November 2019: Women queue up at a borehole in Gwoza to collect water. © Scott Hamilton/MSF
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État du Borno : face à la pandémie de Covid-19, le paludisme, la malnutrition et les maladies hydriques ne faibliront pas.

 

Après plus d’une décennie de conflits armés, de flambées de malnutrition sévère, de paludisme, de rougeole et de choléra, environ 1,5 million de personnes déplacées dans l’État du Borno sont maintenant confrontées au spectre du Covid-19. Beaucoup vivent dans des camps surpeuplés, avec des installations sanitaires et un assainissement de mauvaise qualité, un approvisionnement limité en produits d’hygiène comme l’eau et le savon, et souvent, sans aucun espace permettant de s’isloer. Les infrastructures de santé fonctionnelles au Borno sont rares et la capacité à orienter les patients est extrêmement limitée. Avec un si grand nombre de personnes déjà vulnérables aux épidémies, l’aide humanitaire est essentielle et doit être maintenue ; les installations d’approvisionnement en eau doivent être améliorées dans les camps de déplacés ; et les travailleurs de la santé, en première ligne et dont la population dépendra, doivent avoir accès à des équipements individuels de protection.

Médecins Sans Frontières (MSF) travaille dans l’État du Borno depuis 2014. Elle a été témoin, au fil des années, des conditions déplorables dans lesquelles vivent les personnes déplacées ainsi que la populations hôte, dont beaucoup souffrent déjà de maladies endémiques dans les camps surpeuplés, telles que des maladies engendrées par une eau de mauvaise qualité ou encore des infections des voies respiratoires telle que la pneumonie, identifiée comme un risque grave lorsqu’elle est couplée avec le Covid-19.

Maintenir les activités d’assistance aux plus vulnérables

 

Le Covid-19 a eu un effet dévastateur sur les systèmes de santé, les économies et les populations du monde entier et constitue une menace importante au Borno. Cependant, même si le Covid-19 n’était pas présent au Nigeria, le besoin d’aide humanitaire au Borno resterait toujours très important. Dans un peu plus d’un mois, la saison des pluies commencera, entraînant une recrudescence des cas de paludisme et de malnutrition. À Maiduguri, Ngala, Pulka et Gwoza, nos hôpitaux fonctionnent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et pendant la saison des pluies, ils seront tous pleins. Rien qu’en 2019, les équipes MSF ont pris en charge plus de 10 000 patients souffrant de malnutrition au Borno et plus de 33 000 cas confirmés de paludisme ; plus de 40 000 patients ont été admis aux urgences MSF. L’effet que le Covid-19 aura sur les patients ne doit pas être sous-estimé, mais si nous laissons le chaos provoqué par cette pandémie réduire l’aide humanitaire, les résultats seront encore plus catastrophiques.

MSF est extrêmement préoccupée par la propagation du Covid-19 et par l’impact potentiellement désastreux qu’elle aura sur les plus vulnérables. Alors que le virus se propage au Nigeria, notre priorité est de maintenir nos activités d’assistance à des milliers de personnes chaque année et de protéger nos patients ainsi que notre personnel. Pour ce faire, nos équipes médicales et logistiques ont renforcé les protocoles de prévention des infections, ont informé les communautés locales sur les mesures de prévention les plus efficaces contre le Covid-19, ont installé des points d’eau afin qu’elles puissent se laver les mains, ont aménagé des zones d’isolement et ont adapté nos processus de triage.  À l’heure où la demande mondiale de matériel médical est sans précédent, l’acquisition d’équipements individuels de protection pour le personnel de santé représente un défi considérable que MSF doit relever pour protéger le personnel médical en première ligne et continuer à prendre en charge nos patients.

 

L’eau propre : une ressource précieuse et limitée

 

Dans une récente évaluation de l’eau et l’assainissement dans le camp de Pulka, MSF a constaté que la quantité d’eau quotidienne par personne n’était que de 11 litres, bien en dessous des 20 litres par jour préconisés pour les contextes de crises humanitaires et indispensable à l’hygiène et la santé. Sur ces 11 litres, seuls deux litres en moyenne sont chlorés et par conséquent potables. Des quantités très faibles parfois de 4,5 litres par personne et par jour ont également été enregistrées dans le cadre d’enquêtes précédentes :

« Il faut se lever tôt si l’on veut avoir assez d’eau… J’ai sept enfants, et parfois l’eau ne suffit pas à nous faire boire. Parfois nous devons supplier nos voisins pour avoir de l’eau potable. Chaque jour, les femmes aux puits se battent pour en obtenir. Nous savons qu’il n’y en aura pas assez pour tout le monde », témoigne Ajia Adam, une femme déplacée vivant à Pulka.

À Maiduguri, la capitale de l’État de Borno, l’accès à l’eau ainsi que sa qualité sont tout aussi problématiques. Entre 1999 et 2011, MSF est intervenue sept fois en réponse à des épidémies de choléra à Maiduguri. En 2018, plus de 4 000 personnes ont été diagnostiquées positives au choléra dans 18 zones gouvernementales dans les États du Borno, de l’Adamawa et de Yobe.

« Dans tous les camps de déplacés où MSF intervient dans l’État du Borno, le manque d’installations en eau et d’un assainissement adéquat accentuent la menace que représente le Covid-19. Ces lacunes, combinées à la surpopulation, aux problèmes de santé endémiques et au manque d’infrastructures sanitaires adéquates, exposent davantage la population à plus de vulnérabilité. Le danger que constitue le Covid-19 ne fait aucun doute, mais une chose est sûre : d’autres maladies et affections ne disparaîtront pas. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser cette pandémie perturber d’autres aides médicales. La poursuite des services médicaux est en ce moment cruciales car elle permettra de sauver des vies », explique Siham Hajaj, cheffe de mission MSF.

Le Covid-19 n’est pas la seule menace qui pèse sur les habitants de l’État de Borno, mais sa présence au Nigeria exacerbe l’extrême vulnérabilité d’un grand nombre de personnes ayant déjà enduré les horreurs de la guerre, de la maladie et de la malnutrition. Pour ces dernières, la distance sociale est un luxe totalement abstrait, et le lavage régulier des mains épuisera une ressource précieuse et rare. Face à cette pandémie, les conséquences sur le fragile système de santé au Borno apparaissent plus que jamais comme une évidence. Il est impératif que l’aide humanitaire soit maintenue pour la population. Tout manquement à cet égard coûtera des vies.