Aerial view of Port-Au-Prince. Av Gerard Téodard © Pierre Fromentin/MSF
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Haïti : vague de violence à Port-au-Prince

Médecins Sans Frontières (MSF) est préoccupée par la dernière vague de violence qui secoue Port-au-Prince. Depuis le 24 avril 2022, son personnel a reçu plus de 96 personnes blessées par balle dans ses installations médicales.

Du 24 avril au 7 mai 2022, les affrontements entre groupes armés dans la partie nord de la capitale ont complètement saturé l’hôpital MSF de Tabarre, l’un des rares établissements toujours fonctionnels dans la région. « Le nombre d’admissions par semaine pour blessure traumatique a triplé par rapport à la mi-avril, et la plupart des blessures sont très graves et nécessitent des soins intensifs », affirme Mumuza Muhindo, directeur national pour MSF.

« Maintenir des structures médicales fonctionnelles dans de telles conditions est un défi quotidien. »

Les affrontements de rue ont eu de graves conséquences sur l’accès aux soins médicaux. Le nord de la ville est particulièrement touché par la violence. Dans ce secteur qui a connu un important afflux de blessé·e·s, cinq établissements médicaux n’étaient pas fonctionnels pendant cette période, et deux autres hôpitaux privés ont suspendu leurs activités après qu’un employé eut été enlevé.

Difficulté d’accès aux hôpitaux

« Je me suis rendue dans deux hôpitaux avant d’arriver à l’hôpital de MSF à Tabarre », explique une femme blessée à la jambe, maintenant patiente de MSF. « L’un était fermé, l’autre ne pouvait pas me prendre en charge; ils ont dû déchirer mes vêtements et ceux du conducteur de taxi moto pour me faire un bandage et arrêter le saignement. »

Les barricades dans les rues empêchent les véhicules, y compris les ambulances, de circuler. Sans moyen de transport, certaines personnes sont arrivées plus de 24 heures après avoir été blessées.

Malgré l’insécurité dans la région, MSF a été contrainte de rouvrir à la hâte son centre d’urgence Drouillard dans Cité Soleil. Le 1er avril dernier, MSF avait cessé de travailler dans ce centre pour des raisons de sécurité.

« Maintenir des structures médicales opérationnelles dans de telles conditions est un défi quotidien », explique Serge Wilfrid Ikoto, référent médical de MSF à l’hôpital de Tabarre. « Certaines personnes membres de notre personnel médical recruté localement ne peuvent pas rentrer chez elles. Elles courent d’énormes risques chaque fois qu’elles se déplacent. Nous organisons des rotations de 24 heures pour limiter leurs mouvements, mais certaines d’entre elles ne sont pas rentrées chez elles depuis plusieurs jours d’affilée. »

Quartiers bloqués

À Brooklyn, un quartier densément peuplé, toutes les routes d’accès, à l’exception de la voie maritime, étaient bloquées au plus fort des affrontements. La communauté était prise au piège, car personne ne pouvait entrer ni sortir du quartier sans devenir une cible. Même l’eau potable est devenue rare, parce que les camions qui approvisionnent habituellement ce quartier en eau ne pouvaient pas non plus y accéder.

« Il est urgent d’adopter une réponse humanitaire plus large et mieux adaptée. »

Dans d’autres quartiers touchés par des affrontements armés, de nombreuses personnes ont fui leurs foyers et sont maintenant déplacées.

« Ils ont mis le feu à ma maison, j’ai tout perdu », raconte une jeune femme traitée dans un centre médical de MSF après avoir été atteinte par balle aux jambes. « Je suis hantée par l’idée de devoir aller vivre dans un camp de déplacé·e·s quand je sortirai de l’hôpital. »

La violence récurrente et généralisée paralyse le système de santé à Port-au-Prince. Les installations médicales déjà en difficulté sont surchargées par les besoins d’un grand nombre de patients et de patientes blessé·e·s, ce qui réduit leur capacité de prise en charge des autres personnes.

« La population haïtienne se retrouve dans une situation de vulnérabilité extrême », dit Mumuza Muhindo. « Les familles déplacées par la violence ont besoin d’aide, car le coût de la vie augmente de jour en jour et les soins de santé de qualité sont inaccessibles. Il est urgent d’adopter une réponse humanitaire plus large et mieux adaptée. »