In recent months, Panama has reported an increase in migrants arriving from Colombia through the Darien forest. Between January and May, around 13,000 migrants have arrived in Panama. Most of the migrants come from Haiti and Cuba, and are joined by people from various French-speaking African countries, Pakistanis and Yemenis. © Marcos Tamariz/MSF
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MSF dénonce la détérioration des conditions d’accueil pour les migrants et les migrantes arrivant au Panama

MSF réitère ses appels pour des routes sûres entre la Colombie et le Panama. Elle demande également des soins médicaux urgents pour les victimes de violences sexuelles, et ce, au premier point d’arrivée.

 

Les conditions d’accueil déjà déplorables des migrants et des migrantes qui arrivent dans la province du Darién, au Panama, se détériorent, a déclaré aujourd’hui Médecins Sans Frontières (MSF). MSF fournit des soins médicaux et psychologiques au centre d’accueil des migrants et migrantes de San Vicente. Elle a constaté d’énormes lacunes en matière de protection, de soins médicaux et de services d’urgence de base pour les quelque 300 personnes qui arrivent au centre chaque jour.

« Les conditions d’accueil des migrants et des migrantes sont inadéquates », explique Rabia Ben Ali, coordonnatrice de MSF au Panama. « Chaque jour, des centaines de personnes arrivent à Canaán Membrillo, au Panama – le premier village qu’elles atteignent après avoir traversé la dangereuse jungle du Darién –, mais elles n’y reçoivent pas de soins médicaux. Elles font ensuite trois heures de bateau jusqu’à San Vicente où les services ne sont pas suffisants et répondent à peine aux normes internationales. »

 

Besoin de soins médicaux

L’année dernière, quand les personnes migrantes arrivaient dans la ville de Bajo Chiquito, où MSF et le ministère de la Santé fournissaient des soins médicaux, elles étaient transférées vers les centres d’accueil pour migrants et migrantes de Lajas Blancas et San Vicente. Aujourd’hui, la région de Canaán Membrillo est devenue la porte d’entrée du Panama pour la plupart de ces personnes, mais il n’y a pas de soins disponibles pour les victimes de violences sexuelles ni pour les patients et les patientes souffrant de graves problèmes médicaux. Lorsque les gens arrivent au centre d’accueil pour migrants et migrantes de San Vicente, leur état de santé s’est souvent aggravé et il est souvent trop tard pour que les victimes de violences sexuelles reçoivent certains traitements préventifs, tels que la prophylaxie pour prévenir les infections comme le VIH, ou la contraception d’urgence pour prévenir les grossesses. Ces deux traitements doivent en effet être administrés dans les 72 heures suivant un viol.

 

 

 

Au cours des dernières semaines, le nombre de personnes n’ayant pas reçu de soins dans les 72 heures suivant un événement de violences sexuelles a augmenté. Selon MSF, les autorités panaméennes doivent de toute urgence mettre en place des mécanismes efficaces à Canaán Membrillo pour identifier les victimes de violences sexuelles et prévenir les attaques le long de la dangereuse route entre la Colombie et le Panama.

 

 

« Les conditions des installations de San Vicente doivent également être améliorées », dit Rabia Ben Ali. « Les refuges ne sont généralement pas disponibles, et les enfants tout comme les femmes enceintes dorment à même le sol. Les conditions sanitaires sont mauvaises. » Ces conditions affectent à la fois la santé physique et mentale des migrants et des migrantes.

 

Plusieurs personnes parmi les migrants et les migrantes qui arrivent à Bajo Chiquito souffrent de blessures aux pieds, conséquence des nombreux jours de marche dans la forêt tropicale.
Plusieurs personnes parmi les migrants et les migrantes qui arrivent à Bajo Chiquito souffrent de blessures aux pieds, conséquence des nombreux jours de marche dans la forêt tropicale.MSF/Sara de la Rubia

Abandonné·e·s dans la jungle

 

John a quitté l’Afrique du Sud avec sa famille. Il a commencé son voyage vers le nord à Necoclí, en Colombie, avec un groupe de personnes de différentes nationalités. Un « guide » leur a exigé 1 000 $ US pour leur faire traverser la jungle jusqu’à la frontière du Panama. Là, leur groupe a été accueilli par d’autres guides armés qui leur ont fait poursuivre leur voyage à travers la jungle du Darién jusqu’à un camp où tous leurs biens ont été volés. « Ils nous ont laissé·e·s sans vêtements, sans nourriture, sans argent. Ils ont pris nos téléphones portables, tout. Ils nous ont laissé·e·s comme des animaux à la merci de la jungle. »

 

 

« Lors de ce voyage, de nombreuses familles ont été séparées. J’ai perdu mes filles. Nous souffrions physiquement, moralement et spirituellement. Nous n’avions rien d’autre que nos blessures. Je pleurais depuis des jours. Je ne savais pas où elles étaient. L’état de santé des gens qui sortent de la montagne est terrible. Nous avons tous et toutes besoin de soins médicaux. »

En avril, les équipes MSF ont traité en moyenne 78 personnes par jour, principalement pour des affections cutanées et des douleurs musculaires. Environ 20 % des cas étaient liés à des diarrhées, des infections respiratoires et des maladies digestives.

 

L’intervention de MSF face à la situation

 

L’équipe de santé mentale de MSF traite en moyenne six personnes par jour. Ces personnes souffrent de stress aigu, de dépression, d’anxiété ou de chagrin en raison de la mort, au cours du voyage, d’un ou d’une membre de leur famille, entre autres par noyade. Ces conditions ont été principalement déclenchées par des expériences qui se sont produites en traversant la dangereuse région du Darién, où MSF a documenté des violences sexuelles, des vols et des accidents tragiques résultant du terrain périlleux.

Gabriela, une Vénézuélienne de 40 ans, nous a raconté son périple avant d’atteindre San Vicente. « N’osez pas traverser ici, et si vous le faites, sachez que vous risquez de vous faire violer, enlever et voler. Vous risquez la mort. Si vous avez des enfants, ne le faites pas parce que vous exposez vos enfants à la mort. Nous avons été volé·e·s. Certaines personnes ont été déshabillées, et nous avons été forcé·e·s de les regarder. Ils ont pris tout notre argent. Ils nous ont dit que nous ne serions pas violé·e·s si nous respections les ordres qu’ils nous donnaient. Il n’y a pas de pitié, aucune considération. Là-bas, la vie ne vaut rien, pas même celle des enfants. »

Bien que le nombre de migrantes et de migrants qui traversent le Darién ait diminué en janvier et février, il a augmenté en mars et avril, tout comme les vols et les cas de violences sexuelles. En 2022, entre le mois de janvier et la première semaine de mai, MSF a traité 89 cas de violences sexuelles survenues lors de la traversée de la jungle du Darién. D’avril à décembre 2021, 328 cas avaient été traités.

Pour cette raison, MSF réitère son appel pour une route sécuritaire, l’offre de soins d’urgence à Canáan Membrillo et une amélioration des conditions d’accueil au centre San Vicente pour les migrants et les migrantes qui traversent la jungle du Darién.