Pasteur Thierry Kasiala goes with his family to a vaccination center in the zone of Mfumu Nkento. He's accompanied by his wife Henriette, his daughter Sidonie (4yrs) and his baby son Emery (9m) and the community worker Bertin. Thierry is a pasteur in the christian church 'Assemblée de Kinshasa'. He has also created an ngo which is helping people who are suffering from malnutrition and HIV/Aids. His church is very popular and has over 3000 members. © Dieter Telemans
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MSF : Le fractionnement des doses de vaccin contre la fièvre jaune peut aider à sauver plus de vies lors d’épidémies

 

L’administration d’une dose partielle du vaccin contre la fièvre jaune est efficace et pourrait permettre de vacciner des millions de personnes supplémentaires en situation d’urgence, selon les résultats récents d’un essai mené par Epicentre, le centre de recherche épidémiologique de Médecins Sans Frontières (MSF), publiés dans la revue scientifique The Lancet (en anglais). Ces résultats d’essais cliniques, qui ont révélé que l’administration d’un cinquième de la dose de vaccin standard contre la fièvre jaune à une personne est efficace et sans danger, permettra aux gouvernements et aux organisations internationales d’éviter plus facilement que les gens ne tombent malades de la fièvre jaune pendant les flambées lorsqu’il y a pénurie de vaccins.

« Lors d’une épidémie de fièvre jaune de grande ampleur, les États et les organisations comme MSF ont besoin d’avoir accès à des vaccins sans délai, a expliqué Myriam Henkens, coordonnatrice médicale internationale de MSF. « La vaccination est la mesure la plus efficace pour prévenir la maladie. Cette étude signifie que les prestataires de soins peuvent désormais être assurés que l’administration de doses plus faibles de l’un des vaccins contre la fièvre jaune préqualifiés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) protégera la personne devant eux, tout en contribuant à assurer la sécurité d’un plus grand nombre de personnes.

L’essai clinique, randomisé et en double aveugle, a été mené par Epicentre en collaboration avec l’Institut de recherche médicale du Kenya, l’Institut Pasteur de Dakar et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à Mbarara, en Ouganda, et à Kilifi, au Kenya, entre le 6 novembre 2017 et le 21 février 2018. Au cours de cette période, les chercheurs ont administré soit un cinquième de la dose, soit une dose standard de vaccin contre la fièvre jaune à 960 adultes âgés de 18 à 59 ans. Les personnes ayant reçu un cinquième de la dose ont présenté une réponse immunologique non inférieure à celle induite par la dose standard. Il s’agit d’une étape importante vers une future politique mise à jour sur les doses fractionnées. Grâce à ces résultats, la politique de l’OMS sur les doses fractionnées de vaccins contre la fièvre jaune en cas de pénurie lors d’une épidémie peut être étendue à tous les vaccins préqualifiés.

Cet essai clinique représente la première évaluation dans le cadre d’une même étude des quatre vaccins homologués par l’OMS contre la fièvre jaune. Ces vaccins sont dérivés de plusieurs souches du virus : 17DD (Bio-Manguinhos/Fiocruz, Brésil), 17D-213 (Institut de la poliomyélite et des encéphalites virales, Entreprise unitaire fédérale de l’État de Chumakov, Russie), 17D-204 (Institut Pasteur de Dakar, Sénégal) et 17D-204 (Sanofi Pasteur, France).

« Cette recherche est importante, car elle montre qu’il est possible de mener des essais sur différents produits, appartenant à différents fabricants, de manière indépendante », a ajouté Rebecca Grais, directrice de la recherche à Epicentre. « C’est la preuve que des chercheurs de différents pays peuvent mener ensemble des recherches indépendantes et objectives qui généreront des produits et des recommandations répondant aux besoins des populations et garantissant l’efficacité et l’innocuité des médicaments et des vaccins. »

La fièvre jaune est une fièvre hémorragique virale aiguë transmise par certains moustiques, qui cause 30 000 décès par an (en anglais), principalement en Afrique subsaharienne. La maladie est cependant en progression en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Même si elle ne provoque que peu ou pas de symptômes chez de nombreuses personnes, un petit pourcentage de personnes infectées développent des formes sévères de la maladie, chez qui elle entraîne des hémorragies internes et de graves lésions du foie et des reins. Environ la moitié des personnes qui atteignent ce stade de la fièvre jaune meurent en quelques jours.

Il n’existe pas de traitement contre la fièvre jaune, donc la prévention est extrêmement importante. Une dose de vaccin permet de protéger une personne à vie. Malheureusement, comme il faut environ 12 mois pour produire ce vaccin et qu’il est difficile d’estimer les quantités nécessaires chaque année, des pénuries sont fréquentes. Cela signifie que la capacité de production ne répond pas aux besoins mondiaux pendant les épidémies, ce qui laisse les gens sans protection et empêche les prestataires de soins comme MSF et les gouvernements de protéger les populations.

La fièvre jaune est endémique dans 34 pays d’Afrique. Depuis 2000, les équipes MSF ont répondu à des épidémies en Angola, en République démocratique du Congo (RDC) — notamment en 2015-2016, lors de l’épidémie la plus importante de RDC en 30 ans —, en Guinée, au Soudan, en Sierra Leone, en République centrafricaine et au Tchad, entre autres. L’épidémie de fièvre jaune de 2016 en Angola et en RDC a mis en lumière les enjeux entourant l’approvisionnement en vaccins, alors que la vaccination de routine contre la maladie a été suspendue dans plusieurs pays africains pour mettre à disposition une quantité suffisante de vaccins en Angola et en RDC aux prises avec des épidémies. Dans des régions comme celles-ci où les ressources sont typiquement faibles et l’accès aux soins de santé est limité pour les personnes qui sont atteintes de la maladie, les mesures préventives telles que la vaccination sont d’une importance capitale.

« Plus d’un milliard de personnes vivent actuellement dans des régions du monde où la fièvre jaune est courante », a précisé Isabelle Defourny, directrice des opérations de MSF. « Comme MSF a pu le constater sur le terrain partout dans le monde, cette maladie peut entraîner des épidémies de grande ampleur. C’est particulièrement vrai dans les grandes villes, où la fièvre jaune peut se propager rapidement, causant parfois des milliers de décès et des conséquences humanitaires désastreuses. À ce moment où le monde lutte contre de nombreuses autres menaces sanitaires, une étude comme celle-ci est encourageante, car elle permettra d’avoir des effets concrets en termes de vies sauvées. »