Un membre de l’équipe anime une séance de sensibilisation à la tuberculose à l’hôpital régional de Bangassou que soutient MSF dans la préfecture de Mbomou. RCA, 2023. © MSF
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MSF appelle J&J et Cepheid à diminuer les prix des tests et des traitements contre la tuberculose

Le 22 septembre, des dirigeants du monde entier se réuniront aux Nations Unies (ONU), à New York, pour la seconde rencontre de haut niveau sur la lutte contre la tuberculose (TB). L’objectif de cette rencontre est de ratifier des accords ambitieux visant à intensifier le dépistage, le traitement et la prévention de la tuberculose à l’aide des nouveaux tests diagnostiques et traitements apparus au cours de la dernière décennie.

Médecins Sans Frontières (MSF) appelle les laboratoires américains Cepheid et Johnson & Johnson (J&J) à s’engager publiquement, avant le sommet mondial du 22 septembre, à prendre des mesures pour améliorer l’accès aux tests GeneXpert et à la bédaquiline, un médicament essentiel contre la tuberculose. MSF demande à J&J de n’appliquer aucun brevet « secondaire » pour la bédaquiline dans les pays où la tuberculose est très répandue, et de retirer et d’abandonner toutes les demandes de brevets secondaires en cours pour ce médicament essentiel partout dans le monde. MSF demande également à Cepheid et à sa société mère Danaher de baisser le prix des tests GeneXpert TB à 5 dollars US.

MSF a récemment salué la baisse du prix de la bédaquiline à 130 dollars CAN pour un traitement de six mois grâce au partenariat « Stop TB – Global Drug Facility (GDF) », qui a permis l’entrée sur le marché de producteurs de génériques. Ce nouveau prix permet de s’approcher de l’objectif de 0,50 dollar CAN par jour de traitement avec la bédaquiline, tel qu’il avait été estimé en 2017. Toutefois, de nombreux pays à forte prévalence de TB, principalement en Asie centrale et en Europe de l’Est, sont exclus de cet accord et n’ont pas accès à ces génériques plus abordables en raison d’obstacles liés aux brevets secondaires détenus par Johnson & Johnson.

« Après un demi-siècle, nous disposons enfin de médicaments antituberculeux révolutionnaires comme la bédaquiline et de tests fiables comme le GeneXpert. Pourtant, dans les pays où la tuberculose est la plus répandue, des personnes continuent de mourir ou d’endurer des souffrances inutiles parce que des monopoles d’entreprise les empêchent d’avoir accès à ces produits qui sauvent des vies », a déclaré le Dr Christos Christou, président international de MSF. « Nous demandons à Johnson & Johnson, Cepheid et sa société mère Danaher de faire le nécessaire immédiatement et de s’engager à rendre la bédaquiline et le test GeneXpert disponibles et abordables partout dans le monde, afin d’aider les pays à lutter contre cette maladie mortelle et de sauver de nombreuses vies. »

La bédaquiline, médicament antituberculeux développé par Johnson & Johnson, est un pilier du protocole de traitement de la tuberculose recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Plus court, mieux toléré et plus efficace pour les personnes atteintes de tuberculose multirésistante, le traitement à base de bédaquiline représente une nette amélioration dans le traitement de la maladie. L’accès à des versions génériques continue pourtant d’être bloqué par les « brevets secondaires » obtenus par Johnson & Johnson dans de nombreux pays où la tuberculose est très répandue. Cette stratégie de prolongation des brevets employée par Johnson & Johnson pour perpétuer son monopole sur ce médicament au-delà de 20 ans est scandaleuse, d’autant plus que les fonds publics investis pour son développement ont été jusqu’à cinq fois supérieurs au montant de l’investissement en fonds propres de l’entreprise.

Après le blocage, par deux femmes, de la tentative de Johnson & Johnson de prolonger ses brevets sur la bédaquiline en Inde, MSF a demandé au laboratoire de retirer tous les brevets secondaires qu’elle détient, afin que tous les pays puissent importer des génériques de la bédaquiline fabriqués en Inde. Nandita Venkatesan et Phumeza Tisile ont toutes deux survécu à la tuberculose, mais elles n’ont pas pu accéder à la bédaquiline et ont dû prendre des médicaments plus anciens qui les ont rendues sourdes. Johnson & Johnson a récemment annoncé un accord avec le Stop TB Partnership/Global Drug Facility (GDF) permettant l’accès aux génériques dans de nombreux pays et a annoncé une baisse de prix pour arriver à 130 dollars CAN pour un traitement de 6 mois. Toutefois, l’accord exclut encore des pays clés où la prévalence de la tuberculose est élevée.

« Personne ne devrait avoir à endurer ce que nous avons vécu avec les anciens médicaments, alors qu’il existe aujourd’hui des options plus efficaces qui peuvent sauver plus de vies et rendre le traitement nettement plus supportable pour les personnes atteintes », a déclaré Phumeza Tisile, une militante de la lutte contre la tuberculose originaire de Khayelitsha, en Afrique du Sud. « À quoi servent les progrès de la médecine s’ils ne profitent pas aux personnes qui en ont le plus besoin? Il est temps que Johnson & Johnson et Cepheid fassent le nécessaire. »

La technologie des tests GeneXpert, développée par la société Cepheid, elle-même propriété de la société Danaher, a révolutionné le diagnostic de la tuberculose depuis son entrée sur le marché en 2010. Pourtant, les tarifs élevés pratiqués par Cepheid entravent le recours généralisé aux tests GeneXpert pour toutes les personnes qui en ont besoin, obligeant de nombreux intervenants à se rabattre sur des tests basés sur l’utilisation de microscopes, mis au point dans les années 1800, moins coûteux, mais aussi moins précis. Cepheid facture actuellement entre 10 et 15 dollars CAN par cartouche de test GeneXpert TB; MSF demande à Cepheid et sa société mère, Danaher, de baisser le prix unitaire de tous ses tests à 5 dollars US. L’analyse de MSF a en effet permis d’estimer que la fabrication d’une cartouche de test GeneXpert coûte moins de 5 dollars à Cepheid, alors que l’entreprise facture à MSF et aux pays à forte prévalence de TB et à revenus faibles ou intermédiaires le double, voire le triple de ce prix. Pour certaines maladies, comme les infections sexuellement transmissibles ou Ebola, le prix peut monter à 20 dollars par test*.

Malgré les progrès réalisés dans la lutte contre la tuberculose, cette maladie reste la première cause de mortalité de nature infectieuse, avec environ 10,6 millions de nouveaux cas et 1,6 million de décès en 2021. Cette année-là, on estime que seulement un tiers des personnes atteintes de tuberculose multirésistante avaient pu accéder à un traitement, les autres n’ayant pas été diagnostiquées et n’ayant donc pas été traitées.

« Malgré nos efforts constants pour fournir un traitement contre la tuberculose multirésistante, il est décourageant de faire face à autant de décès, qui surviennent particulièrement pour les personnes les plus vulnérabilisées comme les personnes vivant avec le VIH, celles touchées par les conflits ou encore les enfants », a déclaré la Dre Cathy Hewison, coordonnatrice du groupe d’experts et d’expertes de la tuberculose de MSF. « Alors qu’il est urgent de fournir un accès généralisé aux meilleurs traitements et tests diagnostiques, les prix élevés pratiqués par leurs fabricants limitent non seulement leur accès aux personnes qui en ont besoin, mais réduisent également les fonds disponibles dans les budgets de santé pour couvrir d’autres besoins cruciaux liés à la tuberculose. Cepheid et Danaher doivent cesser de privilégier leurs profits au détriment des personnes, et Johnson & Johnson doit renoncer à sa stratégie agressive en matière de brevets, afin que davantage de vies puissent être sauvées grâce aux progrès révolutionnaires dans les outils médicaux de lutte contre la tuberculose. »

* Cepheid facture environ 10 dollars pour les tests de dépistage de la tuberculose et 15 dollars pour les tests de dépistage de la tuberculose multirésistante; 15 dollars pour les tests de dépistage du VIH, de l’hépatite et du COVID; 16 à 19 dollars pour les tests de dépistage des maladies sexuellement transmissibles; et environ 20 dollars pour les tests de dépistage du virus Ebola.