A woman attending OPD consultation in Banki IDP camp, located on the border with Cameroon. MSF implements an ad-hoc outreach project in Banki, to assist other INGOs in treating people in need. © Abdulkareem Yakubu/MSF
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Nigéria : La très longue saison de paludisme à Borno fait des morts

 

Le Nigéria enregistre l’un des taux de mortalité liée au paludisme parmi les plus importants au monde. Habituellement, le pic saisonnier du paludisme a lieu pendant la saison des pluies, du mois d’août à la mi-octobre, lorsque les moustiques se reproduisent, après quoi le nombre de patients commence à diminuer. Cette année, cependant, les équipes médicales de Médecins Sans Frontières (MSF) présentes dans l’État de Borno, dans le nord-est du pays, ont été témoins d’une flambée des cas de paludisme également lors de la saison sèche.

Au cours de la saison des pluies de cette année, les équipes de MSF ont mené ou soutenu quatre cycles de chimioprophylaxie préventive saisonnière contre la maladie, dans différents endroits de l’État de Borno, y compris dans les camps de personnes déplacées. Les équipes de MSF ont également soutenu le ministère de la Santé en effectuant une chimioprophylaxie saisonnière du paludisme dans le district de Gwange et dans des camps informels pour personnes déplacées à Maiduguri.

La campagne, destinée aux enfants âgés entre trois mois et cinq ans, a permis d’administrer plus de 350 000 doses au cours des trois premiers cycles, tandis que le ministère nigérian de la Santé avait prévu de protéger environ deux millions d’enfants au total. Le quatrième cycle de la campagne devait se dérouler pendant la saison des pluies à la mi-octobre, mais en raison du manque de fournitures médicales, il a été repoussé à la mi-novembre.

Malgré la campagne de prévention, un certain nombre de jeunes enfants sont morts à l’hôpital des suites de la maladie.

 

Augmentation de la réponse au paludisme

 

Devant le nombre élevé de personnes atteintes de paludisme et la pénurie d’antipaludéens, MSF a fourni au ministère de la Santé et à d’autres organisations 120 000 comprimés antipaludéens après que les restrictions relatives à la COVID-19 ont interrompu ou retardé l’importation d’antipaludéens au Nigéria.

Les équipes de MSF ont également distribué des moustiquaires dans l’État de Borno, y compris dans le camp de déplacés de Banki. À Banki, les équipes de MSF réalisent également des tests de dépistage rapide du paludisme et dispensent des traitements aux personnes dont le test est positif, en plus de mener des évaluations de malnutrition chez les enfants.

« Nous sommes une famille de huit personnes et nous n’avons que deux moustiquaires. Cela n’est pas suffisant », a déploré Bintu, un résident du camp de Banki, dont le fils Ali est mort du paludisme il y a quelques années, à l’âge de deux ans. « Tous mes [autres] enfants ont récemment reçu une chimioprophylaxie préventive du paludisme, et ils vont tous très bien. »

 

En octobre, près de la moitié de tous les cas de paludisme en 2020

 

Entre janvier et octobre 2020, près de 29 000 patients ont reçu un diagnostic positif de paludisme dans les structures de santé de MSF de l’État de Borno. Parmi ceux-ci, 12 000 patients ont été enregistrés en octobre seulement. Au cours de la même période, les équipes de MSF de Gwange ont traité environ 8 000 patients, tandis que celles de l’hôpital pédiatrique de Fori, qui traite principalement la malnutrition, ont traité 1 800 enfants souffrant à la fois de paludisme et de malnutrition. Les équipes de MSF de Ngala et Rann ont traité plus de 2 000 personnes contre le paludisme, tandis que les équipes de Pulka et Gwoza, près de 17 000 patients.

Une médecin MSF soigne un enfant à l’hôpital de Fori.MSF/Stefan Pejovic

 

Hussaini, 5 ans, est soigné contre le paludisme à l’hôpital de Gwange, pris en charge par sa grand-mère, Hajja. « Il souffre de cette maladie depuis environ un mois, en plus d’être atteint d’anémie falciforme », a raconté Hajja. « Sans MSF, je n’aurais pas pu payer son traitement. Hussaini a perdu ses parents et moi, je suis seule depuis la mort de mon mari. »

Hussaini est arrivé à l’hôpital juste à temps pour que son traitement fonctionne, mais de nombreux patients arrivent trop tard.

 

Accroître la sensibilisation dans la communauté

 

Les équipes MSF tiennent à diffuser le message parmi les communautés selon lequel les enfants doivent être transportés à l’hôpital dès qu’ils tombent malades du paludisme. « Les parents, les dirigeants communautaires et le public doivent amener les enfants malades à l’hôpital dès que l’un des symptômes du paludisme est détecté, car il est essentiel de traiter le paludisme à un stade précoce pour sauver des vies », a expliqué Jacob Maikere, coordonnateur médical de MSF.

Après avoir vu le nombre élevé de patients atteints de paludisme arrivant à l’hôpital de Gwange en provenance du quartier de Bolori, à la périphérie de Maiduguri, MSF a étendu ses activités à Bolori, ainsi qu’aux quartiers de Dusman, Musari, Zambarmari et Ahmed Ghemra. À Bolori, les équipes MSF ont testé les enfants pour le paludisme et ont traité tous ceux dont le test était positif. Au cours de la première quinzaine de novembre, ils ont soigné 323 enfants.

Bashir, deux ans, était l’un de ceux qui ont été soignés, après avoir été emmené par sa mère Hafsat pour voir l’équipe mobile de MSF. « Nous n’avons pu lui donner du paracétamol en sirop que lorsqu’il a commencé à avoir de la fièvre et le nez qui coule », a raconté Hafsat. « Mon mari, nos sept enfants et moi avons tous eu le paludisme le mois dernier. »

Le contexte instable et la pandémie de COVID-19 ont compliqué la mise en œuvre de la chimioprophylaxie saisonnière du paludisme dans l’État de Borno, mais elle a probablement sauvé la vie de nombreux enfants. Pour sauver encore plus de vies dans un pays qui compte plus de la moitié des cas de paludisme d’Afrique de l’Ouest, MSF préconise d’étendre la chimioprophylaxie saisonnière du paludisme à tous les enfants âgés entre trois mois et dix ans.

« Nous avons remarqué les effets positifs de la campagne », a affirmé le Dr Emmanuel Berbain, chef de l’équipe médicale MSF à l’hôpital de Gwange. « La plupart des enfants de moins de cinq ans n’ont pas été touchés par le paludisme pendant le pic saisonnier. Cependant, des enfants de plus de cinq ans sont décédés. Face à cette réalité, il faudrait que la campagne de prévention de l’année prochaine couvre les enfants jusqu’à l’âge de 10 ans. Cela nécessitera coordination, ressources et préparation, mais c’est possible. »

 

MSF au Nigéria

 

Médecins Sans Frontières (MSF) est une organisation internationale d’aide médicale et humanitaire qui fournit, en toute indépendance, des soins médicaux d’urgence aux personnes touchées par un conflit armé, une épidémie, une catastrophe naturelle ou causée par l’homme, ou qui sont privées d’accès aux soins de santé, dans plus de 60 pays. MSF travaille dans sept États du Nigéria : Borno, Jigawa, Zamfara, Sokoto, Benue, Ebonyi et Rivers. MSF œuvre au Nigéria depuis 1996 et à Borno depuis 2014. Dans l’État de Borno, nos équipes médicales fournissent des soins d’urgence, des chirurgies, des traitements contre la malnutrition, des services prénatals et de maternité, des vaccinations, ainsi que la prévention et le traitement du paludisme, entre autres maladies.