Vue de la salle d’isolement pour les gens atteints de la rougeole à l’hôpital MSF du camp de personnes déplacées de Bentiu, dans l’État d’Unité. Soudan du Sud, 2023. © MSF
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La rougeole au Soudan du Sud : les personnes fuyant le conflit au Soudan sont confrontées à une nouvelle crise sanitaire

Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) enregistrent une augmentation inquiétante des cas de rougeole et de malnutrition dans les structures de l’organisation au Soudan du Sud, en particulier parmi les personnes rapatriées fuyant le conflit au Soudan et les communautés d’accueil. Les structures médicales de MSF dans les États du Haut-Nil, d’Unité, du Bahr El Ghazal du Nord et de Warrap reçoivent de nombreux individus, en particulier des enfants de moins de cinq ans, souffrant de rougeole et d’autres affections graves. Alors que de plus en plus de personnes rapatriées arrivent aux différentes frontières, MSF appelle les donateurs, les donatrices et les organisations humanitaires à améliorer d’urgence le système de surveillance et à intensifier la réponse depuis les points d’entrée jusqu’aux lieux de réinstallation. L’objectif est d’assurer des conditions dignes aux personnes déplacées et aux communautés d’accueil.

« Les mesures de lutte contre la rougeole et les mesures nutritionnelles doivent être renforcées immédiatement. Le dépistage et la vaccination de rattrapage aux points d’entrée doivent être étendus 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. De même, des équipes mobiles de vaccination doivent être déployées dans les lieux de transit, les sites d’accueil et au sein des communautés d’accueil pour assurer un dépistage continu et une vaccination de rattrapage pour les gens nouvellement arrivés qui n’ont pas été vaccinés à la frontière. La surveillance communautaire doit être renforcée pour empêcher la propagation de la rougeole », déclare Mohammad Ibrahim, directeur de MSF au Soudan du Sud.

Depuis l’éclatement du conflit, plus de 200 000 personnes sont arrivées et ont été enregistrées au Soudan du Sud au cours de la première semaine d’août. Plus de 90 % de ces individus sont des Soudanais qui arrivent épuisés et extrêmement vulnérabilisés. Ces personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, sont soit disséminées dans le pays et s’efforcent de s’intégrer dans les communautés, soit admises dans des centres de transit près de la frontière. Dans les deux cas, elles ont besoin de services essentiels tels que des soins de santé, un accès à l’eau potable et à des infrastructures sanitaires, des denrées alimentaires, des articles non alimentaires, une protection et des abris.

« Nous sommes dans une situation terrible. Il n’y a pas de nourriture. Nous vivons sous les arbres », explique Nyakiire Nen, dont la fille de deux ans est soignée pour la rougeole à l’hôpital MSF du camp de personnes déplacées de Bentiu, dans l’État d’Unité. « Nous avons besoin de trois choses pour survivre. La première, c’est la nourriture. La deuxième, ce sont des bâches en plastique pour avoir un abri. Et troisièmement, nous avons besoin de médicaments. »

Face à l’afflux alarmant de personnes atteintes de rougeole à Renk et à Bentiu, les équipes de MSF ont mis en place des salles d’isolement spécialisées. La capacité des structures de MSF a aussi été augmentée pour traiter davantage de gens à Aweil, Leer et Malakal. Dans le comté de Twic, MSF a soutenu la mise en place et l’équipement d’un centre d’isolement de 25 lits pour la rougeole à l’hôpital Mayen Abun. Les équipes ont également soutenu la formation des travailleurs et travailleuses de santé de première ligne sur la définition des cas, l’identification et la gestion de la rougeole dans huit centres de soins de santé primaires à travers le comté.

Dans l’État du Haut-Nil, Renk est le point d’entrée le plus fréquenté au Soudan du Sud pour les personnes fuyant le conflit. Beaucoup viennent de l’État du Nil Blanc, au Soudan, où, au cours du mois dernier, les équipes de MSF ont identifié plus de 1 300 cas suspects de rougeole. Depuis le 20 juin 2023, le service d’isolement mis en place par MSF à l’hôpital du comté de Renk a reçu 317 personnes, dont plus de 75 % sont des rapatriées. Les plus jeunes sont les plus touchés. Plus de 80 % sont des enfants de moins de quatre ans. Moins de 15 % d’entre eux ont été vaccinés contre la rougeole. Comme ces personnes rapatriées vivent ensemble dans des centres de transit encombrés et voyagent en grand nombre dans des camions ou des bateaux bondés, la propagation de la maladie est énorme. À Paloich, MSF a lancé, le 27 juillet 2023, une intervention d’urgence de trois semaines, en se concentrant sur les besoins sanitaires et nutritionnels de plus de 3 000 individus résidant dans le camp de personnes rapatriées.

« Mes enfants étaient en bonne santé lorsque nous étions à Khartoum. Mais en chemin, ils ont commencé à avoir la diarrhée et à s’affaiblir. Nous buvions l’eau de la rivière à Malakal, et sa couleur était presque rouge. Lorsque nous nous sommes déplacés en bateau de Malakal à Bentiu, les enfants ont commencé à présenter les symptômes de la rougeole », explique Martha Nyariek à propos de sa fille Nyageng Mawich, âgée d’un an, et de son fils Bol Mawich, âgé de trois ans. Ces enfants font partie des centaines de personnes soignées par les équipes médicales de MSF dans l’État d’Unité.

À Malakal, la situation humanitaire des gens rapatriés dans le camp de transit de Bulukat reste désastreuse et exacerbée par le manque de nourriture et de moyens de déplacement vers leur destination. Ils arrivent en grand nombre avec de nombreuses personnes malades, en particulier des enfants. Une augmentation constante des cas de malnutrition est enregistrée dans les structures de Médecins Sans Frontières. Les équipes de MSF ont mis en place une clinique mobile dans le camp de transit, tandis que l’hôpital MSF – la seule structure de soins de santé de niveau secondaire pour les enfants – fonctionne au-delà de sa capacité d’accueil. De même, l’hôpital MSF d’Aweil a enregistré une augmentation de 65 % des cas de malnutrition au cours des six premiers mois de 2023, par rapport à la même période l’année dernière.

« Si un enfant est mal nourri, il est plus facile d’être infecté par la rougeole et le risque de décès est plus élevé », explique Ran Jalkuol, un médecin de MSF. « La plupart des patients et des patientes sont des enfants non vaccinés. Pour éviter que la rougeole ne fasse d’autres victimes, il est urgent d’augmenter l’aide alimentaire. Il importe aussi de procéder à des vaccinations de rattrapage pour immuniser tout le monde, en particulier les enfants rapatriés âgés de six mois et plus. Ce sont ceux âgés de six mois à quatre ans qui demeurent les plus vulnérables à la maladie. »

Le Soudan du Sud est déjà sujet à des épidémies régulières de rougeole. En 2022, deux épidémies de rougeole y ont été déclarées par les autorités sanitaires, la dernière ayant touché tous les États et toutes les zones administratives. L’afflux de personnes rapatriées et l’augmentation des cas de rougeole parmi les gens déplacés et les communautés d’accueil constituent un fardeau supplémentaire pour un système de santé qui peine déjà à répondre aux besoins.