Un mois après le passage du cyclone Mocha dans certaines régions du Myanmar, le personnel de MSF continue de constater les dégâts causés par la tempête dans de nombreuses régions de l'État de Rakhine. Myanmar, 2023. © MSF
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Cyclone Mocha : de nouvelles restrictions entravent gravement les efforts d’aide

« Environ 85 % de la ville est en ruines après les ravages causés par le cyclone Mocha. Toutes les maisons en forme de hutte ont été détruites. Les personnes qui vivent dans ces maisons ont un besoin impérieux d’aide d’urgence, car elles n’ont pas d’endroit où loger », explique Daw Nu, un agent de santé communautaire de Médecins sans frontières (MSF) qui réside à Sittwe.

La maison de Daw Nu a été frappée par les fortes pluies et les vents de 280 km/h de Mocha, un cyclone de catégorie 5 qui a touché le Myanmar à la mi-mai. Il s’agit du plus important de ce type à affecter l’État de Rakhine et le nord-ouest du pays depuis plus d’une décennie.

Un mois après le passage du cyclone Mocha dans certaines régions du Myanmar, le personnel de MSF continue de constater les dégâts causés par la tempête dans de nombreuses régions de l’État de Rakhine. Myanmar, 2023. © MSF

Les restrictions retardent la réponse  

Plus de deux mois plus tard, malgré l’ampleur de la catastrophe, aucune solution d’urgence pour répondre aux besoins immenses des personnes touchées n’a encore été mise en place.

L’aide humanitaire est au point mort en raison des restrictions imposées par les autorités militaires, qui n’autorisent que les activités normales de préparation au cyclone et interdisent toute intensification de la réponse spécifique au cyclone. Ces restrictions portent notamment sur la distribution à grande échelle d’articles de secours tels que les denrées alimentaires, les kits d’hygiène, ainsi que les bambous et les bâches indispensables à la construction ou à la réparation d’abris.

Les autorités militaires devraient lever ces restrictions pour faciliter l’intensification urgente de l’action humanitaire afin d’éviter d’autres dommages, l’apparition de maladies et la perte de vies humaines.

Des besoins croissants qui s’ajoutent aux difficultés existantes

Les personnes les plus durement touchées par le cyclone Mocha sont les communautés déjà déplacées par le conflit et vivant souvent dans des camps. Ce sont aussi les gens résidant dans des zones de basse altitude, ainsi que ceux qui se trouvent dans des zones reculées, loin des endroits où les efforts d’assistance ont été concentrés.

Les abris, la reconstruction des infrastructures d’eau et d’assainissement détruites ou endommagées, l’eau potable, la nourriture et l’accès aux soins de santé restent les besoins les plus urgents, les plus importants et les plus insatisfaits.

Cette destruction vient s’ajouter aux difficultés existantes, en particulier pour les communautés rohingya et rakhine déplacées par le conflit et déjà fortement dépendantes de l’aide humanitaire. Les Rohingyas, particulièrement, subissent de sévères restrictions dans tous les aspects de leur vie, tels que la liberté de mouvement, ainsi que l’accès aux soins de santé, aux moyens de subsistance et à l’éducation. 

La réponse initiale montre qu’un engagement positif est possible

Le 14 mai, lorsque Mocha a touché terre, une combinaison mortelle de vents en spirale autour d’un centre de basse pression atmosphérique a provoqué des destructions de grande ampleur subies par Daw Nu et environ 670 000 autres personnes.

Les premiers efforts de réponse ont été positifs. Les autorités militaires et les groupes armés tels que l’armée de l’Arakan ont pris l’initiative de nettoyer les débris des routes. Les télécommunications et l’électricité ont été rétablies dans un délai raisonnable.

Au fur et à mesure que l’ampleur des destructions se précisait, les organisations humanitaires se sont préparées à intensifier leurs actions et à prévenir d’autres pertes humaines et d’autres souffrances.

MSF a donné la priorité à la prévention des maladies d’origine hydrique, en distribuant de l’eau potable à 9 000 personnes par semaine et en réparant les latrines et les systèmes d’approvisionnement en eau démolis. Nous avons également repris progressivement nos cliniques mobiles et les transferts médicaux d’urgence pour les patients et les patientes ayant besoin d’un traitement plus spécialisé.

Interruption des efforts

Ces efforts ont été interrompus le 8 juin lorsque, trois semaines après le passage du cyclone, les autorisations de voyage pour l’État de Rakhine ont été temporairement suspendues. La révocation de ces autorisations signifiait pour MSF que nous ne pouvions ouvrir aucune de nos 25 cliniques de soins de santé primaires. De plus, cela a entraîné la cessation de la fourniture d’une assistance médicale humanitaire vitale à environ 214 000 personnes dans le centre de Rakhine et 250 000 personnes dans le nord de Rakhine.

Après une interruption de trois jours, les activités ont été officiellement permises le 11 juin, mais uniquement celles qui avaient été convenues avant le cyclone. L’autorisation d’intensifier les interventions en fonction des besoins supplémentaires créés par le cyclone n’a pas été accordée. 

Les perturbations temporaires se transforment en obstructions à long terme

Aujourd’hui, la réponse actuelle est loin de correspondre à ce qui est nécessaire après un cyclone. Ainsi, l’une des restrictions imposées à l’intensification de l’aide est l’obligation de remettre les articles de secours aux autorités militaires qui géreront la distribution.

Cette exigence met en péril la neutralité de l’aide humanitaire, ce qui, dans un État touché par un conflit comme Rakhine, affectera la confiance que les communautés ont dans les organisations humanitaires. Elle va également à l’encontre des principes humanitaires d’impartialité, de neutralité et d’indépendance, auxquels MSF et d’autres organisations adhèrent.

L’élan initial observé au sein de la communauté humanitaire pour attirer l’attention sur ces restrictions s’est essoufflé.

La situation actuelle ne peut pas devenir la nouvelle normalité

MSF est profondément préoccupée par le fait que les conditions de vie désastreuses causées par le cyclone, les restrictions inutiles qui maintiennent ces conditions inacceptables et le manque d’attention du public à l’égard de cette situation deviennent peu à peu la nouvelle normalité à Rakhine.

Ces restrictions contribuent également au manque d’engagement financier des donateurs et donatrices à l’égard de la population du Myanmar.

Les autorités militaires et les autres parties au conflit ont la responsabilité de s’occuper des personnes touchées par le cyclone Mocha.

À ce titre, les autorités militaires devraient lever les restrictions actuelles et faciliter l’acheminement sans entrave de matériel médical et d’aide humanitaire aux gens dans le besoin, d’une manière qui ne compromette pas leur impartialité et leur neutralité.