Firdous Inside the hospital, the cries and shouts of a five-year-old Mosulawi girl ring out in one burns unit. Firdous Salah took her family members by surprise when her mother wasn’t around. She reached out to a kettle of boiling water resting on an oil heater, and then flipped it over her body. Her right arm, abdomen and both thighs were scalded. Her grandmother, Telha Ahmed, accompanies her as her mother is preoccupied with caring for Firdous’s siblings in the tent that has become their sanctuary, in the wake of a devastating war to retake Iraqi cities from Islamic State (IS) group - a war that has left scores of the citizenry stranded in ramshackle camps across Iraq. “It’s difficult, very difficult,” says Telha, Firdous’s grandmother, describing life in Jada`a camp, where Firdous is growing up in the outskirts of the urban town of Qayyarah – a harsh environment no child could bear, but thousands of choiceless Iraqi children have opened their eyes to. Unlike her peers, Firdous, holding a green teddy rabbit with her left arm, doesn’t utter a word. The five-year old “hasn’t spoken to people other than her immediate family members in years,” Telha, the grandmother, says. “It’s the shock,” she laments, referring to the deafening sound of bombing that rocked the city of Mosul - the city Firdous’s family escaped when she was a baby - and left irreversible damage on countless humans. © MSF
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Irak : Prendre soin des patients brûlés à Qayyarah

Dans le sous-district nord-irakien de Qayyarah, à 60 kilomètres au sud de Mossoul, la capitale de la province de Ninive, les traces d’une guerre qui s’est apaisée il y a trois ans sont encore bien évidentes. Là-bas, Médecins Sans Frontières (MSF) gère le seul hôpital spécialisé dans les brûlures à Ninive, une province qui peine encore à se remettre d’une guerre féroce qui l’a laissée largement en ruine, notamment au niveau de ses infrastructures sanitaires, dont certaines semblent irréparables.

« La saison des brûlures »

 

À l’intérieur de l’une des unités de soins aux brûlés, les pleurs et les cris d’une fillette de cinq ans retentissent. Firdous Salah a surpris les membres de sa famille lorsque sa mère n’était pas là. En tentant d’attraper une bouilloire qui reposait sur le brûleur à l’huile, elle l’a fait tomber et l’eau bouillante s’est renversée sur elle. Elle a été brûlée au bras droit, à l’abdomen et aux deux cuisses.

Sa grand-mère, Telha Ahmed, l’accompagne alors que sa mère s’occupe des frères et sœurs de Firdous dans la tente qui est devenue leur sanctuaire après la guerre dévastatrice pour reprendre les villes irakiennes des mains de DAESH – une guerre qui a laissé une grande partie de la population coincée dans des camps délabrés à travers l’Irak.

Firdous reçoit des soins pour ses brûlures dans un établissement géré par MSF.MSF

 

Après deux ans et demi sous le contrôle de DAESH, l’armée irakienne a repris la ville de Qayyarah en août 2016. En décembre de la même année, MSF y a ouvert un hôpital, comblant le vide laissé par la destruction partielle de l’hôpital général de Qayyarah. MSF peut ainsi prodiguer des soins à une population de 300 000 personnes qui avaient du mal à accéder aux services de santé.

MSF a élargi ses services de santé à l’hôpital, avec des soins néonatals et pédiatriques, des soins intensifs et d’urgence, et des consultations de santé mentale. Maintenant, les patients arrivent de tous les coins de la province lorsqu’ils sont victimes d’accidents domestiques ou d’incidents violents, ou qu’ils survivent à une tentative de suicide.

L’hiver, c’est la « saison des brûlures ». Les patients victimes d’un incendie domestique ou ayant survécu à des brûlures auto-infligées affluent.

« En avril 2018, la première unité de soins aux brûlés a été inaugurée dans l’établissement, avec une capacité de 10 lits », explique Dr Amenah Radhwan, responsable des activités médicales à l’hôpital géré par MSF. « Mais avec l’augmentation des cas de brûlures au début de la saison hivernale l’année dernière et vu qu’il s’agit du seul établissement spécialisé dans les brûlures à Ninive, l’hôpital a haussé sa capacité à 25 lits », ajoute Dr Amenah.

Cet hiver, la température en Irak a chuté à son plus bas niveau depuis plusieurs années. Parfois, la neige recouvre même une partie du paysage. Les personnes qui souffrent le plus de cette situation sont les milliers de familles déplacées vulnérables qui chauffent leur tente comme ils le peuvent et celles qui vivent dans des maisons en ruine.

Elles utilisent des radiateurs au kérosène sur lesquels elles mettent une casserole ou une bouilloire d’eau bouillante pour le thé – un incontournable dans la plupart des maisons irakiennes – dans l’espoir de chauffer les habitations et de réchauffer les corps, mais cela rend les accidents fréquents.

« C’est difficile, très difficile », explique Telha, la grand-mère de Firdous, décrivant la vie dans le camp de Jada, où la fillette grandit en périphérie de la ville de Qayyarah. C’est un environnement difficile qu’aucun enfant ne devrait avoir à supporter, mais qui est pourtant le lot de milliers des enfants irakiens qui n’ont d’autre choix.

Contrairement aux autres enfants dans l’unité de soins, Firdous, tenant un lapin en peluche vert avec son bras gauche, ne parle pas. La petite de cinq ans « ne parle à personne d’autre qu’aux membres de sa famille immédiate depuis des années », explique sa grand-mère.

« Elle est en état de choc », déplore-t-elle, en faisant référence au bruit assourdissant des bombardements qui ont secoué la ville de Mossoul – la ville que la famille de Firdous a fuie quand elle était bébé – et qui ont blessé et tué des milliers de personnes.

 

De l’autre côté de la salle d’isolement

 

En face de Firdous, Sidiqa Sadiq chuchote des berceuses à l’oreille de son fils. Anas Abdul-Rehman, âgé de deux ans et demi, a également réussi à faire basculer une bouilloire qui était sur le poêle et à renverser l’eau bouillante sur son petit corps. Ils sont venus de Tal-Afar, une ville de l’ouest de Ninive située entre Mossoul et le district de Sinjar.

Le bras droit et le haut du corps d’Anas sont enveloppés de bandages; il a subi de graves brûlures sur 17 % de son corps. Tenant sa main gauche, sur laquelle est installée une canule intraveineuse, sa mère chante et prie pour son rétablissement : « Je n’ai pas dormi depuis le jour de sa blessure. Mais Inshallah (si Dieu le veut), il se rétablira », dit-elle.

Au total cet hiver, l’hôpital a reçu pas moins de 83 cas de brûlures en novembre, décembre et janvier. Selon Dr Amenah, « l’hôpital reçoit des patients souffrant de brûlures sur 10 % de leur corps et plus, ainsi que des brûlures sur une superficie inférieure à 10 % du corps, mais dans des endroits sensibles tels que le visage, les organes génitaux ou les articulations. »

Les patients brûlés se rendent en salle d’opération plusieurs fois par semaine, selon la gravité de leurs blessures, pour nettoyer leurs plaies, recevoir des greffes de peau et changer leurs pansements sous anesthésie afin d’éviter la douleur aiguë que cela occasionne.

La physiothérapie, bien qu’atrocement douloureuse, est également un élément essentiel de la réadaptation des patients, en particulier chez ceux qui présentent des brûlures aux articulations. Elle leur permet de surmonter la douleur et de retrouver progressivement de l’élasticité, empêchant un raccourcissement permanent de leurs muscles ou articulations.

 

La salle d’opération de l’hôpital général de Qayyarah géré par MSF.Ahmed Kaka/MSF

 

Les patients de l’hôpital sont étroitement surveillés par les membres du personnel : ils sont vulnérables à la déshydratation, à l’hypothermie et (surtout) aux infections, « car ils ont déjà perdu leur première couche de protection : leur peau », explique Dr Amenah.

Les personnes infectées sont maintenues dans des lits d’isolement sous soins intensifs à l’hôpital. Il y a deux unités d’isolement d’une capacité totale de neuf lits.

 

Le soutien en santé mentale est fondamental

 

À l’hôpital, le soutien en santé mentale est également un élément essentiel du rétablissement. Les psychiatres et les conseillers voient quotidiennement des patients souffrant de brûlures. Ils abordent leur dépression et leurs frustrations, atténuent leur détresse et renforcent leur confiance pour les aider à surmonter les difficultés et à s’adapter à une nouvelle réalité, où ils ne se ressemblent plus et doivent rester dans un lit d’hôpital jusqu’à ce qu’ils se rétablissent.

Mustafa Ahmed, 13 ans, ne ressent plus de douleur, ses blessures se cicatrisent et bientôt il retournera dans sa ville natale : la vieille ville de Mossoul. Mais le jeune homme mince et pâle fond en larmes en se remémorant des sorties avec ses cousins là-bas.

« Je leur parle parfois au téléphone, mais je ne peux m’en empêcher, parfois je pleure », dit-il en sanglotant. Sa jeune tante, qui l’accompagne en l’absence de ses parents décédés, se tient à côté de son lit – ses yeux brillent de larmes.

Dans la vieille ville de Mossoul, où persiste l’odeur putride des cadavres encore enfouis sous les décombres, presque chaque recoin rappelle les horreurs et les pertes de la guerre. Mustafa porte un lourd fardeau psychologique en raison de cette guerre, et il n’a fait qu’augmenter avec sa blessure.

Mustafa a subi des brûlures sur la majeure partie de son corps; il est enveloppé de bandages du cou jusqu’au pied droit.MSF

 

Interrogé sur sa blessure, il répond qu’il ne se souvient que d’avoir allumé le poêle, puis que son corps a pris feu et qu’il a été transporté plus tard à l’hôpital.

Il a passé les premiers jours à l’hôpital inconscient et sous oxygène. Il se rappelle aussi avoir halluciné. « Parfois, je me réveille pendant la nuit en pensant que je suis assis dehors. Je leur demande de me laisser entrer », dit-il.

« Je me sens mieux maintenant », ajoute Mustafa.

Certaines des personnes traitées ici ont survécu à une tentative de suicide, selon des membres du personnel de santé mentale. Selon eux, le suicide est considéré comme une échappatoire au traumatisme de la guerre qui fait maintenant partie intégrante de leur vie – une vie souvent affligée par la pauvreté et l’incertitude face à l’avenir.

« Certains brûlés ont désespérément besoin d’un soutien en santé mentale. Ils éprouvent souvent des difficultés avant de se rendre à l’hôpital, des difficultés qui finissent par causer des blessures », explique Iman Mohammed, conseiller en santé mentale.

Chez les victimes de brûlures, « la réadaptation n’est pas complète sans soutien en santé mentale », conclut Iman.