Mozambique : « Pour pouvoir répondre rapidement… nous devons toujours être en état d’alerte »
« Je suis responsable de la distribution des articles de première nécessité dans diverses régions du Cabo Delgado. J’ai commencé à travailler pour Médecins Sans Frontières (MSF) dans ma ville natale, Mocímboa da Praia, mais j’ai été forcé de déménager dans le sud de la province lorsque la ville a subi pour la deuxième fois une lourde attaque, en 2020.
J’aime vraiment mon travail. Je suis très heureux quand je ressens la satisfaction d’aider les autres. »
Agy Agy est superviseur de la logistique à MSF dans le Cabo Delgado, au Mozambique. Dans le cadre de son travail, il prépare et organise la distribution des trousses d’articles de première nécessité dans un contexte mouvant, où la violence récente et les rumeurs d’attaques ont engendré le déplacement de plus de 80 000 personnes depuis le début de juin. C’est la plus grande vague de déplacements depuis le début de l’année dans cette province du nord du Mozambique, affligée par le conflit depuis 2017.
« Nous distribuons des trousses d’articles de première nécessité à de nombreuses personnes qui, effrayées, ont fui leur foyer. Pour pouvoir répondre rapidement et nous assurer que la distribution est bien faite, nous devons toujours être en état d’alerte. Quand nous entendons parler d’une nouvelle attaque, nous pensons immédiatement aux personnes que nous connaissons dans le secteur.
Nous appelons généralement les leaders communautaires dans les villages voisins, qui sont en mesure de nous dire où les gens se sont réfugiés. Nous prenons également le temps d’expliquer qui est MSF et quels sont nos principes, mais ce n’est pas un problème. L’acceptation de MSF est généralement très bonne ici. Nous travaillons dans le Cabo Delgado depuis un certain temps déjà. Les gens nous connaissent et ont confiance dans notre travail.
Une fois que nous comprenons l’ampleur de la situation, nous contactons le gouvernement de la localité pour obtenir une liste officielle des personnes qui ont été déplacées et qui devraient recevoir les trousses. Ensuite, l’équipe d’approvisionnement de MSF prépare les trousses et les charge dans des camions. Dans l’un de nos entrepôts, par exemple, nous conservons toujours 2 000 trousses prêtes à être distribuées en cas d’urgence.
Une fois arrivés à l’endroit où se trouvent les gens, nous distribuons des billets aux personnes récemment déplacées afin qu’elles puissent récupérer les trousses la veille de la distribution qui est basée, elle, sur la liste officielle. C’est crucial pour que tout se passe bien. Nous concevons un circuit avec un point d’entrée, un point de distribution des trousses et un point de sortie.
Une partie de mon rôle lors de la journée de distribution est également de me promener, de parler aux gens et de voir s’il y a des problèmes. C’est un peu comme de la médiation de conflit, disons. Parfois, les familles déplacées arrivent dans des zones où vivaient déjà des communautés, ce qui peut créer des tensions.
Les gens arrivent toujours mal en point. La plupart n’ont rien, même pas de quoi s’abriter. Nous distribuons des choses comme des bâches en plastique, des couvertures, des casseroles et des brosses à dents, par exemple. Ces articles peuvent être très utiles.
Pour moi, c’est très émouvant parce que j’ai vécu la même situation. Après la première attaque contre Mocímboa da Praia, en 2017, ma famille a décidé de rester, croyant que la situation n’était pas si alarmante. La nuit de l’attaque, en juin 2020, je dormais, seul à la maison, quand j’ai soudainement entendu beaucoup de coups de feu et des hommes crier. Ce jour-là, je suis resté caché pendant 24 heures et je n’ai bu que de l’eau. J’ai rapidement réussi à contacter des amis et nous sommes partis en marchant dans la forêt. J’ai parcouru 43 kilomètres à pied jusqu’à la ville d’Awasse, puis j’ai trouvé un transport jusqu’à Mueda, où je suis resté quelque temps.
Au fil du temps, les choses se sont calmées et j’ai réussi à entrer en contact avec ma famille. Aujourd’hui, tout va bien, mais je sais ce que c’est de vivre une telle situation. Donc, le fait d’aider d’autres personnes déplacées me rend très heureux. »