The MSF ambulance on deployment from Lubutu hospital to one of the health centres in the zone. MSF took over the running of Lubutu General Reference Hospital in Maniema Province, DRC in 2006. The aims were to reduce the extremely high mortality levels in this remote rural area and to share with the Ministry of Health and other interested parties MSF's experiences of how best to reduce mortality in DRC when in full control of a hospital. The hospital is due to be handed back to the Ministry of Health in December 2011 after 5 years of MSF management. MSF's main findings over this period are that high quality secondary health services must go hand in hand with accessibility. High quality care requires properly salaried and regularly trained staff, a reliable supply of drugs and consumables, and a well-ordered patient circuit that is known to and understood by all staff. But if the population cannot access the care, it serves little purpose. Hence a schedule of weekly free referral services from the surrounding health centres, a 24/7 ambulance service for emergencies, and a network of radio comms between the health centres and the hospital are all essential. And if patients are desperately poor, they will not pay for health care, so for those who cannot pay, the costs must be borne by the hospital, not by the patient. © Robin Meldrum
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Le contre-terrorisme « ajoute du sel sur la plaie » pour le travail de MSF en contexte de conflit

Vingt ans après le début de la « guerre mondiale contre le terrorisme » lancée dans le sillage du 11 septembre 2001, Médecins Sans Frontières (MSF) a publié aujourd’hui un rapport intitulé « Adding salt to the wound », (en anglais), qui souligne les conséquences des guerres antiterroristes sur ses travailleurs de première ligne. Les résultats de la recherche brossent un tableau sombre de la réalité des efforts déployés pour fournir des soins médicaux impartiaux à l’ère de la guerre antiterroriste.

 

« Le personnel de MSF en première ligne nous a raconté comment il est harcelé, intimidé, battu et accusé de soutenir les terroristes lorsqu’il fournit des soins de santé impartiaux », a déclaré Luz Saavedra, chercheuse principale pour le rapport au sein du département d’analyse de MSF.

Le rapport repose sur une recherche qualitative auprès de travailleurs de première ligne de MSF basés ou originaires d’Afghanistan, d’Irak et du Nigéria. Le rapport se concentre sur les éléments communs entre les trois pays. Le personnel de MSF a systématiquement décrit ces conflits antiterroristes comme étant des « guerres sales » où « personne n’est en sécurité ».

 

Un char d’assaut se dirige vers les lignes de front alors que les gens transportent leurs affaires en fuyant les combats du lundi 27 octobre 2008 près de Kibumba dans l’est du Congo. Les forces gouvernementales sont obligées de battre en retraite alors qu’elles sont repoussées plus près de Goma.Dominic Nahr/MAPS

 

L’un des principaux constats du rapport est que les politiques et pratiques antiterroristes engendrent des risques réels et personnels pour les médecins. Près de deux tiers des membres du personnel qui ont participé à des entretiens approfondis avaient directement subi ou été témoins de violences ou d’intimidations et avaient été accusés de soutenir des « terroristes » lorsqu’ils traitaient les patients en fonction de leurs seuls besoins. Les forces armées ont eu recours à la violence aux portes des établissements de santé, à l’intérieur des services hospitaliers et dans les ambulances sur la route pour tenter d’empêcher les travailleurs de première ligne de MSF de traiter les patients en fonction de leurs besoins médicaux et conformément à l’éthique médicale.

 

Une différence difficile à distinguer

 

Du point de vue des travailleurs de première ligne, il devient de plus en plus difficile de faire la distinction entre les tactiques des soi-disant terroristes et celles de ceux qui les combattent.

 

En Irak, la vieille ville de Mossoul a subi des pilonnages intenses, des bombardements aériens et des attaques aux engins explosifs improvisés pendant le conflit pour reprendre la ville au groupe État islamique en 2016/2017.
En Irak, la vieille ville de Mossoul a subi des pilonnages intenses, des bombardements aériens et des attaques aux engins explosifs improvisés pendant le conflit pour reprendre la ville au groupe État islamique en 2016/2017.Sacha Myers/MSF

 

Des communautés entières sont privées de soins, en partie ou en totalité. Les civils et les combattants sont souvent confondus dans ce qui est considéré par les forces armées comme un seul ennemi hostile. Les forces armées tentent de justifier la privation des civils de leur protection en vertu du droit international parce qu’ils sont des « terroristes » ou des « partisans des terroristes ». Une personne interrogée a déclaré : « Nous les avons vus bombarder la ville pleine de civils, des familles dans leurs maisons ». Les malades et les blessés sont souvent laissés à la souffrance ou à la mort car, comme l’a dit un autre membre du personnel de MSF, « nous ne pouvions pas les atteindre et ils ne pouvaient pas nous atteindre. »

 

Impartialité

 

Le principe humanitaire d’impartialité – traiter les patients en fonction des seuls besoins – a été identifié par les travailleurs de première ligne de MSF comme étant vital à maintenir et à défendre dans les environnements antiterroristes. Cependant, les participants à l’étude ont également souligné que le fait d’être véritablement impartial est constamment attaqué de manière très réelle et dangereuse. « Il est scandaleux que des États attendent des travailleurs de la santé qu’ils refusent de traiter des patients en fonction de considérations politiques ou militaires », a déclaré Luz Saavedra. « Nos équipes sont considérées par ceux qui mènent des guerres antiterroristes comme faisant partie de leur stratégie militaire; nous sommes acceptés lorsque nous sommes utiles, mais rejetés lorsque nous sommes considérés comme ne servant pas leur objectif militaire et politique. Nous ne pouvons pas accepter cela – cela nous empêche de traiter les patients et va à l’encontre de tout ce que représente le fait d’être humanitaire. »

 

Une ambulance MSF vue à l
Une ambulance MSF vue à l’extérieur de la porte de l’enceinte MSF à Dagahaley.Paul Odongo/MSF

 

Les participants à la recherche ont souligné comment la proximité perçue des acteurs humanitaires avec les États dans les guerres antiterroristes a généré une énorme suspicion de la part des groupes d’opposition armés qui ont souvent rejeté tout engagement avec MSF ou d’autres organisations humanitaires. Actuellement, MSF se retrouve trop souvent cantonné d’un côté d’une ligne de front avec une force antiterroriste qui veut prendre l’avantage et une opposition qui ne veut pas parler ou qui est hostile.

Ces résultats de recherche offrent un aperçu unique de la réalité du travail dans des environnements où on lutte contre le terrorisme. Les travailleurs de première ligne savent à quel point il est difficile d’opérer en zones de conflit; et ils disent que les lois et pratiques antiterroristes rendent la tâche encore plus difficile en ajoutant « du sel sur la plaie ». Mais le point de vue des travailleurs de première ligne est rarement pris en compte dans les discussions politiques sur la lutte antiterroriste.

« Malheureusement, les résultats de cette recherche ne sont pas une surprise », a déclaré Françoise Saulnier, directrice juridique internationale de MSF. « La guerre contre le terrorisme a érodé la protection de la mission médicale en donnant la priorité aux lois antiterroristes nationales plutôt qu’au droit international humanitaire. Cela laisse souvent nos équipes exposées aux interprétations des lois et du rôle des soins de santé par les États ».

 

Nous devons être en mesure de fournir un traitement en fonction des seuls besoins médicaux. Nous devons pouvoir parler à tous les groupes qui contrôlent l’accès et pourraient nuire à nos équipes. Nos établissements de santé doivent être protégées de tout type d’opérations militaires et sécuritaires.

 

Pour y parvenir, MSF appelle à nouveau à des exemptions humanitaires dans les environnements où on lutte contre le terrorisme. « Cela signifie que les organisations humanitaires impartiales ne doivent pas être visées par les régimes juridiques et les tactiques militaires qui sont venus définir la guerre contre le terrorisme », conclut Françoise Saulnier. « Rechercher ou fournir des soins de santé indispensables ne peut pas être puni au nom de la « lutte contre le terrorisme ». »

 

Méthodologie de recherche

 

Le projet de recherche dont les résultats sont présentés dans le rapport visait à comprendre les effets de la lutte antiterroriste sur la provision impartiale de soins de santé humanitaires en se fondant sur l’expérience de terrain du personnel MSF de première ligne en Afghanistan, en Irak et au Nigéria. Il s’appuie sur une analyse documentaire approfondie (de 110 documents externes et environ d’environ 150 documents internes de MSF) et des entretiens avec 44 informateurs clés (personnel MSF, personnel d’autres organisations non gouvernementales internationales et personnel de l’ONU, ainsi que des universitaires et des consultants). Des données qualitatives ont ensuite été recueillies dans le cadre d’entretiens approfondis menés en ligne et en personne avec 26 membres du personnel local de MSF dans trois pays. Ces 26 personnes ont toutes travaillé directement dans des environnements où elles ont été exposées à des opérations antiterroristes. Dans tous les cas, leur accord pour participer à la recherche était basé sur une stricte confidentialité en raison des risques associés à ce sujet. Les citations ou exemples inclus dans le rapport ne doivent être attribués à un projet MSF spécifique ni à l’un des trois pays d’étude sélectionnés.

Les critères de sélection des participants étaient les suivants : travailler en première ligne pour MSF dans l’un des trois pays retenus; occuper un poste susceptible d’être directement affecté par les mesures antiterroristes; et être prêt à participer au projet de recherche en exprimant librement son consentement éclairé. Les 26 entretiens approfondis (qui ont duré plus de 17 heures au total) ont été transcrits (224 pages de transcription) et codés par thématiques. Ces codes ont été analysés en comparant les résultats entre les trois pays, entre les réponses du personnel médical et non médical, et par rapport à l’analyse documentaire codée par thématiques et aux 44 entretiens avec les informateurs clés également codés par thématiques. Le protocole de recherche a été approuvé par un comité d’éthique rigoureux.