On 1 May 2023, just after completing trainings and entering Malta's search and rescue region, Geo Barents was alerted by the Alarm Phone about a boat in distress located in the international waters off Malta. The rescue operation was completed in four hours. 300 people, including 52 women and girls – three of them pregnant - and a total of 77 minors safely embarked on Geo Barents.
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Les pays du G7 doivent s’engager à préserver l’aide humanitaire

Déclaration du Dr Christos Christou, président international de MSF, à la veille du sommet du G7 

À la veille du sommet du G7 à Hiroshima, au Japon, le Dr Christos Christou, président international de Médecins Sans Frontières (MSF), demande instamment aux dirigeants et à la dirigeante des pays du G7 de s’engager à long terme à préserver l’aide humanitaire en dépit des conflits et des tensions très polarisés qui touchent tous les continents. 

Le nom d’Hiroshima incarne le prix que paient les personnes civiles lors des conflits. Bien que très peu d’événements puissent être comparés à une perte de vie aussi soudaine et massive, les personnes civiles continuent d’être les principales victimes des guerres et des conflits. Depuis la Seconde Guerre mondiale, un ensemble d’instruments juridiques, comme le droit international humanitaire (DIH), ont été élaborés pour protéger les gens dans les conflits. Pourtant, les gouvernements placent encore trop souvent d’autres considérations, telles que la lutte contre le terrorisme, la souveraineté, et les politiques migratoires, au-dessus de la protection des personnes en zone de conflit ou fuyant un conflit.  

Chaque jour, MSF est témoin de l’impact des guerres et des conflits sur la vie des gens : des blessures physiques et mentales à la malnutrition, en passant par la violence sexuelle et la destruction d’infrastructures médicales et de systèmes de santé entiers. Nous constatons qu’il n’est pas plus facile de survivre à une guerre en 2023 qu’il y a 50 ou même 70 ans. C’est entre autres ce qui ressort des premières heures du conflit au Soudan, lorsque la plupart des individus blessés que nos équipes médicales ont accueillis à El Fasher étaient des personnes civiles, parmi lesquelles de nombreux enfants. Les hôpitaux ont dû fermer en raison de leur proximité avec les combats ou parce que le personnel médical ne pouvait plus se rendre sur place en raison de la violence. Les capacités chirurgicales étant limitées et les fournitures s’épuisant, plus de 40 personnes ont succombé à leurs blessures en l’espace de trois jours. 

Alors que les violents conflits continuent de faire payer un lourd tribut aux personnes civiles, les protections du droit international humanitaire destinées à protéger les individus, les infrastructures et les travailleurs et travailleuses humanitaires sont de plus en plus souvent ignorées ou refusées. Au début de l’année, deux de mes collègues ont été tués lors d’une attaque effroyable contre notre équipe humanitaire au Burkina Faso. En 2021, nous avons perdu trois collègues dans le Tigré, en Éthiopie, dans des meurtres brutaux qui n’ont pas encore été entièrement expliqués. Apporter une assistance médicale et humanitaire aux communautés dans le besoin ne devrait jamais coûter la vie à quelqu’un. 

Obstruction et criminalisation de l’aide humanitaire 

Les équipes de MSF continuent de revendiquer l’espace nécessaire pour fournir des soins médicaux essentiels, là et quand les besoins sont les plus importants. C’est notre raison d’être. Pourtant, au cours des dix dernières années, les gouvernements, y compris ceux du G7, ont entravé toujours davantage une action humanitaire fondée sur des principes et visant à sauver des vies. 

En Méditerranée, des personnes fuient la violence, l’insécurité et les persécutions sur l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde. Nos navires de recherche et de sauvetage y ont été à maintes reprises arrêtés, condamnés à des amendes et incapables de débarquer les personnes rescapées dans des ports sûrs. Cette année, le nombre de personnes mortes en mer atteint de nouveaux records. Pourtant, la récente législation du gouvernement italien a créé une nouvelle série de contraintes bureaucratiques qui ont conduit au début de l’année à l’immobilisation de notre navire, le Geo Barents. 

Les gouvernements italien et européen doivent cesser de criminaliser la migration et l’aide humanitaire, et permettre aux organisations humanitaires comme MSF de poursuivre leur travail de sauvetage, ce que ces États devraient faire en premier lieu. 

Pendant ce temps, au Canada, les lois antiterroristes en vigueur depuis plus de 20 ans n’ont jamais totalement exempté l’action humanitaire. Aussi incroyable que cela puisse paraître, cela signifie qu’il existe un risque que le personnel humanitaire du Canada se retrouve du mauvais côté de la loi alors que ces gens soutiennent des personnes exposées à des crises. Alors que le Canada cherche à actualiser sa législation antiterroriste pour faciliter l’assistance internationale dans les endroits où ces lois s’appliquent, MSF demande au gouvernement canadien de respecter le droit international humanitaire et d’appliquer une exemption humanitaire complète dans ses lois antiterroristes. L’aide humanitaire ne doit jamais être entravée par des lois visant à criminaliser les délits liés au terrorisme. 

Il ne s’agit là que de deux exemples. Le nombre croissant de décès de personnes en déplacement, les murs physiques et administratifs érigés aux frontières, les conditions d’accueil ou de détention exécrables dans de nombreux endroits devraient être considérés par les pays du G7 comme un échec humanitaire commis sous leur surveillance, souvent à leurs propres frontières. 

Des actions humanitaires fondées sur des principes 

L’assistance humanitaire doit être apportée à ceux et celles qui en ont le plus besoin, quel que soit le côté de la ligne de front où ces personnes se trouvent. Cependant, ce principe humanitaire fondamental est de plus en plus remis en question par des cadres juridiques, des récits publics dangereux et des actions sur le terrain qui convergent pour criminaliser ceux et celles qui tentent de prêter assistance.  

Il existe des résolutions des Nations Unies (par exemple, la résolution 2286 du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée en 2016) qui renforcent le droit international humanitaire pour protéger l’action médicale et humanitaire, et d’autres sont en cours d’élaboration. Mais celles-ci n’ont aucune valeur si les récits et les actions politiques ou de lutte contre le terrorisme supplantent ces engagements. Les risques d’intimidation, d’atteinte à l’intégrité physique et d’emprisonnement des personnes qui tentent d’apporter des soins essentiels se poursuivront. Plus fondamentalement, cela peut éroder la confiance que les communautés doivent avoir dans les organisations humanitaires et, en fin de compte, réduire considérablement l’accès des personnes aux soins dont elles ont besoin.  

Malheureusement, MSF ne sait que trop bien ce qui se passe lorsque l’action humanitaire fondée sur des principes est remise en question. L’année dernière, cinq de nos collègues ont enduré des mois d’incarcération injustifiée dans la région du Cameroun touchée par un conflit, sur la base d’accusations infondées de complicité avec la sécession. Il a fallu plus d’un an pour qu’ils soient acquittés. À ce jour, MSF est empêchée de fournir une assistance humanitaire, car les autorités ont suspendu nos activités médicales, privant ainsi des milliers de personnes de soins médicaux essentiels. 

Solidarité humanitaire mondiale  

Dans leur communiqué précédant le sommet, les ministres des Affaires étrangères du G7 se sont engagés de manière claire et déterminée à soutenir « les populations vulnérables gravement touchées par des crises multiples », notamment en Afghanistan, en Haïti, en Ukraine et au-delà. Ces mots sonnent creux de la part des membres du G7 qui font encore trop souvent obstacle à l’action humanitaire essentielle à l’intérieur et à l’extérieur de leurs propres frontières. 

Afin de respecter leurs engagements humanitaires, MSF appelle les dirigeants et la dirigeante du G7 à protéger les personnes civiles, les travailleurs et les travailleuses humanitaires, notamment en promouvant et en protégeant l’action humanitaire fondée sur des principes. Cela doit également s’appliquer lorsqu’il s’agit de soutien militaire à des pays tiers. Si l’inimaginable tragédie d’Hiroshima nous rappelle quelque chose, c’est que les dirigeants et les dirigeantes du monde ne doivent jamais faire passer la politique avant l’humanité. Aujourd’hui comme hier, l’enjeu est trop important.