Un clinicien prélève des ARV pour un patient au dispensaire de Maram, dans le sous-comté de Ndhiwa, comté de Homa Bay. Kenya, 2021. © Njiiri Karago/MSF
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MSF refuse de signer l’accord de principe de dernière minute de ViiV pour l’accès au médicament de prévention du VIH le plus efficace, CAB-LA

La signature de clauses de confidentialité sur l’approvisionnement et la tarification bloque la transparence et la responsabilité.

Aujourd’hui, Médecins Sans Frontières (MSF) a demandé à ViiV Healthcare de retirer les conditions de négociation d’un accord d’achat qui freinent l’approvisionnement du médicament préventif contre le VIH cabotégravir à action prolongée (CAB-LA) pour les populations clés et vulnérables à la maladie*. MSF formule cette demande en raison de l’insertion par le groupe pharmaceutique, à la dernière minute, de conditions qui ne sont pas acceptables dans les accords d’achat de MSF. Il s’agit notamment de conditions qui compromettent la sécurité d’approvisionnement pour les patients et les patientes. ViiV conserve en effet le pouvoir de résilier le contrat ou de refuser le bon de commande sans motif valable, et d’une clause de confidentialité, assimilable à un accord de non-divulgation (NDA), sur le prix du médicament et les conditions d’approvisionnement.

CAB-LA est la forme la plus efficace de prévention du VIH (prophylaxie pré-exposition [PrEP]) disponible aujourd’hui. Elle implique une injection du médicament tous les deux mois, ce qui est plus durable et discret que les comprimés de PrEP pris quotidiennement par voie orale. Elle peut donc faciliter une meilleure adhésion et contribuer à inverser la tendance des nouvelles infections par le VIH à l’échelle mondiale. 

En mai 2022, un prix d’accès au médicament fixé par ViiV a été publié par une organisation de la société civile, et le nouveau prix d’accès ne devrait pas être significativement différent. Quoi qu’il en soit, ViiV continue de saper les bonnes pratiques établies en matière de transparence sur les prix des médicaments contre le VIH et les conditions d’approvisionnement dans ses négociations en cours avec les acheteurs, en tentant de rétablir des clauses de confidentialité autour du prix et des conditions d’approvisionnement du CAB-LA. De telles clauses dans les accords de passation de marchés pour les vaccins et les produits thérapeutiques COVID ont été fortement critiquées pendant la pandémie. Elles diminuent le droit à l’information, à la transparence et à la responsabilité dans les achats financés par le public. Elles entravent également la capacité des gouvernements et des acheteurs à négocier des prix plus bas avec les fabricants. La constitutionnalité de ces accords de non-divulgation dans les contrats d’achat des vaccins COVID a été contestée par une action en justice en Afrique du Sud. Aujourd’hui, la Haute Cour de Pretoria s’est prononcée en faveur de la transparence et a ordonné au gouvernement sud-africain de rendre publics tous les contrats d’achat des vaccins COVID-19 dans les 10 jours.

Depuis que MSF a commencé à lutter contre le VIH il y a plus de 20 ans, l’organisation s’est toujours abstenue de signer un accord de confidentialité ou un accord de non-divulgation qui empêcherait la divulgation, à nos donateurs, donatrices ou au public, des prix que nous payons pour les médicaments antirétroviraux (ARV). En fait, MSF s’est engagée à surveiller les barrières de brevets, les prix et la disponibilité des ARV par le biais de la série de rapports « Untangling the Web », en publiant de manière transparente les prix des ARV et en faisant pression pour l’adoption de politiques qui favorisent l’accès à des traitements abordables et de qualité.

MSF a demandé à ViiV de retirer immédiatement la clause de confidentialité sur les prix et de modifier les conditions qui nuisent à la disponibilité en temps voulu et à la sécurité de l’approvisionnement en CAB-LA. MSF attend avec impatience de commencer à offrir le CAB-LA aux populations clés et vulnérables à la maladie auprès de qui nous intervenons au Mozambique et au-delà. Cela sera possible dès que ViiV reviendra avec un accord qui garantit la transparence, assure la sécurité de l’approvisionnement et facilite l’accès en temps voulu à ce médicament essentiel.

« MSF essaie d’accéder à CAB-LA depuis janvier 2022 et est coincé dans une situation exaspérante. Il y a un médicament de prévention du VIH à portée de main qui permettrait de soigner des gens. Toutefois, ViiV, la seule société qui produit CAB-LA pour au moins les trois ou quatre prochaines années, met délibérément en place des formalités administratives pour en retarder l’accès pour les personnes auprès de qui nous intervenons », explique Dre Helen Bygrave, conseillère en maladies chroniques pour la Campagne d’accès de MSF. 

« Nous sommes prêts à commencer à offrir CAB-LA pour la prévention du VIH au Mozambique et dans d’autres pays, mais la signature d’un accord d’achat qui manque d’assurance d’approvisionnement et ne nous permet pas de divulguer les prix que nous payons est intenable. Cela perpétuerait un système qui continue à saper la transparence, à limiter l’activisme de la société civile pour la baisse des prix des médicaments et à restreindre l’approvisionnement des pays à revenu faible et moyen. Ces accords bandent essentiellement les yeux des gouvernements et des acheteurs lors des futures négociations de prix. 

ViiV doit cesser de gagner du temps, retirer immédiatement la clause de confidentialité et modifier les conditions restrictives liées à l’approvisionnement afin que nous puissions nous assurer que les personnes à qui nous prêtons assistance se voient offrir la prévention du VIH la plus efficace le plus rapidement possible. Alors que nous attendons avec impatience d’avoir accès à ce médicament, les personnes vulnérabilisées continuent d’être exposées au risque d’infection par le VIH. MSF reste ouvert à la recherche d’une solution immédiate et attend la réponse de ViiV », ajoute Dre Helen Bygrave.

* Comprend les travailleurs et travailleuses du sexe, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, les personnes consommant des drogues injectables, détenues, transsexuelles, leurs partenaires sexuels, ainsi que les personnes appartenant à la population en général, comme les femmes et les jeunes filles.