Carrefour, OCA surgery makeshift area outside the building of the Carrefour hospital. Patient with 2 broken legs. Haitian doctor Adesca, Surgeon Paul McMaster and German nurse Anja Wolz © Julie Remy
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Haïti : Dix ans après le séïsme, les structures de santé sont au bord de l’effondrement.

Dix ans après le tremblement de terre qui a dévasté Haïti, Médecins Sans Frontières (MSF), publie un rapport soulignant la détérioration des installations médicales dans un système de santé au bord du gouffre.

 « Ce tremblement de terre catastrophique a tué des milliers de personnes, déplacé des millions d’hommes, de femmes, d’enfants et détruit 60% du système de santé haïtien qui était déjà en difficulté avant le séisme », a déclaré Hassan Issa, chef de mission de MSF en Haïti. « Dix ans plus tard, la majorité des décombres ont été nettoyés, la population a pu rentrer chez elle, de nouveaux hôpitaux ont pu être construits et la plupart des acteurs humanitaires médicaux ont quitté le pays. Mais le système sanitaire haïtien est à nouveau au bord de l’effondrement pris au piège d’une crise politique et économique croissante. Il faut agir pour donner la priorité aux soins ».

Le 12 janvier 2010, le tremblement de terre de magnitude 7,0 qui a frappé Haïti, a fait des milliers de morts et de blessés, laissé des millions de personnes sans-abri et décimé de nombreuses infrastructures dans le pays. MSF, qui était présente en Haïti depuis 1991, n’a pas été épargnée: 12 employés ont été tués et deux des trois centres médicaux soutenus par MSF ont été gravement endommagés. En réponse aux besoins urgents et immenses de la population, MSF a organisé l’une de ses opérations d’urgence les plus importantes jamais réalisées, prenant en charge plus de 350 000 personnes impactées par le tremblement de terre en seulement 10 mois.

Dix ans après

 

Le rapport, Haïti 10 ans après, met en évidence les difficultés de fonctionnement des installations médicales dans un contexte de conflit politique et économique qui ont touché le pays. Depuis une hausse du prix du carburant en juillet 2018 qui a déclenché la crise, les installations médicales peinent à fournir des services de base en raison de pénuries de médicaments, d’oxygène, de sang, de carburant ou encore de personnel.

 « Le soutien international que le pays a reçu ou qui a été promis à la suite du tremblement de terre a maintenant pratiquement disparu ou ne s’est jamais concrétisé » a déclaré Sandra Lamarque. « L’attention médiatique s’est aussi détournée alors que la vie quotidienne de la plupart des Haïtiens devient de plus en plus précaire en raison de l’inflation galopante, du manque de perspectives économiques et des flambées de violence régulières

En 2019, le pays est resté bloqué à plusieurs reprises pendant plusieurs semaines (situation qualifiée localement de «peyi lok»). Les rues ont été fermées par des barricades faites de pneus et de câbles, constituant de véritables murs construits pendant la nuit. Ces manifestations ont entravé le mouvement des ambulances, des travailleurs de santé, des fournitures médicales et des patients.

Alors que les troubles économiques et les tensions politiques se sont intensifiés, les installations médicales – y compris celles gérées par MSF – ont eu des difficultés à répondre aux besoins des patients. En 2019, le centre de stabilisation d’urgence de MSF dans la région de Martissant à Port-au-Prince a reçu en moyenne 2450 patients par mois, dont 10% avec des blessures par balle, des lacérations ou d’autres blessures dues à la violence. L’hôpital de MSF dans le quartier Drouillard de Port-au-Prince, seule structure de prise en charge dans le pays pour les grands brûlés, a connu un pic d’activité en septembre, lorsqu’il a admis un total de 141 patients souffrant de brûlures graves, principalement causées par des accidents. À Delmas, où MSF gère un programme pour les victimes de violences sexuelle, le nombre de patients a diminué pendant cette période de violence accrue, tout simplement parce qu’il était trop difficile d’accéder à l’établissement.

 

Structures de santé sont au bord de l’effondrement

 

Dans les zones rurales, comme Port-à-Piment dans le sud-ouest d’Haïti où MSF soutient depuis longtemps les services d’urgence et de santé maternelle dans la région, l’effet de la crise sur le système de santé haïtien est aussi évident.

Dans les cas graves, lorsque l’hospitalisation est nécessaire, MSF a du mal à trouver un établissement ouvert où elle peut référer ses patients. L’hôpital de référence et la banque de sang du département du Sud ont fermé en octobre dernier après avoir été pillés. Ils ne sont toujours pas pleinement fonctionnels. Pour certains patients dans un état critique, il faut parfois 5 heures de route pour trouver un hôpital pouvant accepter de tels cas. Au nord du pays où MSF s’apprêtait à ouvrir 2 structures de prises en charge pour les victimes de violences sexuelles, les activités n’ont pas pu démarrer à cause du manque de carburants et des difficultés d’accès.

En réponse à l’aggravation de cette crise, MSF a démarré de nouveaux projets pour soigner les patients que le système médical haïtien ne peut pas prendre en charge. En novembre 2019, MSF a rouvert un centre de traumatologie de 50 lits dans le quartier de Tabarre à Port-au-Prince. Au cours des cinq premières semaines, le centre de traumatologie a accueilli 574 patients dont plus de la moitié étaient blessés par balle. Cent cinquante personnes souffrant de blessures mettant leur vie en danger ont été admis. L’organisation a également renforcé son aide au ministère de la Santé par des dons d’équipements et de matériel médicaux, en réhabilitant des installations, en formant le personnel du principal hôpital public de Port-au-Prince, ainsi qu’en soutenant un hôpital à Port Salut dans le département du Sud et 10 centres de santé dans tout le pays.

Dix ans après le tremblement de terre, la plupart des acteurs médicaux ont quitté le pays alors que les Haïtiens peinent à accéder aux soins de santé de base. « Nous savions que nous répondions à un besoin pour les cas graves et urgents, mais la situation est encore pire que ce que nous imaginions. Il est nécessaire que d’autres acteurs se mobilisent pour répondre aux besoins médicaux actuels » conclut Hassan Issa.