Faire résonner la voix des femmes transgenres en quête d’asile
La persécution pousse les gens à demander l’asile loin de chez eux. C’est notamment le cas pour une petite communauté de femmes transgenres qui ont, au fil du temps, fui Cuba pour vivre en sécurité en Grèce. Bien que ces femmes soient maintenant plus en sécurité, elles ont encore du mal à accéder aux soins de santé dans leur pays d’accueil.
« La plupart des personnes trans qui sont venues ici ne prennent aucun médicament. Elles souffrent de maladies sexuellement transmissibles; c’est la vie, mais il est très difficile d’obtenir du soutien médical », explique Yuli, une défenseure des droits de sa communauté.
Yuli* est originaire de Cuba. Elle a demandé l’asile en Grèce après un périlleux voyage semé d’embûches, d’autant plus difficile pour une femme noire et transgenre. Elle s’est donné pour mission d’encourager et de motiver ses pairs à s’occuper de leur santé sexuelle et à se protéger.
« Si on décide de quitter son pays, c’est parce qu’on ne peut plus y vivre. »
Depuis 2016, Médecins Sans Frontières (MSF) opère à Athènes un centre de soins ambulatoires qui offre une gamme complète de services multidisciplinaires aux personnes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile, ainsi qu’aux groupes marginalisés ayant besoin de soins de santé. Toutes les activités sont soutenues par une grande équipe de médiation culturelle, qui compte notamment des interprètes, ainsi que par une équipe de sensibilisation urbaine, dont le but est d’étendre autant que possible les services aux communautés comme celle de Yuli.
Grande, confiante et chaleureuse, Yuli frissonne en se souvenant du voyage depuis la Russie, l’un des rares pays où les passeports cubains sont acceptés : la marche sans fin, les voyages en bus, les refus des gardes-frontières, l’intimidation et les agressions, puis les jours et les nuits dans une prison pour hommes, avant d’atteindre la sécurité.
Elle partage son histoire.
Chercher à se protéger contre la persécution
« Comme toutes les femmes trans ici, en Grèce, j’ai décidé de quitter Cuba à cause du système. En général, à Cuba, la famille, la société et le système ne comprennent pas les personnes trans. Vous êtes une escoria [ordure] parce que vous vous sentez ou vous vous identifiez comme une femme. On vous considère comme si vous aviez perdu la tête. Vous êtes privées d’opportunités d’emploi, de soins de santé, et de toute forme d’aide. Le système ne s’intéresse pas à la protection des personnes LGBTQ. »
« J’ai fait l’atravesia [la traversée] pour trouver la liberté. Si on décide de quitter son pays, c’est parce qu’on ne peut plus y vivre. Pour moi, il valait mieux mourir en chemin que de vivre à Cuba. »
Debout pour sa communauté
« Quand on arrive dans un nouveau pays, la culture et la langue sont différentes, et quand il faut montrer son corps à l’hôpital, c’est l’incompréhension. Je sais que le système médical grec est très bon, mais le problème, c’est le genre. Nous sommes transgenres, en plus d’être noires. »
« Vous devez être en contact avec les personnes qui peuvent vraiment vous aider. »
« J’ai une amie demandeuse d’asile qui a les documents légaux en Grèce et qui peut donc recevoir des soins à l’hôpital. Récemment, elle avait des plaques de psoriasis partout sur le corps, elle a alors consulté un médecin qui a commencé à lui poser des questions inappropriées. J’étais avec elle pour traduire, pour aider. Nous ne parlons pas parfaitement le grec, mais nous sommes capables de communiquer avec des gestes. Ce fut une mauvaise expérience, pour elle comme pour moi. Nous avons décidé de chercher un autre hôpital où l’on se montrerait plus ouvert sur notre situation en tant que trans et noires. »
Accès à des soins appropriés
« Vous devez être en contact avec les personnes qui peuvent vraiment vous aider, comme MSF, où vous pouvez vous présenter pour une consultation. Ici, on s’occupe de vous, qu’il s’agisse de voir un ou une médecin, de recevoir des préservatifs, ou de prendre une prophylaxie pré-exposition au VIH. »
« De manière générale, toutes les personnes trans de ma communauté sont très, très heureuses [avec MSF] parce que premièrement, on y trouve des gens qui peuvent traduire en espagnol. Grâce à ces personnes, nous pouvons recevoir toute l’information médicale nécessaire. À MSF, vous avez accès à un ou une médecin qui vous aidera, peu importe votre statut [légal], peu importe si vous demandez l’asile, peu importe si vous venez de Cuba ou du Congo. »
« On vous explique votre condition, le processus. On fait preuve de beaucoup de patience. On vous oriente vers divers hôpitaux lorsqu’il faut consulter des spécialistes. »
« Avec MSF, je peux accéder à des services que la plupart des gens ignorent. Par exemple, beaucoup de personnes trans comme moi ont commencé à souffrir de vertiges. Certaines d’entre nous souffraient d’anxiété, de dépression ou de crises de panique. Quand vous vous présentez ici [à MSF], vous pouvez consulter en psychologie, en psychiatrie ou même recevoir une thérapie. »
Tirer la force des gens autour d’elle
« La plupart des personnes trans ont une grande force de caractère, car souvent la société ne vous comprend pas et la famille ne vous accepte pas. »
« Peut-être que je souffre d’anxiété ou de dépression, mais j’ai besoin de quelqu’un, tous les jours, qui me serre très fort dans ses bras et qui me dit : “Ne t’inquiète pas, tout ira bien”. Tout ne va pas bien, mais je me sens bien quand un ou une spécialiste en travail social, ou quelqu’un qui me connaît, me serre fort, me caresse le bras en disant : “Ne t’inquiète pas”. C’est la meilleure chose dans la vie, parce que nous avons besoin d’amour. Nous avons besoin de gens qui comprennent ce qui s’est passé et ce dont nous avons besoin. »
Planifier l’avenir
« En tant que femme, j’ai beaucoup de rêves que je veux réaliser un jour. »
« Je pense avoir l’esprit plus clair; les gens autour de moi m’ont aidé à comprendre les questions de genre, les communautés transsexuelles et les réalités LGBTQ. Je me sens beaucoup plus en sécurité, maintenant. Je sens que j’appartiens à une communauté, pour la première fois de ma vie – une communauté de personnes semblables à moi, qui ont la même identité de genre. »
« Beaucoup de trans originaires de Cuba veulent aller en Espagne pour la langue, comme notre langue maternelle est l’espagnol. Moi, j’ai décidé de rester en Grèce. Je trouve que les gens ici sont très gentils avec moi. Je me sens plus en sécurité en Grèce qu’à Cuba. »
« J’ai beaucoup étudié dans ma vie. Je suis une personne qui aime la communication, les enjeux sociaux, et j’aime me faire des amis et aider les gens. Je veux sortir. Je veux me sentir libre. Je veux avoir un petit ami – grec, bien sûr! »
Note : Yuli a été interviewée en anglais et ses mots ont été légèrement modifiés pour plus de clarté.
* Yuli est le surnom qu’elle a choisi.