Mother and children, waiting at the ATFC in the village of Riko, Katsina State, Nigeria, June 2022. © George Osodi
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Nigéria : une crise nutritionnelle largement ignorée menace des dizaines de milliers d’enfants dans le nord-ouest du pays

La malnutrition s’intensifie dans le nord-ouest du Nigéria. Médecins Sans Frontières (MSF) alerte : la situation risque de devenir ingérable sans un renforcement rapide de l’aide humanitaire.

Depuis janvier et en partenariat avec les autorités sanitaires nigérianes, les équipes de MSF ont déjà pris en charge, dans cinq États du nord-ouest du pays, plus de 50 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë, dont 7 000 ont été hospitalisés. Cette crise nutritionnelle, largement ignorée, menace la vie de dizaines de milliers d’enfants.

« Nous nous préparons déjà à traiter jusqu’à 100 000 enfants malnutris cette année uniquement dans le cadre de notre programme nutritionnel dans l’État de Katsina, et nous avons étendu notre réponse dans les États de Kebbi, Sokoto, Zamfara et Kano », déclare Michel-Olivier Lacharité, responsable des opérations d’urgence de MSF. « Même si la période de soudure a déjà commencé, le pic de transmission du paludisme reste encore à venir, ce qui pourrait aggraver la crise nutritionnelle. »

« Malgré les appels que nous avons lancés ces derniers mois, nous n’avons pas encore vu la mobilisation nécessaire pour éviter une crise nutritionnelle dévastatrice », ajoute Michel-Olivier Lacharité. « Au-delà de la reconnaissance des besoins aigus de ces enfants, qui n’a que trop tardé, nous demandons à ce qu’il y ait des renforts et à ce que la mise en œuvre de secours médicaux devienne une priorité »

 

Des résultats alarmants

Dans l’État de Zamfara, les équipes MSF ont effectué, à la suite d’une alerte nutritionnelle en juin, un dépistage auprès de plus de 36 000 enfants de moins de cinq ans, à Gummi. Les résultats se sont révélés alarmants, puisque plus de la moitié des enfants dépistés souffraient de malnutrition. Près du quart était sévèrement malnutri et nécessitait des soins médicaux urgents. MSF, en coopération avec les autorités, a immédiatement déployé une réponse d’urgence dans la région. À Katsina, les équipes ont dû rapidement augmenter leur capacité d’hospitalisation, passant de 100 à près de 280 lits au cours des dernières semaines, mais face à l’afflux d’enfants malnutris, des critères d’admission restreints ont dû être introduits dans certains centres de traitement. À Kebbi, où MSF gère un centre d’hospitalisation et deux centres ambulatoires, environ 1 500 enfants malnutris ont été traités depuis mars.

 

Le retard et l’insuffisance de l’aide humanitaire actuelle dans le nord-ouest du Nigéria s’expliquent en partie par le fait que les Nations Unies ont exclu cette région de leur plan de réponse humanitaire national pour l’année en cours, ce dernier se concentrant principalement sur la situation critique dans le nord-est. En conséquence, de nombreuses organisations peinent à obtenir des fonds pour mettre en œuvre des activités humanitaires, et ce, malgré les besoins urgents et documentés.

« La situation critique des enfants souffrant de malnutrition dans le nord-ouest du Nigéria ne peut continuer à être ainsi ignorée », déclare Froukje Pelsma, cheffe de mission MSF au Nigéria. « Les bailleurs de fonds et les agences internationales, notamment l’UNICEF et le Programme alimentaire mondial, doivent accroître leur soutien aux établissements de santé afin de permettre aux communautés d’avoir accès à des traitements nutritionnels, en collaboration avec les autorités nigérianes qui doivent également apporter leur contribution. »

 

Une mère et son enfant admis pour malnutrition à l
Une mère et son enfant admis pour malnutrition à l’ITFC de Kofar Sauri, à Katsina City, dans l’État de Katsina, au Nigeria, en juin 2022.George Osodi

 

Le retard et l’insuffisance de l’aide humanitaire actuelle dans le nord-ouest du Nigéria s’expliquent en partie par le fait que les Nations Unies ont exclu cette région de leur plan de réponse humanitaire national pour l’année en cours, ce dernier se concentrant principalement sur la situation critique dans le nord-est. En conséquence, de nombreuses organisations peinent à obtenir des fonds pour mettre en œuvre des activités humanitaires, et ce, malgré les besoins urgents et documentés.

 

Un soutien immédiat est nécessaire

 

Dans cette région marquée par une insécurité alimentaire chronique, l’escalade de la violence a entraîné davantage de personnes dans l’extrême précarité, près de 500 000 d’entre elles ayant dû fuir leur foyer[1]. Ces dernières années, des groupes criminels, appelés localement « bandits », ont intensifié les attaques, les meurtres, les enlèvements, les pillages et les violences sexuelles. Dans un contexte sanitaire déjà fragile, de nombreuses familles ne peuvent plus cultiver, le bétail est volé, les marchés et le commerce sont perturbés tandis qu’à l’échelle nationale, les prix des denrées alimentaires continuent d’augmenter et restent supérieurs à la moyenne des cinq dernières années sur la plupart des marchés nigérians[2]

Présente dans la lutte contre la malnutrition à Zamfara depuis 2015, MSF a mis en œuvre des réponses nutritionnelles supplémentaires dans les États de Katsina, Kebbi, Sokoto, Zamfara et Kano en 2021 et 2022. Aujourd’hui, MSF gère 25 services ambulatoires et huit unités d’hospitalisation pour la malnutrition dans ces cinq États. En 2021, les équipes de MSF ont traité près de 31 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère. Récemment, MSF a également tiré la sonnette d’alarme sur la situation à Maiduguri, dans l’État de Borno, où notre centre de malnutrition hospitalier reçoit un nombre élevé de patients et de patientes. Entre janvier et juin, 2 199 enfants s’y sont présentés, soit une augmentation de 50 % par rapport à la même période l’an dernier.


[1] IOM Displacement Tracking Matrix, December 2021 [en anglais]

[2] Famine Early Warning System Network (Fews Net) – Nigeria: Key message update, May 2022  [en anglais]