individus admis pour SAM à l’hôpital Al-Salam, soutenu par MSF, ont voyagé depuis des zones environnantes où les centres de soins primaires ne sont que partiellement fonctionnels. Une tendance similaire a été observée dans le gouvernorat de Al-Hudaydah. Notre équipe du département d’urgence de l’hôpital rural de Ad-Dahi a reçu 1 902 enfants souffrant de malnutrition avec des complications, entre janvier et octobre 2022.

 

  1. 3. La pauvreté et l’instabilité des conditions de vie

 

De mauvaises conditions de vie, particulièrement pour les personnes déplacées, contribuent également à la hausse de la malnutrition. L’hôpital d’Abs du gouvernorat de Hajjah a reçu des patients et des patientes des environs, où de nombreuses personnes déplacées vivent sans un abri approprié et avec un accès alimentaire et pécuniaire limité. De janvier à septembre 2022, le ITFC soutenu par MSF à l’hôpital général de Abs a admis 2 087 enfants pour malnutrition et complications médicales associées. Parmi ces enfants, nombreux sont ceux et celles qui venaient de Al-Khamis, un sous-district du gouvernorat de Al-Hudaydah, au sud de Abs, et plusieurs se sont présentés tardivement. La majorité de ces enfants avaient entre 6 et 23 mois.

« La plupart des personnes déplacées n’ont pas un revenu régulier à cause de l’accès limité à des opportunités professionnelles », dit Saddam Shayea, superviseur de la promotion de la santé de MSF à l’hôpital de Abs. « Un autre enjeu est le manque d’accès à de l’eau propre. Cela augmente les cas de diarrhées, par exemple, ce qui s’ajoute au manque de matériel d’hygiène essentiel pour réduire le risque ou limiter la propagation de certaines maladies. »

 

  1. 4. Un manque de sensibilisation de la communauté à la santé


  2. L’hôpital Khamer Al-Salam, à Amran, au Yémen.
    L’hôpital Khamer Al-Salam, à Amran, au Yémen.Athmar Mohammed/MSF

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Il est absolument nécessaire d’améliorer l’accès à la promotion de la santé pour les soins prénatals (ANC) et postnatals (PNC), qui sont directement liés à la malnutrition. La faible disponibilité et accessibilité de ces soins génère des grossesses compliquées, ce qui se traduit par des accouchements plus difficiles, tant pour les mères que pour les nouveau-nés. Par exemple, à l’hôpital Abs, en 2022, plus de 50 % des mères du service de maternité souffraient de malnutrition.

Dans le passé, MSF a observé un très faible taux de femmes dans le service de maternité ayant reçu des soins prénataux (ANC). En 2021, seulement 10 % des femmes ayant accouché à l’hôpital avaient reçu au moins une consultation prénatale. Les consultations prénatales sont généralement l’occasion d’identifier et de traiter la malnutrition chez les femmes enceintes en les orientant vers les services de nutrition appropriés. Cela améliore l’issue de la grossesse et réduit les risques de malnutrition chez les nouveau-nés et les nourrissons.

Par ailleurs, la communauté est peu sensibilisée à l’importance de l’allaitement maternel et des vaccinations de routine pour les enfants. Les parents n’ont pas non plus accès aux informations sur l’identification des premiers symptômes de la malnutrition, ce qui en retarde la détection et la prévention.

 

  1. 5. Des lacunes dans la réponse humanitaire 

 

Cette année, les coupes budgétaires ont entraîné l’interruption des services de centres de soins de santé primaires ou une insuffisance de médicaments disponibles.

« J’ai quatre enfants qui souffraient tous de malnutrition », a déclaré Ahmed Abu Al Ghaith, un père qui a amené sa fille d’un an souffrant de SAM à l’hôpital Ad Dahi. « Je les ai emmenés au centre de traitement de la malnutrition le plus proche, dans la région. Mais ils ont dû choisir et établir des priorités parmi mes enfants pour leur donner des aliments thérapeutiques, car il n’y en avait pas assez. »

Outre les programmes de santé, les lacunes dans les programmes de nutrition et d’assistance alimentaire, ainsi que la qualité insuffisante des services d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH) ont augmenté les risques de malnutrition et de complications associées, qui sont plus importants avec les maladies transmises par l’eau.

 

Répondre à l’augmentation du nombre de personnes souffrant de malnutrition

Les mères profitent d’une séance d’information sur les bons comportements à adopter pour l’allaitement maternel et la santé de leur enfant. La séance a eu lieu dans le service de malnutrition de l’hôpital Al-Salam, au Yémen.
Les mères profitent d’une séance d’information sur les bons comportements à adopter pour l’allaitement maternel et la santé de leur enfant. La séance a eu lieu dans le service de malnutrition de l’hôpital Al-Salam, au Yémen.Athmar Mohammed/MSF

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MSF travaille dans 13 des 21 gouvernorats du Yémen. Les équipes de MSF de la plupart de nos structures ont constaté une augmentation inquiétante du nombre d’enfants malnutris souffrant de complications médicales. Cela a engendré, dans nos ITFC, des taux d’occupation des lits bien au-delà de 100 % de leur capacité. Pour faire face à l’augmentation du nombre de cas de malnutrition et pour réduire la morbidité et la mortalité parmi les personnes les plus vulnérabilisées, nos équipes renforcent leurs capacités dans le cadre de projets, à la fois dans les ITFC et au sein d’autres départements. Elles augmentent leur soutien aux centres de soins de santé primaires et multiplient les activités de promotion de la santé.

Dans le gouvernorat de Amran, l’hôpital Al-Salam a déployé, depuis juin 2022, un plan d’urgence dans les départements pédiatriques pour faire face à l’augmentation des admissions pour malnutrition. La capacité totale des lits est désormais de 213, contre 113 lits habituellement disponibles.

De la même manière, dans le gouvernorat de Al-Hudaydah, pour faire face de toute urgence à l’augmentation catastrophique des cas de malnutrition aiguë dans le district de Ad-Dahi, MSF a élargi l’accès aux services de malnutrition en créant un ITFC de 70 lits. Nous avons en outre facilité les références gratuites des centres de santé vers l’hôpital pour les enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition, et qui remplissent les conditions d’admission. Pour le seul mois de novembre 2022, 282 personnes souffrant de malnutrition avec complications ont été admises dans le nouvel ITFC. Le suivi nutritionnel est également renforcé dans le district de Ad-Dahi afin de garantir un signalement suffisamment précoce de la situation nutritionnelle et des épidémies. 

Après avoir atteint une capacité de 180 %, dans le gouvernorat de Hajjah, l’équipe de l’hôpital d’Abs a exceptionnellement augmenté la capacité de l’ITFC en utilisant les locaux du ministère de la Santé pour faire face à l’afflux d’enfants souffrant de malnutrition. Par ailleurs, elle soutient désormais le centre de santé Al-Khamiss, à Al-Hudaydah, y compris les services liés à la malnutrition.

La malnutrition reste toutefois extrêmement préoccupante au Yémen, causant des décès qui peuvent être évités, en particulier chez les enfants de moins de cinq ans. Les autorités sanitaires, les intervenants et les intervenantes de l’aide humanitaire et de la santé doivent apporter une réponse globale visant à renforcer la portée et l’efficacité de la surveillance à l’échelle nationale. Il est nécessaire de combler les lacunes au sein des structures de soins de santé primaires afin de garantir un accès rapide aux soins et de contribuer à sensibiliser les communautés à la détection des signes avant-coureurs de la malnutrition. La réponse doit également inclure l’intensification des campagnes de vaccination dans tout le pays, en particulier chez les enfants de moins de cinq ans qui restent les plus vulnérables.