Le ministre de la Santé du Honduras, José Matheu, en visite à l’insectarium de MSF. Il a ainsi pris connaissance du processus d’élevage des moustiques Wolbachia qui seront relâchés au cours des six prochains mois. Honduras, 2023. © MSF/Laura Aceituno
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Honduras : combattre la dengue avec les moustiques

Imaginez un scénario dans lequel les moustiques ne seraient plus une menace pour la santé des gens. Imaginez que ces minuscules créatures ne transmettent plus la dengue, le Zika et le chikungunya, mais deviennent des alliés inattendus dans la lutte contre ces maladies.

Tout cela est possible. Ainsi, Honduras, une équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) et d’autres organisations tente d’en faire une réalité. La personne qui dirige ce projet est Edgar Boquín, un psychologue hondurien qui travaille avec MSF depuis 2006. Il apporte son aide dans diverses situations d’urgence liées aux catastrophes naturelles, aux épidémies et à la violence.

Depuis juin 2023, Edgar Boquín est le coordonnateur du projet « Prévention de l’arbovirus ». Cette intervention novatrice vise à aborder les maladies transmises par les moustiques sous l’angle de la prévention, grâce à la technologie mais aussi au travail communautaire. Dans ce texte, Edgar Boquín revient sur les premiers mois de cette bataille contre la dengue, le Zika et le chikungunya.

Le défi de l’adaptation à l’innovation

« Lors de la création du projet, de nombreux défis sont apparus. Il s’agissait entre autres de passer d’une approche centrée sur la personne à une approche de recherche. Celle-ci visait à générer des résultats à long terme par le biais d’interventions communautaires, tout en respectant l’environnement. Pour ma part, je pense que cela a été le plus grand défi pour tout le monde dans ce projet; cela a été difficile.

Mais ce n’est pas tout. J’ai travaillé dans des endroits où il n’est pas facile d’entrer, en raison de la violence qui y règne. J’ai également été confronté à des situations que les gens n’avaient jamais vues auparavant, telles que le traitement des malades, leur transport et les consultations. Et si traiter des malades peut être inhabituel pour certaines communautés, imaginez de libérer des moustiques; c’est en effet tout un défi!

À un moment donné, je me suis senti anxieux et inquiet, surtout à cause des équipes de projet. Chaque jour, elles sont confrontées à des personnes qui peuvent les rejeter ou même devenir agressives.

Nous avons aussi dû faire face aux opinions des gens et à certaines réactions négatives face à nos actions. Cela a généré beaucoup de stress pour moi, car c’était la première fois que nous appliquions cette méthode dans le pays. Comme il s’agit d’une méthode très innovante, nous avons également dû affronter un manque de sensibilisation de la part de la population.

La réflexion qui m’a amené à faire partie de la solution

Si vous me demandez quelle a été ma réaction en entendant parler d’appliquer de cette méthode et de ce projet, cela m’a semblé fou ! D’habitude, MSF procède d’une façon différente pour lutter contre des maladies comme la dengue. Son approche est généralement très traditionnelle et se fait surtout par la fumigation et le nettoyage des conteneurs d’eau, en plus des soins hospitaliers directs.

Cela m’a conduit à une réflexion interne : nous n’avons pas toujours mis en œuvre la meilleure option ou la meilleure solution. Les techniques ont beaucoup évolué. En fin de compte, je crois qu’il s’agit de prendre conscience que nous ne pourrons pas éradiquer l’Aedes aegypti et que nous devons trouver les meilleures solutions pour nous adapter à cette réalité.

Lorsque j’ai approfondi la méthode Wolbachia et découvert tous les endroits où elle a été appliquée avec de bons résultats, j’ai réalisé que j’avais une belle occasion de mener l’expérience au Honduras. J’ai alors décidé d’essayer.

Derrière chaque défi se cache une récompense

C’est très gratifiant de voir comment fonctionne la partie opérationnelle du projet, comment chaque domaine, chaque discipline, chaque service comprend ce que nous faisons. C’était quelque chose de nouveau pour tout le monde.

Savoir que les équipes responsables de l’insectarium ont appris comment travailler, savoir que les personnes responsables de la promotion de la santé s’engagent chaque jour dans des activités communautaires : cela vous donne un sentiment de paix, car tout finit par se dérouler systématiquement. Ensuite, vous avez la satisfaction d’arriver au bureau et d’apprendre que les lâchers de moustiques ont déjà commencé.

Le jour le plus attendu : le lâcher de moustiques, un grand travail d’équipe

Chaque étape du projet a représenté un défi à l’époque, depuis les accords avec les autorités locales et les partenaires de mise en œuvre jusqu’à l’arrivée des premiers moustiques importés d’un pays voisin. Mais le jour du premier lâcher de moustiques, j’ai ressenti une grande émotion, car j’ai eu l’impression que nous étions arrivés au but et que nous avions réussi.

Cette journée de lâcher de moustiques a marqué l’atteinte d’un premier objectif : le début de la mise en œuvre, qui sera maintenant supervisée par les équipes de MSF pendant six mois. Je souligne toujours le travail des personnes impliquées dans le projet; chacune d’elles met du sien pour que cela fonctionne.

Ma satisfaction est la suivante : si, pour une raison ou une autre, je quitte le projet, il ne prendra pas fin, parce que les équipes savent comment procéder.

Un avenir plein d’espoir

J’aimerais que ce projet réussisse à réduire l’impact de ces maladies sur les populations avec lesquelles nous travaillons. Il faudrait aussi que l’expérience soit transmise à d’autres intervenants, au Honduras ou dans un autre pays. Je veux que le projet prenne de l’expansion et fournisse des données utiles pour les nouvelles générations. Il s’agit d’une belle occasion d’acquérir des connaissances qui peuvent améliorer la vie de nombreuses personnes, et c’est ce qui est le plus gratifiant. »