Theophile, MSF emergency team doctor, examines a child with measles at the Bosobolo general referral hospital. The Bosobolo health zone in Nord-Ubangi has been affected by measles for several weeks. MSF has sent an emergency team to treat patients and vaccinate all children from six months to nine years old. In February 2021, an MSF emergency mobile team went to the Bosobolo health zone, North Ubangi, to support the provision of care to patients in eight health centers as well as in the general hospital. The team launched the vaccination of 66,000 children in this isolated health zone, and trained local health workers in patient care and epidemiological surveillance. © Franck Ngonga/MSF
PARTAGEZ

En RDC, la rougeole tue et gagne à nouveau du terrain

 

La rougeole gagne à nouveau du terrain en République démocratique du Congo (RDC), et cette recrudescence de cas – plus de 13 000 depuis le 1er janvier – inquiète les équipes de MSF déployées pour y faire face.

Entre 2018 et 2020, la plus grande flambée jamais enregistrée dans le pays avait fait des ravages en RDC. En à peine deux ans, plus de 460 000 enfants avaient contracté la maladie et près de 8 000 y avaient succombé. Les trois quarts d’entre eux avaient moins de cinq ans.

Au cours de ces deux années sombres, MSF comptait des équipes d’urgence dans 22 des 26 provinces de la RDC, traquant les foyers épidémiques, vaccinant au final plus de 2,3 millions d’enfants et prenant en charge 90 000 malades. En 2019, le ministère de la Santé et ses partenaires avaient lancé des plans de riposte, suivis d’activités vaccinales supplémentaires (AVS) ciblant des millions d’enfants. Ces activités avaient permis de faire baisser le nombre de cas, sans toutefois couper la chaîne de transmission, et la fin de l’épidémie avait été déclarée par le ministre de la Santé en août 2020.

 

Une hausse inquiétante

 

« Malheureusement, plusieurs provinces enregistrent à nouveau une hausse de cas depuis fin 2020, notamment le Nord et le Sud-Ubangi », explique Anthony Kergosien, coordonnateur des équipes d’urgence de MSF en RDC. « Nous avons donc, une nouvelle fois, envoyé nos équipes mobiles d’intervention pour aider à endiguer cette progression et sauver un maximum de vies. »

Dès décembre, MSF avait envoyé des équipes dans la zone de santé de Bogose-Nubea, dans le Sud-Ubangi. Les besoins sur place étaient massifs : en quelques semaines, près de 5 000 malades, dont une grande majorité d’enfants, avaient été pris en charge. Et pas moins de70 000 enfants avaient été vaccinés, stoppant ainsi la progression de la maladie.  Dans la foulée, l’équipe mobile avait continué vers la province voisine du Nord-Ubangi, où la zone de santé de Bosobolo était elle aussi en situation critique.  

« Depuis notre arrivée à Bosobolo mi-février, nous appuyons la prise en charge des patients dans huit centres de santé ainsi qu’à l’hôpital général, vers lequel les cas compliqués sont transférés », explique Faustin Igulu, responsable du projet  MSF sur place. Dans ces différentes structures, MSF forme le personnel des centres de santé à la prise en charge, et supervise les soins, notamment pour les cas les plus sévères.

 « Plus de 1 200 patients ont déjà été pris en charge », poursuit Faustin Igulu. « La capacité d’hospitalisation a rapidement été débordée, et nous avons dû augmenter le nombre de lits pour traiter les enfants, certains dans un état très avancé de rougeole et de malnutrition associée. »

Outre la prise en charge des patients, MSF a lancé la vaccination de 66 000 enfants dans cette zone de santé isolée de tout, en visant en priorité les aires les plus difficiles d’accès. Les équipes assurent également la formation des travailleurs de la santé locaux à la surveillance épidémiologique afin d’améliorer autant que possible la détection précoce des cas de rougeole. Mais comme bien d’autres zones de santé dans le pays, les moyens dont disposent les autorités sanitaires locales sont dérisoires.

« La zone de santé n’a qu’une seule moto, et elle ne fonctionne pas », poursuit Faustin Igulu. « Comment peut-elle s’organiser seule pour superviser des activités vaccinales ? Comment peut-elle assurer l’acheminement des vaccins dans les coins les plus reculés ? C’est très compliqué. ».

 

La maladie la plus contagieuse au monde

 

La rougeole est une maladie virale propagée par la toux et les éternuements ou par le contact direct avec des sécrétions nasales ou laryngées. Les enfants qui contractent la maladie peuvent faire face à de graves complications, du fait notamment que la rougeole « efface » leur mémoire immunitaire, mettant leur santé et leur vie en danger pour des années. Un vaccin peu coûteux et efficace à 85 % existe depuis des années, offrant une protection de plusieurs dizaines d’années aux enfants vaccinés.

« La rougeole est la maladie la plus contagieuse au monde, près de dix fois plus que la COVID-19 », explique Anthony Kergosien. « Pour lutter efficacement contre ce fléau en RDC, il faudrait une couverture vaccinale de 95 % avec deux doses par enfant, et des campagnes de « ratissage » régulières pour vacciner ceux qui passent entre les mailles du filet, y compris dans les régions les plus difficiles d’accès. Mais on en est encore très, très loin. »

 

Des défis de taille

 

À Bosobolo, comme dans beaucoup de régions de la RDC, la lutte contre la rougeole ressemble parfois à une course sans fin. Les efforts destinés à enrayer la propagation de la maladie se heurtent aux gigantesques défis que le pays doit relever : un programme national de vaccination et de surveillance souffrant de faiblesses majeures; une très forte natalité qui expose chaque jour de nouveaux enfants à la maladie; un système de santé sous-équipé, peu à même d’assurer une prise en charge optimale; ainsi que des difficultés géographiques ou sécuritaires pour accéder à certaines régions.  

Relever ces défis structurels est crucial pour mettre fin aux épidémies de rougeole. Mais d’ici là, il ne faut pas perdre de vue le besoin urgent d’une réponse immédiate : il faut freiner la propagation de la maladie et sauver des vies.

« Des équipes MSF travaillent dans le Nord-Ubangi, le Sud-Ubangi, le Bas-Uélé et le Maniema, mais nous nous sentons parfois bien seuls pour épauler les patients et les équipes de santé locales », poursuit-il. « Face à l’augmentation actuelle des cas, il faut absolument accroître la réponse d’urgence. »