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MSF appelle tous les gouvernements à soutenir la décision historique de l’OMC de suspendre les monopoles pendant la COVID-19

 

Toronto (Canada), le 19 novembre 2020 – Avant le début des pourparlers entre l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et les gouvernements du monde entier pour examiner une demande historique de dérogation à certains droits de propriété intellectuelle pendant la pandémie de COVID-19 — une proposition présentée par l’Inde et l’Afrique du Sud en octobre —, Médecins Sans Frontières (MSF) appelle tous les gouvernements à soutenir cette mesure importante. La dérogation aux droits de propriété intellectuelle permettrait à tous les pays de décider de ne pas accorder ni faire respecter les brevets et propriétés intellectuelles liés aux médicaments, vaccins, tests diagnostiques et autres technologies de lutte contre la COVID-19 pendant la durée de la pandémie, et ce, jusqu’à ce que l’immunité globale soit atteinte. Cette mesure nous rappelle l’épidémie de VIH/sida il y a 20 ans, lorsque des antirétroviraux génériques abordables, fabriqués dans des pays où les brevets n’en bloquaient pas la production, ont commencé à sauver des millions de vies.

« Même une pandémie mondiale n’arrive pas à faire dévier les sociétés pharmaceutiques de leur approche habituelle; les pays doivent donc utiliser tous les outils disponibles pour s’assurer que les produits médicaux pour lutter contre la COVID-19 sont abordables et accessibles à tous ceux qui en ont besoin », a déclaré le Dr Sidney Wong, co-directeur général de la Campagne d’accès de MSF. « Tous les outils et toutes les technologies de santé contre la COVID-19 devraient être de véritables biens publics mondiaux, libres des barrières imposées par les brevets et autres propriétés intellectuelles. Nous appelons tous les gouvernements à apporter de toute urgence leur soutien à cette proposition révolutionnaire qui fait passer les vies humaines avant les bénéfices des entreprises à ce moment critique pour la santé mondiale. »

Depuis le début de la pandémie, les sociétés pharmaceutiques ont maintenu leur pratique habituelle de contrôle rigide des droits de propriété intellectuelle, tout en poursuivant des accords commerciaux secrets et monopolistiques qui empêchent de nombreux pays en développement d’en bénéficier. Par exemple, Gilead a conclu un accord de licence bilatérale restrictif pour l’un des seuls médicaments à avoir montré un avantage potentiel pour traiter la COVID-19, le remdesivir, privant près de la moitié de la population mondiale de bénéficier de la concurrence générique capable d’en faire baisser le prix.  

De plus, plusieurs médicaments nouveaux et existants et anticorps monoclonaux actuellement à l’essai comme traitements prometteurs de la COVID-19 sont déjà brevetés dans de nombreux pays en développement tels que le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Indonésie, la Chine et la Malaisie. Aucun des développeurs de vaccins contre la COVID-19, sauf un, ne s’est engagé à traiter la propriété intellectuelle différemment du statu quo. Alors que certaines entreprises ont pris des mesures par le biais d’accords de licence et de transfert de technologie pour utiliser la capacité de fabrication mondiale existante afin d’atténuer les pénuries d’approvisionnement anticipées de vaccins potentiellement efficaces, cela a été l’exception, et les accords de licence sont souvent assortis de limitations claires.

Historiquement, des mesures ont été prises pour surmonter les monopoles qui ont permis aux sociétés pharmaceutiques de maintenir des prix artificiellement élevés. En 2001, au plus fort de l’épidémie de VIH/sida, la « Déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique » a affirmé le droit des gouvernements de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les brevets et autres obstacles de propriété intellectuelle, mettant les gouvernements aux commandes afin qu’ils puissent donner la priorité à la santé publique plutôt qu’aux intérêts des entreprises. Cette demande de dérogation à l’OMC est une étape similaire pour accélérer la réponse à la COVID-19.

« Cette décision audacieuse des gouvernements offre au monde une chance d’éviter de répéter la tragédie de l’épidémie de VIH/sida il y a 20 ans, lorsque les monopoles sur les traitements vitaux ont vu les habitants des pays à revenu élevé avoir accès aux antirétroviraux alors qu’on a laissé mourir des millions de personnes dans les pays en développement », a déclaré le Dr Khosi Mavuso, représentant médical de MSF en Afrique du Sud. « La dérogation aux monopoles sur les outils médicaux contre la COVID-19 permettra une collaboration mondiale pour intensifier la fabrication, l’approvisionnement et l’accès pour tous. Avec plus de 1,3 million de vies déjà perdues à cause de la COVID-19, les gouvernements ne peuvent plus se permettre de perdre du temps à attendre des actions volontaires de la part de l’industrie pharmaceutique. »

Lors de la dernière réunion de l’OMC du Conseil des ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) les 15 et 16 octobre, le Kenya et l’Eswatini se sont joints à l’Inde et à l’Afrique du Sud pour coparrainer officiellement la demande de dérogation. Au total, 99 pays ont favorablement accueilli la demande et ont accordé leur soutien. Mais la proposition de dérogation n’a pas été appuyée par plusieurs pays riches, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, le Brésil, l’Australie, la Norvège, la Suisse et l’Union européenne.