Au poste-frontière de Joda, entre le Soudan du Sud et le Soudan, un membre du personnel de MSF explique aux personnes réfugiées et rapatriées les étapes à suivre avant d’être transférées au centre de transit de Renk.
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Soudan : « Nous ne savons pas où aller »

Voici quelques témoignages de personnes déplacées dans deux centres de transit : Renk et Bulukat.

Le centre de transit de Renk, situé à une soixantaine de kilomètres de Joda, le point d’entrée officiel, accueille 13 000 personnes réfugiées et rapatriées fuyant la guerre. Les conditions de vie y sont désastreuses, avec un manque de nourriture, d’eau, d’abris, d’assainissement et de soins de santé. À environ 300 kilomètres de là, des milliers de gens sont confrontés aux mêmes conditions dans le centre de transit de Bulukat.

Dak Denj Uchol, 70 ans

La famille compte 17 personnes. Le plus jeune a 5 mois, il est né lors d’une longue escale à Sinda, quand le groupe a fui la guerre. La mère n’a bénéficié d’aucune assistance, mais tout s’est bien passé.

Nous avons vécu à Khartoum pendant 10 ans, depuis que nous avons fui le conflit au Soudan du Sud en 2013. Lorsque la guerre a commencé à Khartoum en avril 2023, nous pensions que ce n’était pas si inquiétant et que cela s’arrêterait bientôt. Mais la situation s’est aggravée avec les bombardements des avions et nous avons compris que c’était grave. Nous avons décidé de partir pour Madani, dans le sud, où nous avions de la famille. En chemin, il y avait de nombreux points de contrôle et les soldats prenaient tout ce qui se trouvait dans les poches des gens qui se déplaçaient : argent, téléphones, nourriture. Ils ont même forcé certains jeunes hommes à les suivre et à se faire enrôler dans les combats. Les plus de 18 ans n’avaient pas le choix : s’ils refusaient, ils étaient tués.

Après les violents combats à Madani, nous ne nous sentions pas en sécurité. Beaucoup de familles ont décidé de partir à ce moment-là. Nous devions nous en aller nous aussi. Grâce à un peu d’argent économisé à Khartoum et à la vente de chèvres, nous avons réussi à parvenir à Joda en bus. C’était en décembre 2023. Nous avons reçu 12 600 livres sud-soudanaises par personne à notre arrivée et depuis, plus rien. J’essaie d’aller chercher du bois de chauffage et de le vendre et d’autres femmes de la famille essaient de trouver des petits boulots au marché, mais ce n’est pas suffisant. Il est très difficile d’obtenir quelque chose à manger. Parfois, nous réussissons à manger deux fois par jour, mais en général, nous ne mangeons qu’au petit-déjeuner et nous nous couchons le soir avec l’estomac vide, tout le monde, même les plus jeunes. Nous avons décidé de vendre nos vêtements et quelques ustensiles de cuisine pour obtenir plus d’argent, mais ce n’est pas suffisant. Il ne nous reste plus rien, mais nous ne savons pas où aller. Où que nous soyons, la situation n’est pas bonne.

Le pire, c’est pour nos enfants parce qu’ils n’ont pas d’éducation. Je ne suis pas heureuse aujourd’hui, tout est difficile. À Khartoum, nous avions une vie agréable, tout le monde était en sécurité. Ici, les maladies sont partout, surtout à cause de la mauvaise qualité de l’eau. Les enfants ont des maux de ventre et des diarrhées. Lorsque nous sommes malades, nous pouvons aller à la clinique mobile de MSF, mais nous n’obtenons que des médicaments pour soulager la douleur. Rien ne peut guérir la faim et les mauvaises conditions de vie. Beaucoup de gens souffrent également de problèmes de santé mentale et peuvent obtenir un soutien de MSF, mais c’est le même problème, et ce n’est qu’à court terme. Nous savons que nous n’irons pas mieux tant que nous vivrons ainsi. Après la chaleur extrême, la saison des pluies arrivera et nous n’avons même pas de bâches en plastique pour protéger les enfants. Qui s’occupera de nous quand cela arrivera? Qui protégera nos abris?

Je ne peux pas dire que nous regrettons d’être ici, car nous n’avions pas d’autre choix que de partir. Nous comprenons que la situation est difficile pour tout le monde et nous savons que nous devons avoir de la patience, mais nous avons vraiment besoin de plus d’aide. D’après les dernières nouvelles que nous avons reçues de Khartoum, il semble que notre maison n’ait pas été détruite, mais elle est complètement vide. Tout ce qui se trouvait à l’intérieur a été volé, il ne reste rien. À un moment donné, nous aimerions retourner là-bas, car nous pouvions y travailler. Ici, nous ne pouvons rien faire.

Je suis très déçue, bien sûr, mais que pouvons-nous dire? Il y a des conflits ici, la guerre là-bas… C’est la vie. Je ne peux rien faire d’autre que de prier pour une vie meilleure et de demander de l’aide. L’avenir est très sombre. Nous ne voyons rien de bon venir. Nous essayons seulement de survivre; mais sans éducation pour nos enfants, il n’y a pas d’espoir.

Dak Denj Uchol, rapatriée de 70 ans. Après avoir vécu 10 ans à Khartoum, elle a fui la guerre au Soudan avec 17 membres de sa famille. Le groupe est arrivé au centre de transit en décembre 2023.

Nyaonya, 30 ans.

5 enfants, 2 ailleurs chez des parents, 3 avec elle. Ses parents ont été tués pendant le conflit au Soudan du Sud en 2013. Son mari a été tué à Khartoum en 2023. Elle est seule avec sa grand-mère dont elle s’occupe.

Je suis arrivée ici en octobre 2023, parce que la situation n’était plus bonne au Soudan. Il y avait beaucoup d’histoires de viols, de vols et de tirs au hasard d’une maison à l’autre. Je me sentais menacée, je ne pouvais pas rester comme ça. Maintenant, je ne retournerai jamais au Soudan, parce que mon mari y a été tué. Il était le père de mes enfants, mon bébé n’a que quatre mois. Je suis arrivée dans le camp enceinte et j’ai accouché ici, sans autre assistance médicale qu’une sage-femme traditionnelle. Je reste ici avec ma grand-mère et trois de mes cinq enfants.

La vie n’est pas bonne pour nous. Nous n’avons pas assez de nourriture et à cause de cela, je ne peux pas produire de lait pour mon bébé. Je vois qu’il grandit moins bien que mes autres enfants. J’avais un plan pour eux, je voulais qu’ils soient en sécurité et éduqués, mais je sais que je ne peux pas y arriver parce que je n’ai pas d’argent. À Khartoum, je travaillais comme vendeuse de thé, ce qui convenait à la famille. J’étais censée avoir de la famille à Tondjo, alors j’ai voulu y aller, mais je n’ai aucune nouvelle. Je ne suis même pas sûre qu’ils soient encore en vie. Je suis coincée ici maintenant.

Abuk Denj, 36 ans.

Je suis venue à la clinique de MSF aujourd’hui avec ma fille, parce qu’elle ne se sentait pas bien. Elle avait une grosse toux et la grippe. Heureusement, les responsables de la clinique ont pu la recevoir et maintenant nous avons un traitement pour qu’elle aille mieux. Nous avons beaucoup de chance que la clinique mobile vienne jusqu’à nous, car nous sommes bien soignés et les médicaments sont gratuits. Nous n’avons rien dans les mains, nous n’avons donc pas d’autres options pour accéder aux soins de santé. L’hôpital est trop loin, nous ne pouvons même pas payer le transport pour nous y rendre.

Il y a quelques semaines, j’étais très inquiète, car l’un de mes enfants souffrait beaucoup. Nous sommes allés à la clinique et j’ai appris que c’était la rougeole. J’ai cru qu’il allait mourir. Mais MSF s’est bien occupée de lui et il n’a pas été nécessaire de l’envoyer à l’hôpital. Il a été guéri ici. C’est pourquoi je me dis que tant que MSF restera dans le camp, je n’aurai pas à m’inquiéter pour la santé de mes enfants.

Je suis arrivée ici le 20 juin de l’année dernière et maintenant je ne sais plus quoi faire. Si je retourne au Soudan, il y a encore la guerre, mais si je vais au Soudan du Sud, ce n’est pas bon non plus. J’espère vraiment la paix au Soudan, parce que la situation y était meilleure. Les enfants peuvent aller à l’école et je peux trouver un emploi. Ici, il n’y a rien à faire, seulement attendre. Je n’ai aucune nouvelle de mon mari depuis notre arrivée, je suis donc seule.

Mary Okoth Yomon, 44 ans.

Mon bébé a deux ans et demi et elle est malade depuis plus d’un an. Elle a la tuberculose, mais depuis que nous avons quitté notre maison à cause de la guerre, elle n’a plus de traitement. Maintenant, elle ne mange pas bien et elle a été admise dans le service de malnutrition de cet hôpital. Je pense que son état s’améliore, mais elle est encore très faible. J’ai eu sept enfants, mais trois sont déjà morts. J’espère que ce ne sera pas le cas pour elle. Tous les autres endroits que j’ai essayés auparavant n’ont pas réussi à la guérir. Je suis donc venue spécialement dans cet hôpital parce que j’ai entendu dire que MSFy était. Quand ma fille ira mieux, je veux retourner au camp de Khor et m’occuper de mes autres enfants.

Mary Okoth Yomon, 44 ans, est venue à l’hôpital civil de Renk parce que son fils, Johmson Joseph, souffre de malnutrition. Elle a eu sept enfants, mais trois sont déjà morts.

Nyataba Gatluak, 30 ans.

Je suis venue ici pour la première fois, parce que l’un de mes enfants était malade. Nous avons été envoyés par le centre de transit. Son état s’est amélioré, mais un autre se sent mal. Je viens d’apprendre qu’il avait le paludisme. Cette maladie m’inquiète beaucoup. Je ne sais pas quoi faire. Nous n’avons pas de moustiquaire, nos conditions de vie sont vraiment mauvaises, alors cela pourrait se reproduire. Je ne sais pas combien de temps cela va durer. Je n’avais pas prévu de rester ici à Renk. Je veux aller plus au sud, vers Malakal.

Nyataba Gatluak, 30 ans, est venue à l’hôpital civil de Renk, car un de ses enfants se sentait mal. Mais depuis son arrivée, un deuxième enfant est tombé malade. Ils sont tous les deux atteints de paludisme.

Personne réfugiée anonyme du Soudan

J’ai fui la guerre au Soudan. Lorsque je suis arrivée à la frontière à Joda, les médecins ont décidé que mon bébé devait être transféré ici, à l’hôpital de Renk, parce qu’il est dénutri. Mon mari est au chômage et nous n’avons ni argent ni nourriture. Nos enfants tombent malades encore et encore, et nous ne pouvons rien faire.

Une réfugiée du Soudan tient son enfant dans ses bras, alors qu’elle reçoit un traitement contre la malnutrition sous la tente de MSF à l’hôpital civil de Renk.

Chirah Casah, 24 ans.

J’ai essayé quatre hôpitaux différents depuis que j’ai quitté Khartoum, mais c’est le premier endroit où je peux trouver de l’aide pour mes problèmes de santé. Je souffre de troubles de la thyroïde et lorsque je n’ai pas mes médicaments, j’ai de la température, j’ai des vertiges, j’ai des problèmes hormonaux, je dors mal et je perds du poids. Mais je n’avais pas le choix : avec ma famille, nous avons dû fuir l’enfer de cette guerre. Nous sommes partis avec notre mère, mon frère et ma sœur, mais nous avons perdu le contact avec mon père et mes deux autres frères. J’espère qu’ils sont encore en vie.

C’est très difficile ici. À Khartoum, nous avions une vie confortable et une belle maison. Le trajet pour venir ici n’était pas sûr du tout et maintenant, il n’est pas facile de s’adapter à ce camp. Depuis notre arrivée, il y a toujours quelqu’un de malade dans la famille, nous venons tous les deux jours à la clinique de MSF pour obtenir de l’aide. Nous n’avons pas assez de nourriture et pas assez d’eau. Vous mourrez de faim si vous ne sortez pas et ne faites pas tout ce que vous pouvez pour travailler et gagner un peu d’argent.

J’étudiais la protection des animaux à l’université et je voulais travailler et fonder une famille. Aujourd’hui, j’ai perdu le contact avec tous mes amis et je ne sais pas ce que sera mon avenir. Je ne sais pas ce que sera mon avenir. J’aimerais que tout aille bien, mais franchement, je ne sais pas. J’ai l’impression que toute ma famille est en train de s’effondrer. Je suis la seule à garder la foi.

Chirah Casah, réfugiée du Soudan, est âgée de 24 ans. En raison de la guerre, elle a fui Khartoum avec sa mère, son frère et sa sœur, mais elle a perdu le contact avec son père et ses deux autres frères qui sont restés au pays. Ils vivent dans le centre de transit en attendant que le reste de leur famille les rejoigne. Elle souffre d’un trouble de la thyroïde et ne peut plus recevoir son traitement depuis qu’elle est partie.

Achol Akiri, 40 ans.

Je suis à Renk avec mes petits-enfants, parce que ma fille est morte en décembre en donnant naissance à son dernier bébé. Depuis, je m’occupe d’eux et j’essaie de les emmener à Juba, puis, si je le peux, en Ouganda ou au Kenya. Là-bas, les personnes réfugiées sont en meilleure situation qu’ici et mes petits-enfants pourront recevoir une éducation. Ici, il n’y a rien de bon pour eux. Mais ce n’est pas facile. La petite a quatre mois et elle est malade. Comme elle n’a pas le lait de sa mère, il est difficile de lui donner à manger et l’eau du camp est mauvaise. Elle a toujours la diarrhée. Si MSF n’était pas là, je serais déjà partie, mais maintenant j’attends que ma petite-fille soit soignée. J’espère qu’elle sera bientôt guérie. J’ai entendu dire que les médecins de MSF sont bons, alors je garde espoir.

Achol Akiri, 40 ans, est venue à la clinique mobile de MSF dans le centre de transit, car sa petite-fille était malade.

Une famille de cinq personnes

Nous sommes une famille de cinq personnes, nous sommes arrivés hier de Sennar, au Soudan. Nous sommes partis à cause de la mauvaise situation due à la guerre. Depuis qu’elle a éclaté en avril 2023, nous avons essayé d’obtenir de l’argent, mais cela a pris beaucoup de temps. Nous avons vu des choses terribles ces derniers mois. Les combats et les bombardements étaient proches de nous. Nous avons réussi à survivre au jour le jour. Maintenant, nous voulons aller à Juba. Nous avons de la famille là-bas. Mais tout le voyage dépend des organisations, car nous n’avons plus d’argent. Nous n’avons emporté que nos biens essentiels et nous avons laissé tout le reste derrière nous. Nous craignons de tomber malades, parce que nous vivons dans de mauvaises conditions et que nous n’avons pas assez de nourriture pour notre famille. L’avenir est effrayant, nous savons que la situation n’est pas bonne.

Aliza Kon, 36 ans.

Nous avons quitté le Soudan du Sud à cause des combats tribaux, puis nous sommes restés à Khartoum pendant quatre ans parce que nous pouvions y trouver du travail. Au Soudan du Sud, il y a trop de discrimination, donc si vous n’appartenez pas au bon [groupe] ethnique, vous ne pourrez pas travailler. Mais à un moment donné, nous avons eu trop peur de la guerre au Soudan, il y avait des soldats partout. Nous avons dû partir.

Aujourd’hui, toute la famille est fatiguée et malade. Une petite fille a des vers dans l’estomac, un des garçons a une maladie de peau, la grand-mère a une tension artérielle basse et moi, j’ai des problèmes de dents. Nous n’avons pas de nourriture et nous ne pouvons pas obtenir d’aide à cause de la situation. Seul Dieu sait ce qui nous attend. Tout ce qui compte maintenant, c’est que nous n’entendions plus les bombardements, nous nous sentons plus en sécurité, mais il n’est pas facile de courir d’un endroit à l’autre.

Nous voulons que nos enfants aillent à l’école. Nous n’avons pas eu cette chance, mais cela peut tout changer. Nous l’espérons vraiment. Malheureusement, nous n’avons pas d’argent et nous savons que l’argent fait toute la différence. Nous ne pourrons pas emmener les enfants en Ouganda et leur offrir une vie meilleure. Nous savons qu’il n’y a pas d’issue, que tout va mal. Nous perdons espoir.

Aliza Kon, 36 ans (en bleu), est assise avec sa famille sur le sol au poste-frontière de Joda, entre le Soudan du Sud et le Soudan, en attente d’un transfert vers le centre de transit de Renk.

Mohamad, 23 ans.

Nous avons décidé de quitter le Soudan avec ma famille parce que la situation devenait de plus en plus mauvaise, nous ne pouvions plus rester. Nous sommes venus au Soudan du Sud parce que c’est le pays le plus proche, donc c’était plus facile pour nous. Mais nous ne connaissons personne ici. Nous savons que nous devons aller à Renk dans le centre de transit, mais si la vie n’est pas bonne là-bas, nous déménagerons. Nous avons encore de la famille à Madani et je m’inquiète pour elle, car les combats sont rendus à cet endroit. J’espère qu’ils vont bien. Je m’inquiète aussi pour mes parents, car ils ont tous les deux un traitement pour le diabète et je ne sais pas si les médicaments sont disponibles là où nous allons. Mais j’essaie de rester optimiste. Nous essaierons de trouver du travail et d’amasser un peu d’argent. Mon rêve serait d’aller au Kenya ou même au Canada. Je pense que c’est un beau pays dans lequel je pourrais avoir une meilleure vie.

Mohamad, réfugié du Soudan âgé de 23 ans, vient d’arriver avec sa famille au poste-frontière de Joda, entre le Soudan du Sud et le Soudan.

William Jokite, 19 ans.

Je travaillais à Khartoum lorsque la guerre a éclaté en avril 2023. L’entrepôt où je me trouvais a été bombardé et 15 personnes sur 20 ont été tuées dans l’attaque. Nous sommes restés enfermés à l’intérieur en attendant que les choses se calment, ce qui n’a pas été le cas. Nous avons donc décidé de sortir, en rampant sur le sol. L’un de mes collègues a essayé de se lever et de s’enfuir, mais nous avons vu qu’il a reçu une balle dans le cou, et il est mort sur le coup. C’était vraiment effrayant. Au bout d’un moment, nous avons réussi à trouver une voiture car je savais conduire, ce qui nous a permis de nous échapper. Lorsqu’elle est tombée en panne d’essence, nous avons décidé de continuer à pied. Malheureusement, je m’étais blessé quelques jours auparavant avec un objet pointu en me baignant dans la rivière, et je n’étais donc pas en bonne forme. Mes amis ont décidé de me laisser derrière eux pour aller plus vite.

Maintenant, je suis tout seul. J’ai dû marcher trois jours et trois nuits sans arrêt, sans dormir. À cause de cette longue marche, l’état de mon pied a beaucoup empiré. Je ressens beaucoup de douleur et je vois que ça s’aggrave avec les saignements et les liquides. Toute la partie inférieure de ma jambe est enflée. Je suis inquiet, je ne sais pas comment cela va se passer à l’avenir. Mais je dois avancer pour retrouver ma famille à Maban. Parfois, quand je me réveille la nuit, je vois mes frères et sœurs jouer dans la cour. Je veux être à nouveau avec eux.

William Jokite, 19 ans, rapatrié du Soudan, est arrivé seul au poste-frontière de Joda, entre le Soudan du Sud et le Soudan. Il vient d’être soigné par MSF pour une blessure à la jambe gauche.

Mary Niogok, 40 ans.

Lorsque la guerre a éclaté, je me suis engagée à accompagner une tante éloignée au Soudan du Sud pour qu’elle soit en sécurité. J’ai laissé mes enfants derrière moi et je suis partie seule avec elle. Je pensais que le voyage ne serait pas trop long, mais depuis notre arrivée à Renk, en novembre dernier, son état se détériore. Elle est littéralement affamée. Elle n’était pas si maigre avant, mais maintenant on peut voir ses os et elle est allongée sur le sol, sans aucune énergie.

Si la pluie arrive, je ne sais pas ce que je ferai, elle sera couchée dans la boue, car nous n’avons rien pour protéger notre abri. C’est à cause des conditions de vie ici. Nous n’avons rien à manger. Je ne peux pas aller plus loin avec elle, mais je ne peux pas non plus revenir en arrière, car je dois m’occuper d’elle. Je suis coincée ici. J’attends qu’elle meure une nuit pour pouvoir retrouver mes enfants.

Mary Niogok accompagne une tante éloignée du Soudan au Soudan du Sud. Mais depuis leur arrivée au Centre Transic, la femme de 70 ans est vraiment malade et meurt lentement de faim.