Doctors Without Borders offers medical services, mental health care, social work and also distributes kits with basic hygiene items and water on the outskirts of the Casa del Migrante Diocesis of Coatzacoalcos (Coatzacoalcos, Veracruz). Médicos Sin Fronteras ofrece servicios médicos, de atención en salud mental, trabajo social y además reparten kit con artículos básicos de higiene y agua a las afueras de la Casa del Migrante Diócesis de Coatzacoalcos (Coatzacoalcos, Veracruz). © Yesika Ocampo/MSF
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Mexique : La militarisation des frontières et les expulsions de masse augmentent les dangers pour les demandeurs d’asile et les migrants

Les engagements annoncés la semaine dernière entre les États-Unis, le Mexique, le Honduras et le Guatemala pour renforcer la militarisation des frontières criminaliseront davantage les personnes en déplacement et exposeront davantage les migrants au crime organisé et à la COVID-19, selon l’organisation médicale internationale Médecins Sans Frontières (MSF). MSF a été témoin de rafles répétées et de détentions arbitraires à la frontière sud du Mexique et voit également des demandeurs d’asile renvoyés au Mexique par les États-Unis en vertu de l’ordonnance du titre 42. Cette ordonnance a été utilisée à mauvais escient pour autoriser des expulsions massives, apparemment pour des raisons de santé publique liées à la pandémie de COVID-19, et bloque effectivement le droit de demander l’asile aux États-Unis.

 

« Une fois de plus, nous assistons à la construction de murs physiques, bureaucratiques et sécuritaires pour bloquer l’asile et arrêter la libre circulation des personnes fuyant la violence dans leur pays d’origine », a déclaré Antonino Caradonna, coordonnateur du projet MSF qui vient en aide aux migrants dans le pays. « La situation est évidente à la fois aux frontières nord et sud du Mexique. Alors que les États-Unis bloquent et expulsent immédiatement les nouveaux arrivants en masse, le Mexique les réprime et les détient en masse. »

 

MSF dénonce les rafles massives

 

Les équipes MSF à la frontière sud du Mexique ont dénoncé à plusieurs reprises les rafles massives et les arrestations arbitraires dans les zones à forte concentration de migrants et de demandeurs d’asile, y compris à proximité des postes de santé de l’organisation. Il y a eu plusieurs incidents à Coatzacoalcos, dans l’État méridional de Veracruz, une plaque tournante ferroviaire largement utilisée par les personnes en déplacement.

« En fait, la semaine dernière, des rafles ont été menées à Coatzacoalcos sur les voies ferrées, et une cinquantaine de migrants, y compris des familles avec des enfants, ont été arbitrairement arrêtés », raconte-t-il.« Ils dormaient près du refuge parce qu’on leur refuse un logement, prétendument à cause de la pandémie. » De nombreux refuges au Mexique ont fermé leurs portes ou réduit leur capacité en raison de la pandémie.

L’action policière près des abris ou des lieux où les migrants reçoivent une aide médicale et humanitaire « pousse les personnes en transit à se cacher davantage et à opter pour des itinéraires plus dangereux, ce qui les rend plus vulnérables au crime organisé et à l’extorsion », affirme-t-il. « Nous devons dénoncer le manque extrême de protection de ces personnes. »

 

Les migrants qui arrivent dans la ville de Coatzacoalcos dorment à l’extérieur de la Casa del Migrante du diocèse de Coatzacoalcos parce qu’on leur refuse un abri pour la nuit.Yesika Ocampo/MSF

 

Les témoignages recueillis par MSF dans la région corroborent l’augmentation des rafles et des arrestations à la frontière sud du Mexique, qui mettent en danger la santé physique et mentale des demandeurs d’asile et des migrants.

 

Manque d’abris ou de ressources

 

« Environ 400 personnes ont traversé les montagnes, mais lors de la rafle, seules 200 environ ont été interceptées. La moitié étaient des femmes et l’autre moitié étaient des hommes », a expliqué Levi, originaire du Honduras. « Maintenant, très peu de femmes viennent. Ce sont elles qui se font prendre, car [elles voyagent] avec des enfants, or ce sont elles qui courent le moins vite. Levi a également décrit le manque d’abris adéquats : « Nous sommes restés dans les montagnes et sur les routes parce que nous n’avons trouvé aucun abri ou maison pour les migrants. »

« Cela fait 20 jours que je suis entrée au Mexique », raconte Kimberly, une Hondurienne de 29 ans qui voyage avec son fils de 11 ans, ainsi que son frère et ses enfants. « Nous avons dormi dans les champs. Nous avons enduré la faim et des nuits blanches parce que nous n’avons pas d’argent. Au refuge de Coatzacoalcos, on nous a dit que c’était fermé. On nous a toutefois donné de la nourriture et du café, mais il n’était plus possible de dormir à l’intérieur. »

Avant de quitter son pays, Kimberly travaillait dans les champs, mais elle a tout perdu quand les récents ouragans ont frappé le Honduras. « J’ai peur de vivre dans la rue parce que tout peut nous arriver », dit-elle. « J’ai peur que mon fils me soit enlevé. Je ne dors plus. Je monte la garde pendant que mon fils dort. »

 

La fermeture des refuges, en plus de priver les migrants d’abris, de nourriture et d’un endroit pour se doucher, laver leurs vêtements et se reposer, ainsi que de la possibilité de contacter leurs proches, les laisse davantage exposés à la COVID. Les refuges leur offraient généralement de la nourriture, des moyens de contacter leurs proches et un espace où se laver et dormir.Yesika Ocampo/MSF

 

D’autres ont déclaré avoir reçu de l’aide de résidents locaux. « Il n’y a pas d’abris, seulement des gens bienveillants qui nous accueillent chez eux, sans aucun problème. Et c’est très apprécié, car ainsi, plus besoin de prendre le risque de dormir dans les montagnes », explique Roger, un Hondurien de 39 ans.

 

MSF fournit une assistance médicale

 

Le long de la frontière nord du Mexique, les équipes MSF assistent à l’augmentation des expulsions massives depuis les États-Unis de demandeurs d’asile et de migrants en vertu de l’ordonnance du titre 42. Ces personnes sont renvoyées au Mexique sans suivre la procédure normale, vers des villes inconnues et souvent dangereuses le long de la frontière nord. À Reynosa, Nuevo Laredo et Ciudad Juárez, les équipes MSF ont fourni une assistance médicale à des centaines de familles déportées, maintenant bloquées et en attente de protection.

« Nos équipes ont fait état du traitement inhumain que les migrants reçoivent dans les centres de détention aux États-Unis, de son impact sur leur santé et du stress aigu qu’ils éprouvent », déclare Geaninna Ramos, conseillère médicale MSF.« Ils sont expulsés vers des villes frontalières du Mexique, sans aucune information sur leur lieu de résidence et sur ce qu’ils vont faire ensuite. Il y a beaucoup de femmes qui portent des enfants dans leurs bras, qui n’ont pas mangé ni reçu un traitement digne pendant leur détention, et en l’absence totale de mesures de prévention contre la COVID-19. Nous avons soigné une fillette de 4 ans qui est arrivée à Ciudad Juárez en état de déshydratation, car elle n’avait même pas reçu d’eau dans les cellules [de détention] aux États-Unis. »

« Je suis entrée par le poste-frontière de Reynosa et on m’a renvoyée à Nuevo Laredo », raconte María, une Guatémaltèque de 33 ans qui voyage avec sa fille de 4 ans. « Je n’avais aucun moyen de communiquer avec qui que ce soit. »

Elle a été séparée de son mari et de son fils, qui sont ensemble dans un refuge à Monterrey. « Les agents d’immigration nous traitent mal », dit-elle. « Vous posez une question et ils vous crient dessus, ils vous poussent. Pour fouiller les mineurs, ils les ont tous alignés contre l’autobus, les mains levées et les ont poussés. J’ai pensé à mon fils. Je ne voulais pas penser que mon fils serait battu, car j’ai vu comment ils les poussaient pour les fouiller. Ils nous traitent mal. Nous fuyons et n’avons aucune intention de blesser qui que ce soit, mais je crois que ce n’est pas tout le monde qui comprend notre situation. »

 

Manque de protection et criminalisation accrue

 

Manque de protection des demandeurs d’asile et des migrants, manque d’assistance humanitaire adéquate, manque d’inclusion dans les efforts de prévention de la COVID-19, criminalisation des personnes forcées de fuir, vulnérabilité aux gangs criminels qui se livrent à des enlèvements, à l’extorsion et à la traite des personnes : il ne s’agit pas là de problèmes nouveaux.

« Nous avons vu ces politiques migratoires néfastes dans le passé », affirme Antonino Caradonna. « Nous savons qu’elles ne découragent pas les migrants; elles ne font que les pousser à se cacher et à emprunter des routes plus dangereuses, où ils peuvent être plus exposés au crime organisé, se tourner vers les trafiquants d’êtres humains et risquer leur vie. »

 

À la frontière sud du Mexique, ces derniers mois, le nombre de migrants d’Amérique centrale fuyant la violence et les ravages causés par les derniers ouragans qui ont frappé la région a augmenté.Yesika Ocampo/MSF

 

Comme l’a mentionné plus tôt ce mois-ci un porte-parole de l’administration américaine (en anglais), la présence de sécurité accrue dans la région vise à dissuader les migrations : « L’objectif est de rendre le voyage plus difficile et de rendre le franchissement des frontières plus difficile. »

« Nous devons être clairs et examiner ces politiques en profondeur », a déclaré Antonino Caradonna. « Rendre le voyage plus difficile pour les migrants signifie le rendre plus meurtrier. »

MSF appelle à nouveau les États-Unis, le Mexique et les autres gouvernements de la région à mettre fin à ces politiques migratoires répressives. Les demandeurs d’asile et les migrants doivent se voir garantir une protection et une assistance humanitaire adéquate conformément aux lois et normes nationales et internationales. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, des efforts doivent être faits pour protéger les migrants du virus en leur fournissant suffisamment d’abris et d’espaces sûrs.