Des personnes attendent dans la zone de triage, avant leurs consultations, dans la clinique de MSF du centre de transit de Bulukat, situé près de la ville de Malakal dans l’État du Nil Supérieur.
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Soudan : la guerre exacerbe les besoins humanitaires dans le Soudan du Sud voisin, avertit MSF

La guerre en cours au Soudan augmente considérablement les besoins des gens qui se trouvent de l’autre côté de la frontière, au Soudan du Sud, alerte aujourd’hui l’organisation médicale internationale Médecins Sans Frontières (MSF). MSF appelle à un accroissement immédiat de l’assistance aux personnes réfugiées et rapatriées fuyant la guerre et aux communautés qui les accueillent.

La guerre au Soudan, qui a commencé en avril 2023, a engendré la plus grande crise de déplacements au monde, avec plus de 10 millions de personnes contraintes de fuir leur foyer. Plus de 680 000 d’entre elles [1]sont arrivées au Soudan du Sud depuis avril dernier, alors que le système de santé du pays et l’aide humanitaire existante peuvent à peine répondre aux besoins de la communauté. Dans les mois à venir, la pression sur les services de santé et les organisations d’assistance risque de s’accroître. On estime en effet à sept millions le nombre d’individus qui n’auront pas accès à une nourriture suffisante d’ici juillet.[2]

Situé dans l’État du Nil Supérieur au Soudan du Sud, Renk se trouve à environ 60 kilomètres de Joda, le point d’entrée officiel pour les gens fuyant la guerre. Quelque 13 000 personnes réfugiées et rapatriées sont actuellement bloquées dans le centre de transit de la ville et aux alentours. Ce nombre fluctue en fonction des mouvements ultérieurs; soit ces gens attendent de pouvoir poursuivre leur voyage à travers le Soudan du Sud, soit ils rentrent chez eux au Soudan. Les conditions de vie sont désastreuses et ils disposent de peu de nourriture, d’eau, d’abris, d’installations sanitaires et de soins médicaux.

Beaucoup de ceux qui arrivent à la frontière sont blessés et gravement dénutris, après avoir marché pendant des semaines pour se mettre à l’abri. Actuellement, les agences d’assistance leur fournissent de l’argent pour acheter de la nourriture pour sept jours. De nombreuses personnes se retrouvent toutefois bloquées au centre de transit de Renk pendant des semaines, voire des mois, dans l’attente d’un moyen de transport pour poursuivre leur voyage.

« Parfois, nous parvenons à manger deux fois par jour, mais généralement nous ne prenons que le petit-déjeuner, et nous nous couchons le soir avec l’estomac vide, même les plus jeunes », explique Dak Denj, un éleveur de bétail de 70 ans qui séjourne au centre de transit de Renk depuis décembre 2023

À environ 300 kilomètres de Renk, des milliers de personnes réfugiées ou rapatriées vivent dans le centre de transit de Bulukat, près de la ville de Malakal. Les pénuries de nourriture, d’eau, d’abris et d’assainissement adéquat ont entraîné une augmentation des maladies telles que la diarrhée et les infections respiratoires, selon les équipes médicales de MSF.

L’afflux continu de personnes réfugiées ou rapatriées au Soudan du Sud risque d’aggraver les pénuries déjà aiguës de nourriture et d’eau, tant chez celles qui viennent d’arriver que dans les communautés d’accueil, et de rendre encore plus difficile l’accès aux soins médicaux.

Avant avril 2023, 30 à 50 enfants sévèrement dénutris étaient admis chaque mois au centre de traitement de la malnutrition en milieu hospitalier de l’hôpital de MSF dans la ville de Malakal. Depuis le déclenchement de la guerre au Soudan, le nombre d’enfants gravement dénutris admis dans l’établissement a augmenté de 200 %.

Les enfants dénutris sont plus vulnérables à d’autres maladies potentiellement mortelles. « La malnutrition accroît le risque d’infection, en particulier chez les enfants de moins de cinq ans », explique le Dr Eltigani Osman, coordonnateur médical de MSF. « Ceux-ci sont plus susceptibles de mourir de maladies telles que la méningite, la rougeole, la fièvre jaune, le choléra et le paludisme. »

Les pénuries d’eau dans la région obligent les gens à aller chercher de l’eau dans les rivières. Or, boire de l’eau non traitée, qui peut être contaminée, présente des risques supplémentaires pour la santé, surtout dans une zone sujette aux épidémies de choléra. Ces risques devraient augmenter à l’approche de la saison des pluies, qui provoquera sans doute de graves inondations dans toute la région, contaminant les puits et les forages et entravant la réponse humanitaire. Les inondations du côté soudanais de la frontière pourraient pousser encore plus de monde à fuir vers le Soudan du Sud.

Les organismes humanitaires luttent actuellement pour répondre à la crise et soutenir toutes les personnes dans le besoin. Depuis avril 2023, MSF gère une clinique au principal poste-frontière et deux cliniques mobiles autour de Renk et Bulukat, qui traitent environ 190 patients et patientes chaque jour, et apporte son appui à l’hôpital de Renk. Cependant, cela n’est pas suffisant et l’ampleur de la crise exige une réaction internationale beaucoup plus importante.

« La réponse humanitaire reste inadaptée à la réalité des besoins, dans un contexte où le système de santé est déjà mis à rude épreuve », déclare Iqbal Huda, directeur de projet de MSF.

« Nous appelons de toute urgence les donatrices et les donateurs internationaux à allouer des fonds pour répondre aux besoins des personnes rapatriées ou réfugiées et des populations hôtes au Soudan du Sud. Cela doit inclure la fourniture de nourriture, d’eau, d’abris, d’assainissement et de soins médicaux, ainsi que les moyens pour permettre aux gens de poursuivre leur voyage. »

Iqbal Huda, directeur de projet de MSF.

[1] UNHCR and IOM dashboards (en anglais).

[2] South IPC Acute Food Insecurity and Malnutrition Analysis September 2023-July 2024 (en anglais).