MSF staff screening patients at Parirenyatwa Hospital in Zimbabwe. © MSF/Caroline Gwature
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De petits détails peuvent sauver des vies : Faire face à la COVID-19 dans des hôpitaux aux ressources limitées

par le Dr Gilles van Cutsem, Médecins Sans Frontières (MSF) conseiller principal en matière de VIH/TB et responsable du groupe de travail international sur le VIH/sida.

« Nous avons vu des patients mourir pour des raisons évitables. Ils mouraient parce que leur masque devenait moins étanche et n’était pas remplacé », déclare Caroline Masunda, responsable des soins infirmiers pour l’intervention COVID-19 de MSF.

Partout, des patients sont décédés de la COVID-19 parce que le nombre de patients dépassait la capacité du système de santé. Il manquait tout simplement de médecins, d’infirmiers et de points d’oxygène.

Des gens sont morts par manque d’oxygène, parce que personne n’a remarqué que leur masque à oxygène n’était pas bien positionné ou que leur saturation en oxygène diminuait. Ils sont morts de déshydratation ou d’insuffisance rénale, parce qu’ils n’ont pas reçu suffisamment d’eau. Ils sont morts parce qu’il n’y avait pas assez de personnel ou que le nouveau personnel ajouté d’urgence était inexpérimenté et mal organisé.

Chaque hôpital peut adopter un certain nombre de mesures pour éviter des décès inutiles lorsque le système devient surchargé.

La COVID-19 a exacerbé la pénurie mondiale de travailleurs de la santé, déjà estimée à plus de sept millions de personnes manquantes avant la pandémie. Là où il n’y a pas assez de médecins et d’infirmiers pour dispenser des soins médicaux, une solution consiste à confier certaines tâches à des travailleurs de la santé moins spécialisés, un processus appelé transfert des tâches.

Au sein de la santé publique, il existe une vaste expérience du transfert des tâches, ainsi que des preuves substantielles que cela peut réduire les coûts et améliorer l’efficacité dans le traitement du VIH, de la tuberculose (TB) et d’autres maladies.

En janvier 2021, au pic de la deuxième vague de COVID-19 en Afrique du Sud, j’ai coordonné une intervention de soutien de Médecins Sans Frontières dans un grand hôpital de la province du KwaZulu-Natal. Le personnel de l’hôpital était tellement débordé que de nombreux patients sont décédés faute de disposer des éléments essentiels à la survie : oxygène, eau et suivi et soutien de base des patients. Des collègues qui soutenaient des interventions dans d’autres contextes à ressources limitées ont fait état d’expériences similaires.

Lorsqu’il y a pénurie de personnel infirmier, comme ce fut le cas au cours de la pandémie COVID-19, le transfert des soins de base vers du personnel moins spécialisé tel que des soignants, des infirmiers auxiliaires ou des agents de santé communautaires permet d’éviter des décès inutiles. Embaucher des travailleurs et du personnel de niveau hiérarchique inférieur pour réaliser certaines tâches peut sauver des vies.

Des précédents

La distribution de la thérapie antirétrovirale a été transférée avec succès des médecins au personnel infirmier, aux conseillers non professionnels ou aux pairs éducateurs, et même aux patients de la communauté.

Au Mozambique, le transfert des tâches entourant la gestion logistique de la tuberculose aux travailleurs auxiliaires des hôpitaux a réduit les délais de mise sous traitement antituberculeux et la mortalité hospitalière. Dans une autre étude, le triage effectué  par du personnel non professionnel a réduit le nombre de décès d’enfants aux urgences d’un hôpital rural.

Et il y a des exemples de membres de la famille prenant partiellement en charge certaines tâches de base dans des hôpitaux aux ressources limitées. Des recherches au Kenya ont montré que pour faire face à des conditions de travail difficiles, le personnel infirmier délègue des tâches à la famille et au personnel de soutien. Malheureusement, les membres de la famille ne sont pas autorisés à entrer dans les unités de traitement de la COVID-19, et c’est le personnel infirmier qui a dû s’acquitter de ces tâches.

Le transfert des tâches peut et doit être utilisé dans les unités de traitement de la COVID-19.

Les infirmiers auxiliaires ou les soignants peuvent fournir des soins de base et un soutien aux patients. Des bénévoles ou du personnel non professionnel peuvent être embauchés comme coursiers et porteurs, et communiquer avec les familles. Cela laisse le temps au personnel infirmier de se concentrer sur les tâches de nature médicale.

Au KwaZulu-Natal et au Lesotho, Médecins Sans Frontières a embauché du personnel infirmier enregistré pour surveiller la saturation en oxygène, et des soignants non professionnels ou des préposés pour s’assurer que les masques à oxygène et les broches nasales étaient bien en place, et aider avec la mise en position ventrale, l’hydratation, les bassins de lit, l’alimentation et la mobilisation des patients. Pour leur part, les responsables des activités médicales ont assuré la gestion, la coordination et la formation. Ces changements se sont traduits par des améliorations rapides dans les soins aux patients.

Ce qu’il faut faire

Lorsque les ressources sont limitées, les soins de base et l’apport en oxygène sauvent plus de vies que les soins intensifs. Pourtant, la base est souvent négligée. Pour se préparer aux futures vagues de COVID-19, les hôpitaux doivent prévoir une provision suffisante d’oxygène, être prêts à embaucher suffisamment de personnel de santé de base et organiser le transfert des soins et du soutien de base.

Les interventions d’urgence nécessitent beaucoup de coordination. Il faut veiller à ajouter du personnel de direction adéquat pour coordonner les équipes de personnel parfois inexpérimenté ou nouveau afin de travailler de manière cohérente. Par exemple, à l’hôpital de Ngwelezana en Afrique du Sud, l’ajout d’un responsable des soins infirmiers était essentiel pour améliorer l’organisation et la qualité des soins dans le service.

Une attention particulière doit également être accordée au quart de nuit. La plupart des patients meurent la nuit. Assurer une attention accrue et du personnel suffisant pour le suivi et le soutien des patients la nuit peut sauver des vies.

Ensuite, il y a la provision de matériel de base tel que des bouteilles d’eau, des tasses, des pailles, des oreillers pour la mise en position ventrale (qui peut augmenter la saturation en oxygène jusqu’à 10 %) et des bassins de lit. La disponibilité de ces articles en quantité suffisante peut également faire la différence entre la vie et la mort.

Les travailleurs de la santé ont appris beaucoup de choses au cours des 20 dernières années en luttant contre des épidémies telles que le VIH et l’Ebola en Afrique. Lorsque les médecins et le personnel infirmier étaient débordés, des méthodes innovantes de transfert des tâches leur permettaient de fournir efficacement des soins de qualité à un grand nombre de patients.

De petites choses peuvent éviter des décès inutiles pendant la pandémie de COVID-19, même dans les pays les plus pauvres dotés des systèmes de santé les plus faibles. Investir dans une capacité d’oxygène suffisante et dans les soins de base en embauchant du personnel de santé de niveau débutant peut sauver plus de vies que des respirateurs et des soins intensifs.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lisez l’ article original.