Doctor Ebel Saavedra and health promoter Uliana Esteves cross Lake Tefé by boat for a health promotion activity in the Abial neighborhood of Tefé, in the state of Amazonas, Brazil. © Diego Baravelli
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COVID-19 à Manaus : Effet de cascade dans les villes rurales d’Amazonie

 

Avec l’effondrement du système de santé, la capitale de l’État cesse de recevoir des cas graves en provenance d’autres villes.

Le système de santé de Manaus, la capitale de l’État brésilien d’Amazonas, s’est effondré pour la deuxième fois. Bien que les hôpitaux aient augmenté à un rythme étonnant leur capacité d’accueil pour les cas de COVID-19, le nombre de nouveaux patients a continué de croître encore plus rapidement, ce qui signifie que l’ensemble du système de santé est saturé et surchargé. Encore plus inquiétant, la capacité de la ville à produire de l’oxygène est inférieure à un tiers des besoins actuels; certains hôpitaux sont donc incapables de mettre les patients sous ventilateur, ce qui a entraîné la mort de patients par asphyxie, selon ce qu’on rapporte. L’effet d’entraînement sur les villes en amont, dans la région rurale d’Amazonie, commence à se manifester et pourrait être tout aussi dévastateur.

Médecins Sans Frontières (MSF) dispose d’équipes dans les villes amazoniennes de São Gabriel da Cachoeira et Tefé, toutes deux à quelques jours de bateau en amont de la capitale de l’État. Les hôpitaux de Manaus étant pleins et en difficulté, il n’y a nulle part où transférer les cas les plus graves. MSF est en train d’élargir d’urgence ses équipes et cherche à voir comment nous pouvons aider à Manaus, où il y a déjà commencé à avoir des morts.

 

Accès limité aux traitements pouvant sauver des vies

 

Au cours de la première semaine de janvier, un tiers des patients atteints de COVID-19 à Tefé ont eu besoin d’oxygène, et la semaine dernière, ce sont les deux tiers d’entre eux. Ce n’est pas seulement le nombre de patients qui augmente, mais aussi la gravité de leur état à l’admission, ce qui indique un glissement vers une situation désastreuse. « En connaissant mieux la maladie, nous devrions être mieux placés pour sauver des vies, mais encore faut-il que nous ayons de l’oxygène et la possibilité d’orienter les patients dans un état grave ou critique vers des hôpitaux mieux équipés. La semaine dernière, aucun patient n’a pu être envoyé par avion de Tefé à Manaus. Nous avons perdu trois patients qui auraient eu une chance de survivre s’ils avaient été soignés dans un hôpital d’une grande ville, mais leur transfert n’a pas été possible », a expliqué Pierre Van Heddegem, chef de mission MSF pour le Brésil.

 

L’équipe MSF en réunion avec l’équipe de l’hôpital régional de Tefé qui s’occupe de la zone d’isolement COVID-19, pour analyser l’état de santé de chaque patient.Diego Baravelli

 

Comme il n’y a pas d’unités génératrices d’oxygène à proximité de Tefé capables de remplir les bouteilles d’oxygène, ces dernières doivent être envoyées à Manaus pour le remplissage. MSF a fait don de 50 bouteilles neuves à l’hôpital régional de Tefé fin 2020, mais sans possibilité de les remplir à Manaus, la zone rurale risque également de manquer de cet apport vital. « Il ne nous reste plus que quelques jours d’oxygène à Tefé si les admissions se poursuivent à ce rythme », a ajouté Pierre Van Heddegem.

MSF recherche désespérément des solutions alternatives pour aider les patients gravement malades de Tefé, malgré la saturation totale des hôpitaux de Manaus. Par ailleurs, l’organisation examinera les moyens de fournir de l’aide à Manaus. Les premiers membres d’une équipe MSF ont commencé à arriver hier dans la capitale de l’État d’Amazonas.

 

Répondre à São Gabriel da Cachoeira

 

À São Gabriel da Cachoeira, l’autre municipalité de l’État d’Amazonas où MSF travaille, la nouvelle année a également vu une augmentation immédiate des cas; au cours de la première semaine de janvier, le nombre de personnes infectées par la COVID-19 a été multiplié par cinq par rapport à la dernière semaine de 2020. Un centre d’observation de six lits pour les patients atteints de COVID-19 a été mis en place par le ministère de la Santé et est soutenu par une équipe MSF. Il y a un petit hôpital ayant sa propre capacité de production d’oxygène, mais si le nombre de cas augmente, la capacité pourrait être dépassée et nous pourrions être confrontés aux mêmes terribles perspectives qu’à Tefé.

MSF a aidé à améliorer le dépistage de la COVID-19, en utilisant spécifiquement le test d’antigène qui dresse le portrait de la situation COVID-19 en temps réel, contrairement au test d’anticorps qui est le plus généralement utilisé au Brésil. Nous avons du mal à comprendre pourquoi le Brésil se tourne autant vers les tests d’anticorps, car ceux-ci ne peuvent pas dire si la personne est atteinte de la COVID-19 maintenant, mais indiquent plutôt la réponse immunitaire du corps au virus, qu’elle soit survenue au moment du test ou dans le passé. Cela peut vouloir dire que la personne testée a contracté la maladie des semaines ou des mois plus tôt, mais qu’elle ne risque plus de contaminer les autres.

MSF a également fait don de cartouches au laboratoire de São Gabriel da Cachoeira pour créer les conditions nécessaires à l’utilisation de la machine GenExpert qui existe dans la ville et qui peut être utilisée pour effectuer des tests PCR sur des patients atteints de COVID-19. « Les résultats des tests s’obtiennent en une heure environ et peuvent être effectués en ville, sans avoir à envoyer les échantillons à Manaus, comme c’était le cas jusqu’à présent », a expliqué Irene Huertas Martín, coordonnatrice du projet MSF dans la ville.

Les équipes de promotion de la santé MSF fournissent des informations sur la prévention de la COVID-19 dans les deux villes et examineront la nécessité d’en faire autant à Manaus. Veiller à ce que les gens sachent comment se protéger et protéger leurs proches reste l’un des moyens les plus importants d’éviter la propagation de la maladie dans une région où l’accès à des soins de santé adéquats se trouve à quelques jours de distance.