Kawsar Mohammad Shamim, water and sanitation manager and Opu Biswas, nurse supervisor, demonstrate how to put on personal protective equipment (PPE) to newly recruited hygiene agents at MSF’s Rubber Garden COVID-19 treatment centre, in Cox’s Bazar, Bangladesh. Rubber Garden is an outbreak treatment centre built in 2017 to treat infectious disease outbreaks and has been used to treat both cholera and diphtheria. It is now being prepared to respond to COVID-19 in the Rohingya refugee camps and surrounding Bangladeshi villages, with an estimated capacity of 160 beds. © MSF/Daniella Ritzau-Reid
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COVID-19 : Cinq défis au Bangladesh et dans les camps de réfugiés rohingyas

Le Bangladesh, l’un des pays les plus densément peuplés du monde, abrite le plus grand camp de réfugiés au monde. À Cox’s Bazar, près d’un million de réfugiés rohingyas vivent dans des conditions de surpeuplement et d’insalubrité. Alors que la COVID-19 se propage à travers le Bangladesh, voici les cinq principaux défis à surmonter.

Populations très vulnérables

Partout au Bangladesh, de nombreuses communautés en situation de pauvreté vivent une existence précaire dans des environnements surpeuplés, ce qui les rend particulièrement vulnérables à la COVID-19. De nombreux Bangladais habitent en zones urbaines et dans des bidonvilles densément peuplés, et les réfugiés rohingyas sont coincés dans des abris exigus et répugnants, où jusqu’à 10 membres de la même famille vivent dans une même pièce.

Il est presque impossible de maintenir une distance physique dans de telles conditions. Dans les camps de réfugiés, environ 860 000 Rohingyas vivent sur une parcelle de terre de seulement 26 kilomètres carrés à Cox’s Bazar, avec un accès limité au savon et à l’eau. Ils dépendent des distributions communales d’eau potable, de nourriture et de combustible, ce qui signifie qu’ils doivent faire la file pendant des heures en grands groupes pour se les procurer.

« Les gens sont frustrés de se faire répéter de se laver les mains. Si vous n’avez droit qu’à 11 litres d’eau par jour, comment est-ce suffisant pour vous laver les mains souvent? », raconte Richard Galpin, expert en eau et assainissement de Médecins Sans Frontières (MSF).

Après des décennies de persécution au Myanmar, au cours desquelles l’accès aux soins de santé a été sévèrement restreint, les Rohingyas ne sont pas en bonne santé et ne sont pas protégés par les vaccinations de routine, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux maladies infectieuses.

Avant la COVID-19, environ 30 % des patients traités par MSF dans les camps de réfugiés présentaient des symptômes respiratoires, comme un essoufflement. Cela les place dans un groupe à haut risque pour cette nouvelle maladie.

 

Maintien des services essentiels et accès à l’assistance

La capacité des services de santé a été réorientée pour faire face à la propagation du coronavirus, et l’aide humanitaire a été considérablement réduite. Cependant, les mères continueront d’accoucher, les enfants continueront de contracter des maladies diarrhéiques et les patients chroniques continueront d’avoir besoin de médicaments. Il est crucial que ces activités essentielles et vitales soient maintenues.

Les restrictions de voyage, bien que prioritaires pour limiter la propagation de la COVID-19, affectent l’accès aux soins de santé. Il est beaucoup plus difficile pour les personnes atteintes de maladies « invisibles » de prouver qu’elles sont malades et d’obtenir l’autorisation de se rendre dans des centres de soins. Celles qui souffrent de troubles psychiatriques ou de maladies non transmissibles, comme le diabète, peuvent sembler en bonne santé, mais si leurs traitements réguliers sont interrompus, elles risquent de régresser et de voir réapparaître des symptômes très graves. La semaine dernière, une patiente est arrivée en larmes dans un établissement MSF. Elle craignait se voit refuser l’accès au traitement dont elle avait besoin; il lui avait fallu cinq jours pour organiser le transport afin de se rendre à l’hôpital.

Pour les Rohingyas, le début des fortes pluies de la mousson le mois prochain signifie une augmentation du risque de maladies d’origine hydrique, telles que le choléra. Faire en sorte que les installations sanitaires et les infrastructures d’approvisionnement en eau fonctionnent pour une population aussi importante dans le camp est un défi encore plus grand dans le contexte des restrictions actuelles. Les latrines doivent être débarrassées des boues et les réseaux d’eau entretenus et réparés; tout cela nécessite des fournitures, des matériaux et de la main-d’œuvre, qui sont maintenant tous en quantité limitée.

 

Érosion de la confiance

Grâce à notre expérience dans la provision de soins de santé lors d’autres épidémies de maladies infectieuses, MSF a appris à quel point il est essentiel d’inclure et d’informer les communautés à qui nous venons en aide. Cet élément est vital pour s’assurer qu’elles comprennent comment se protéger, pour contrecarrer les rumeurs et réduire la peur, et pour donner aux gens un sentiment de contrôle. Les communautés bangladaises et rohingyas ont peur, ce qui est compréhensible. Les rumeurs et la désinformation peuvent se propager aussi rapidement que le virus.

La peur éloigne de nos cliniques les personnes ayant besoin d’un traitement essentiel non lié à la COVID-19. Au cours des dernières semaines, nous avons assisté à un net déclin des consultations. À l’hôpital de campagne de Kutupalong, à Cox’s Bazar, MSF voit normalement entre 80 et 100 patients pour des pansements chaque jour. Beaucoup d’entre eux souffrent de plaies chroniques, qui nécessitent un nettoyage et un changement de pansement tous les deux ou trois jours. Ce chiffre est tombé à environ 30 patients par jour. Sans ces soins, le risque d’infection, de septicémie et même de mort augmente.

Nos équipes de sensibilisation dans les camps et les villages bangladais voisins fournissent des conseils sur la façon de prévenir la propagation de la COVID-19. Pour éviter que les gens se rassemblent, nos équipes vont de maison en maison et discutent individuellement avec les membres de la famille.

Nous avons réalisé de courtes vidéos que les gens peuvent partager via Bluetooth, compte tenu des restrictions internet. Nous travaillons également avec les chefs communautaires et religieux pour aider à transmettre les messages de prévention par le bouche-à-oreille, et organisons des visites de nos installations d’isolement pour établir la confiance avec les communautés.

 

Protéger les travailleurs de première ligne

Les travailleurs de la santé se trouvent en première ligne de la riposte à la COVID-19. Sans eux, il n’y aurait aucun moyen de lutter contre cette crise sanitaire imminente ou de répondre à d’autres besoins médicaux.

Au Bangladesh, comme ailleurs dans le monde, MSF fait face à une pénurie d’équipements de protection individuelle essentiels, tels que masques, blouses, lunettes et gants. Les travailleurs de la santé constituent le groupe qui risque le plus de contracter la COVID-19. MSF n’exposera aucun de ses employés à des risques d’infection inutiles, mais cela affectera le travail que nous pouvons faire.

« Les limitations détermineront notre capacité à répondre à l’épidémie de COVID-19, ainsi que notre capacité à maintenir les activités médicales régulières », explique Muriel Boursier, chef de mission MSF. « Cette incertitude et le fait de n’avoir aucune garantie que nous serons en mesure de maintenir notre engagement envers nos patients, pèsent très lourd sur l’équipe. »

Alors que nous avons assisté à des démonstrations de solidarité inspirantes envers les travailleurs de première ligne à travers le monde, nous avons également vu la peur conduire à des comportements stigmatisants et cruels. Le Bangladesh n’a pas été épargné par de telles situations. Certains de nos employés ont été victimes de violences verbales ou de menaces de la part de communautés craignant la COVID-19, et d’autres risquent d’être expulsés par des propriétaires qui ne souhaitent pas héberger du personnel de première ligne.

Si les travailleurs de la santé ne se sentent pas en sécurité ou ne sont pas soutenus pour faire leur travail, il ne pourra pas y avoir de réponse sérieuse à la COVID-19.

 

Prise en charge des patients atteints de COVID-19

MSF a créé des salles d’isolement dans toutes ses installations médicales à Cox’s Bazar et travaille à la mise en place de deux centres de traitement dédiés. Au total, nous avons mis à disposition 300 lits d’isolement, mais cela ne représente qu’une fraction de la capacité nécessaire en cas d’épidémie généralisée au sein de la communauté rohingya. Nos cliniques dans les camps de réfugiés ne sont pas en mesure de traiter les cas graves en raison du manque de respirateurs et de la disponibilité limitée d’oxygène concentré.

L’intensification de notre intervention face à cette pandémie a entraîné un effort de recrutement massif de personnel bangladais local. Nous avons également besoin d’une expertise internationale, mais les restrictions de voyages vers le Bangladesh signifient qu’environ un tiers de notre personnel international destiné à être déployé dans le cadre de cette crise est actuellement bloqué à l’extérieur du pays, ce qui limite considérablement nos capacités.

Les besoins en personnel médical, comme des médecins et des infirmiers, sont évident, mais beaucoup d’autres spécialistes sont requis. Nous avons besoin de responsables pour gérer nos hôpitaux, de logisticiens pour assurer un approvisionnement de fournitures médicales de qualité, et bien d’autres encore. MSF a loué une flotte d’autobus, qui transportera des centaines de membres du personnel vers les hôpitaux et cliniques de MSF partout dans Cox’s Bazar – un exercice logistique énorme et laborieux au quotidien.

MSF travaille 24 h sur 24 malgré ces difficultés. Pour avoir une chance réaliste de riposter contre la COVID-19 au sein des communautés les plus vulnérables du Bangladesh, tous les acteurs de la santé et les autorités doivent tous travailler main dans la main, en toute solidarité.