An MSF staff uses the point-of-care-ultrasound or Pocus to check some vital signs of William Akol, a patient admitted in the MSF hospital in the Protection of Civilians site in Malakal, South Sudan. William, 46, is suffering from pulmonary tuberculosis. He has undergone treatment twice over the last two years, but this was interrupted both times. © Alex McBride/MSF
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Journée mondiale de lutte contre la tuberculose 2020 : Livrer bataille à la tuberculose au Soudan et au Soudan du Sud

 

Des années de guerre et un système de santé fragile ont laissé de nombreuses personnes sans accès aux traitements contre les maladies infectieuses chroniques telles que la tuberculose au Soudan du Sud, où environ 14 000 cas sont signalés chaque année, selon l’OMS. Dans le pays voisin, le Soudan, où la population est environ quatre fois plus importante, le nombre de cas détectés est plus élevé, soit 20 000 personnes infectées. En l’absence de traitement, la tuberculose affaiblit gravement les personnes qui en sont atteintes et peut entraîner la mort. La tuberculose est l’une des dix principales causes de décès dans le monde.

Au cours des dernières années, Médecins Sans Frontières (MSF) a intégré le diagnostic et le traitement de la tuberculose dans certains de ses programmes médicaux au Soudan et au Soudan du Sud afin d’aider à lutter contre cette maladie, en traitant les réfugiés, les personnes déplacées et les communautés locales. De nouveaux outils innovants, tels que l’appareil à ultrasons au point d’intervention (POCUS) et GeneXpert, facilitent et améliorent le diagnostic de la tuberculose.

Si elles n’obtiennent pas un diagnostic approprié, les personnes atteintes de tuberculose peuvent recevoir le mauvais traitement et ainsi ne jamais parvenir à surmonter la maladie. L’instabilité dans la région, où le conflit provoque de fréquents déplacements de population, peut également entraîner l’interruption du traitement des patients tuberculeux, ce qui augmente le risque de développer une résistance aux médicaments antituberculeux.

Les patients et le personnel médical de MSF dans la région du Haut-Nil au Soudan du Sud et dans l’État du Nil Blanc au Soudan décrivent leurs défis et leurs succès à traiter la tuberculose dans ce contexte difficile.

« Depuis que je prends le médicament, j’arrive à marcher »

John Jimis, 28 ans, est originaire de Malakal au Soudan du Sud.Igor G. Barbero / MSF/MSF

« Je toussais tout le temps et je ne dormais pas bien. J’ai continué d’aller au centre de santé du camp de réfugiés de Jorey. On m’a donné des médicaments, mais je n’allais pas mieux. J’ai vu le médecin au moins trois fois, mais je continuais à perdre du poids.

Des membres de ma famille m’ont emmené à l’hôpital de MSF à Al Kashafa. À mon arrivée, j’étais très malade et je ne pouvais plus dormir la nuit. J’ai été amené à l’hôpital inconscient, ne pesant plus que 45 kilos. On m’a prélevé un échantillon d’expectoration, puis on a confirmé que je souffrais de tuberculose.

Maintenant, je suis rétabli. Après deux mois, je suis retourné à l’hôpital, et on a repris des prélèvements. Mon poids était de 54 kg, et continue d’augmenter.

Le médecin a changé mon médicament pour commencer la prochaine phase de traitement. Je prends le médicament maintenant. Je peux marcher facilement, et je suis en forme et en bonne santé, grâce à Dieu. Je suis très heureux, car je ne m’attendais pas à récupérer aussi rapidement. »

 

Le conflit perturbe le traitement antituberculeux des patients

Yumo Arop est superviseur VIH et tuberculose à l’hôpital MSF du camp de réfugiés d’Al Kashafa, dans l’État du Nil Blanc au Soudan.MSF/Igor Barbero

« Au Soudan, il y avait des cas de tuberculose avant l’arrivée des réfugiés du Soudan du Sud, mais la surpopulation et les mauvaises conditions de vie des réfugiés – manque d’eau potable et assainissement inadéquat – créent l’environnement idéal pour la propagation de certaines maladies.

Lorsqu’une nouvelle crise a éclaté en 2017 dans le nord-est du Soudan du Sud, les combats violents ont poussé des milliers de personnes à se rendre dans l’État voisin du Nil Blanc, au Soudan. La plupart des nouveaux arrivants se sont installés dans le camp de réfugiés de Khor Waral.

Nous avons vérifié l’état de santé des nouveaux arrivants et confirmé que certains souffraient de tuberculose. Certains avaient déjà été soignés au Soudan du Sud, mais avaient dû interrompre leur traitement en raison du conflit et de leur déplacement. De nombreux malades étaient sans traitement depuis six ou huit mois. Les agents de promotion de la santé ont aidé à identifier les patients potentiels et à les diriger vers notre hôpital dans le camp de réfugiés d’Al Kashafa.

Il fallait reprendre leur traitement pour éviter la propagation de la maladie, car une personne infectée assise dans un endroit surpeuplé peut transmettre la maladie à d’autres, parfois à toute sa famille. La prophylaxie (traitement préventif) doit être distribuée aux proches.

Si elle n’est pas traitée correctement, la tuberculose peut engendrer de nombreux problèmes de santé, tels que l’incapacité de marcher, la perte d’appétit, la toux, la faiblesse corporelle, la fièvre et même la mort. La mauvaise utilisation des antibiotiques peut également conduire à une résistance chez certains patients. Heureusement, nous n’avons détecté qu’un seul cas de tuberculose résistante en 2018. »

 

Patients symptomatiques depuis longtemps

William Akol souffre de tuberculose pulmonaire. Il a été traité à deux reprises au cours des deux dernières années, mais chaque fois il a dû interrompre le traitement.Alex McBride/MSF

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Simon Dau, 42 ans, est le responsable clinique de MSF pour le VIH et la tuberculose dans sa ville natale de Malakal, au Soudan du Sud. Sur le site de protection des civils des Nations Unies à Malakal, où vivent quelque 29 000 personnes déplacées, l’incidence de la tuberculose est environ trois fois plus élevée que le taux national.

« La tuberculose est très répandue au Soudan du Sud, et le nombre de cas a augmenté avec les années. Je me souviens d’un de mes oncles qui, il y a quelques années en 2011, présentait une fièvre et une toux persistantes. Nous lui avons donné de l’amoxicilline et du paracétamol, mais son état ne s’est pas amélioré du tout, et finalement il est décédé.

Plus tard, lorsque je me suis joint à MSF et que j’en ai appris plus sur la maladie, je suis devenu convaincu que mon oncle souffrait de tuberculose. Les installations sanitaires et les connaissances inadéquates sont des facteurs qui entraînent la mort de nombreuses personnes. Dans certaines parties du Soudan du Sud, il n’existe toujours aucun programme de lutte contre la tuberculose.

Lorsqu’un patient que l’on soupçonne atteint de tuberculose se présente, je lui pose une série de questions standard : « Faites-vous de la fièvre? Est-ce que vous toussez? Perdez-vous du poids? Quand votre maladie a-t-elle commencé? Quels contacts avez-vous eus? Avez-vous déjà été traité contre la tuberculose? »

Après avoir dressé le portrait complet de son état de santé, nous mettons le patient en isolement s’il est très malade et prenons un échantillon d’expectorations. Si l’échantillon donne un résultat positif à la tuberculose, nous commençons le traitement. Nous recevons des patients qui sont malades et présentent des symptômes depuis longtemps. Ils se sont peut-être d’abord rendus dans des établissements privés n’étant pas équipés pour diagnostiquer la tuberculose. Parfois, ils arrivent à un stade avancé, lorsqu’ils sont sur le point de s’effondrer.

Si nous soupçonnons la tuberculose, nous utilisons un appareil à ultrasons au point d’intervention, ou POCUS en anglais, pour essayer d’identifier certains signes courants de la tuberculose, comme les épanchements péricardiques et pleuraux ou les ganglions lymphatiques. Ce type d’appareil peut aussi être utilisé dans bien d’autres circonstances, en pédiatrie et en chirurgie par exemple, car il remplace la radiographie et est beaucoup plus pratique et facile à utiliser. Il s’avère particulièrement utile dans les contextes éloignés où MSF travaille souvent.

Avec un échantillon de fluides, principalement des expectorations, nous confirmons ultérieurement le diagnostic à l’aide de GeneXpert, un appareil automatique qui permet d’amplifier l’ADN. Il permet également d’identifier la forme pharmacorésistante de la tuberculose. Il fournit les résultats très rapidement – en seulement deux heures.

Ces appareils sont très utiles. Avant, le diagnostic se faisait uniquement au moyen d’un microscope, et nous devions envoyer les échantillons au laboratoire pour confirmation. Cela pouvait prendre plusieurs jours, et le processus était plus compliqué. Maintenant, tout est beaucoup plus rapide et plus précis. »