Zakia (32 years old), and her twins, Qassim and Abbas Zakia has just given birth to twins, Abbas and Qasim, born 20 minutes apart. Abbas, who came first, is also the smallest; he was hypoglycemic at birth and was placed in the incubator for a few hours. Before her twins, Zakia, 32, had four other children: she is no longer a novice when it comes to newborns, but this time there are two of them. Her mother, Sakina, came to help her for a few days. When I ask her how many times she is a grandmother, Sakina needs to count... 18 times already. And not all her children are married yet. Zakia's first child was born at home, the next two in the hospital. For her fourth, finding a taxi to take her to the hospital took too long, she was already in labor and Zakia had to give birth at home. She is lucky, all her deliveries were the same: quick and easy. For her twins, once she arrived at the door of the maternity ward, she went straight to the delivery room. Six children, all boys. Zakia would have liked to have a girl, she hoped that this pregnancy would bring her one. Her mother would also have wanted her to have a daughter, to help her with her daily chores. Raising girls is more difficult according to both women: they have more to learn from the prospect of being married. More rules to follow too, more responsibilities. In Afghanistan, even though both parents are educating, mothers are more involved. Zakia and her family come from Ghazni. Ten years ago, they preferred to leave their region because they were afraid that the Taliban would recruit their husbands, both of whom have no permanent jobs. When the family arrived in Kabul, like many Hazara families arriving from the provinces, they lived in Dasht-e Barchi. A few years ago, the neighbourhood was accessible and very cheap. They had their own house for 2000 Afghanis per month (25 euros). Two years ago, their landlord wanted to take over the house and they moved here, to Karte Sakhi. They pay 2500 afghanis (30 euros) in rent but are three families sharing the house. Each family has its own room. © Sandra Calligaro
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« En tant que sages-femmes en Afghanistan, nous sommes les dirigeantes silencieuses de notre pays. »

Par Zahra Koochizad, superviseure sage-femme de Médecins Sans Frontières (MSF), qui travaillait à la maternité de Dasht-e-Barchi le jour de l’attaque.

 

En tant que sages-femmes en Afghanistan, nous redonnons vie à ce pays dans des conditions généralement plus difficiles qu’ailleurs. Environ 130 millions de bébés naissent dans le monde chaque année. Cela signifie également que des millions de femmes ont besoin d’assistance pour leur grossesse et leur accouchement. Accoucher, à mon avis, est l’un des moments les plus magnifiques et les plus critiques de la vie d’une femme.

Ma passion d’accueillir de nouvelles vies dans ce monde et mon fort désir de servir mon peuple m’ont fait choisir de devenir sage-femme. Mon choix vient aussi de l’engagement de ma famille envers cette vocation. Certaines de mes tantes et cousines travaillent également comme sages-femmes dans différents hôpitaux de Kaboul. Elles ont également choisi cette profession en raison de leur désir de servir, et parce qu’ils ont appris qu’en Afghanistan, la plupart des femmes qui ne survivent pas à l’accouchement meurent de complications évitables.

Malgré quelques améliorations au cours des dernières années, l’Afghanistan compte l’un des taux de mortalité maternelle et néonatale les plus élevés au monde, et le besoin de soins spécialisés est vital. En Suisse, cinq mères meurent pour 100 000 naissances vivantes. En Afghanistan, ce nombre passe à 638, et cela ne comprend pas les 15 mères et cinq bébés à naître qui ont été abattus à la maternité où je travaillais il y a un mois.

L’insécurité est l’un des plus grands défis auxquels sont confrontées toutes les sages-femmes et les femmes enceintes en Afghanistan. J’ai personnellement vécu cette expérience de façon douloureuse.

Je suis superviseure sage-femme de l’aile de maternité dirigée par MSF à l’hôpital Dasht-e-Barchi, à Kaboul. L’attaque a eu lieu le 12 mai. Je me souviens de ce jour. Il faisait beau, l’air était frais et j’ai ressenti un sentiment de paix en entrant dans l’hôpital. Sur place, mes collègues étaient déjà à l’oeuvre. Elles étaient visiblement motivées et désireuses de commencer une nouvelle journée à fournir des services aux femmes enceintes dans le besoin. Nous sommes habitués à vivre la tragédie au quotidien dans nos communautés, mais rien n’aurait pu nous préparer à l’horreur à venir.

En Afghanistan, une maternité est l’un des rares endroits où les femmes sont les leaders. Les terroristes sont entrés dans une zone où aucun homme n’est autorisé à se rendre. Ils ont pris d’assaut la maternité munis d’armes à feu, tuant des femmes enceintes, des nouvelles mères et des nouveau-nés. Leur chef doit être très fier; célébrer une victoire contre une armée de bébés âgés d’une journée et de femmes vêtues uniquement de leur jaquette d’hôpital.

Un hôpital est censé être un espace protégé. C’est ce que dit le droit international humanitaire, et pourtant l’agression contre ma maternité n’est pas un cas exceptionnel – les attaques contre les soins de santé se produisent fréquemment ici. Mais en quoi cette attaque est-elle différente de toutes les autres?

Parce que, en tant que sages-femmes en Afghanistan, nous sommes les dirigeantes silencieuses de notre pays. Nous sommes au chevet des femmes enceintes qui donnent naissance à l’avenir du pays, et nous devons être protégées. Sauvegarder une aile de maternité comme la mienne, c’est sauvegarder notre avenir, tout comme protéger les sages-femmes qui y travaillent. Des sages-femmes comme notre bien-aimée Maryam, qui a été tuée de la manière la plus incompréhensible alors qu’elle aidait des mères à accoucher.

Le jour de l’attaque contre l’aile de maternité Dasht-e-Barchi qui a duré quatre heures, les terroristes ont non seulement attaqué des femmes enceintes et des nouveau-nés, mais ont également anéanti des décennies de travail pour réduire la mortalité maternelle et néonatale en Afghanistan. En conséquence de cette attaque, la zone ouest de Kaboul, avec ses plus d’un million d’habitants, ainsi que des femmes venant de provinces lointaines, n’ont plus accès à des soins obstétricaux et néonatals complets.

Leur seule option est maintenant un hôpital de 50 lits à proximité, mais comptant seulement sept lits consacrés aux services de maternité. Je ne sais pas si les femmes enceintes qui s’y rendent ou qui vont dans d’autres hôpitaux sont soignées à la hauteur de leurs besoins. Recevront-elles les soins qu’il leur faut? Auront-elles les moyens de payer les services d’hospitalisation? Survivront-elles à leur accouchement si elles ne peuvent être hospitalisées nulle part?

J’ai peur de penser à ce qui arrivera à ces femmes qui autrement se seraient présentées à notre maternité.

Fournir des soins aux mères et aux bébés

Chaque mois, la maternité gérée par MSF fournissait des services de qualité aux plus de 1 200 mères qui accouchaient. Je sais que si les femmes de la région de Dasht-e-Barchi ont besoin d’aide à l’accouchement, elles iront à l’hôpital de 50 lits, mais si elles présentent des complications, elles n’y seront pas admises. Il ne dispose pas de salle d’opération pour les cas d’urgence, par exemple. Et avec la pandémie de COVID-19, les options pour les femmes qui ont des complications ou des besoins spéciaux sont encore plus rares et plus éloignées qu’auparavant.

La plupart des patientes qui viennent à Dasht-e-Barchi sont issues de la communauté Hazara et n’ont pas les moyens de payer pour se faire soigner ailleurs. Certaines femmes arrivent à l’hôpital dans un état lamentable.

Je me souviens d’une patiente en particulier. C’était sa première visite, mais elle pouvait à peine marcher et était très pâle. Elle venait d’une région située en périphérie de Kaboul. Après examen, j’ai constaté qu’elle souffrait d’une grave anémie; il n’y avait pas de soins prénatals disponibles là où elle vivait. En raison du manque de moyens pour acheter de la nourriture, elle ne mangeait pas suffisamment et quand je lui ai demandé quand elle avait mangé pour la dernière fois, elle m’a répondu « hier ». Mon cœur s’est brisé en entendant cela, mais j’ai été tellement heureuse de la voir se rétablir et donner naissance à un bébé en bonne santé.

Son histoire n’est que l’une parmi des milliers d’autres qui illustrent la réalité de la vie des patientes dans la région de Dasht-e-Barchi, où certaines de celles qui venaient à l’hôpital n’avaient même pas d’argent pour rentrer chez elles.

Toutes nos patientes et la communauté au sens large étaient très heureuses de compter sur notre aile de maternité qui fournissait des soins gratuitement, d’autant plus que les hôpitaux publics facturent une certaine somme d’argent pour leurs services. Je suis attristée de voir comment la pauvreté, le manque d’un bon système de santé, le manque de ressources, l’insécurité et la pandémie de COVID-19 limitent les possibilités pour les gens de recevoir des soins de santé appropriés. Les centres de santé de Kaboul fonctionnent déjà à capacité réduite, car certains de leurs employés sont infectés par la COVID-19.

Je suis blessée, ma vie a changé, mais je suis toujours déterminée à continuer mon travail. Je sais que mon peuple a besoin de nous, et je sais que je pourrai me remettre sur pied avec le soutien de MSF. Je ne peux pas oublier toutes ces patientes qui ont besoin d’assistance et d’un bon niveau de soins. Je veux également honorer toutes ces patientes qui sont devenues nos amies et qui prient pour moi. Je ne veux pas les décevoir, surtout maintenant, alors que beaucoup souffrent également des conséquences de la pandémie de COVID-19.

Je vois notre peuple souffrir de plus grands obstacles, dans une situation qui est déjà critique – et le besoin de services de santé n’a jamais été aussi grand.