Charline Vincent, nurse, is examining a man in MSF's mobile clinic. People who live rough on the streets are particularly vulnerable to coronavirus. To ensure continued access to healthcare for them, MSF’s mobile clinic provides treatment (primary healthcare) in Paris and its suburbs. On March 31st, the mobile clinic was deployed at Porte de la Villette, near a food distribution site. A week before, a camp near Aubervilliers was evacuated and around 700 people were dispatched to various emergency shelters in the area. MSF teams are also working in some of these shelters to assess vulnerable people's health and identify suspected Covid-19 cases. © Agnes Varraine-Leca/MSF
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« Nous ne pouvons pas les laisser tomber » : La COVID-19 affectera davantage les plus vulnérables

Alors que la pandémie de COVID-19 continue sa progression, son impact sera davantage ressenti dans les endroits où les systèmes de santé sont faibles ou déjà affligés par un conflit, une crise, la pauvreté ou la négligence, notamment dans de nombreux endroits où Médecins Sans Frontières (MSF) fournit des soins médicaux humanitaires urgemment nécessaires.

Dans l’article ci-dessous, l’analyste de MSF Jonathan Whittall examine la menace qui pèse sur les personnes déjà privées d’accès aux soins essentiels et ce qui peut être fait pour les aider.

Lire la suite dans le numéro du printemps 2020 de Dépêches, le magazine de MSF Canada

Par Jonathan Whittall

 

Comment peut-on se laver les mains régulièrement quand on n’a pas d’eau courante ni de savon? Comment peut-on pratiquer la « distanciation sociale » quand on vit dans un bidonville ou un camp de réfugiés? Comment peut-on arrêter de franchir les frontières quand on fuit la guerre? Comment ceux qui ont des problèmes de santé préexistants peuvent-ils prendre des précautions supplémentaires s’ils sont déjà incapables d’accéder aux traitements dont ils ont besoin?

La pandémie de COVID-19 touche tout le monde, mais certains ressentiront son impact plus que d’autres.

 

La COVID-19 continue de se propager, exposant sur son passage les inégalités qui existent dans nos systèmes de santé. Elle met en évidence l’exclusion de certains groupes de l’accès aux soins, soit en raison de leur statut juridique, soit en raison d’autres facteurs qui en font une cible de l’État. Elle met en évidence le sous-investissement dans les soins de santé publique gratuits pour tous, ce qui signifie que l’accès à des soins de qualité sera pour certains basé sur le pouvoir d’achat et non sur les besoins médicaux. Elle met en évidence l’échec des gouvernements –  pas seulement des services de santé –  à planifier et à fournir des services qui répondent aux besoins de chacun. Elle expose les vulnérabilités potentiellement mortelles causées par les déplacements, la violence, la pauvreté et la guerre.

 

« Dans cette pandémie, les personnes qui souffriront le plus sont celles qui sont déjà négligées – parce qu’elles vivent sous mesures d’austérité, parce qu’elles ont fui la guerre, parce qu’elles n’arrivent pas à se faire traiter pour des conditions existantes en contexte de privatisation des soins de santé.  »

 

L’impact sur ceux déjà privés d’accès aux soins de santé

Dans cette pandémie, les personnes qui souffriront le plus sont celles qui sont déjà négligées – parce qu’elles vivent sous mesures d’austérité, parce qu’elles ont fui la guerre, parce qu’elles n’arrivent pas à se faire traiter pour des conditions existantes en contexte de privatisation des soins de santé. Et ce sera également celles qui ne peuvent stocker de nourriture puisqu’elles arrivent déjà difficilement à manger à leur faim, celles qui sont sous-payées, surchargées de travail et privées de congés de maladie, celles qui sont incapables de travailler à domicile, et celles qui sont prises au piège dans une zone de conflit assiégée et bombardée.

 

Et comment peut-on traiter les patients si l’on ne dispose pas de tout le matériel dont on a besoin? De nombreux systèmes de santé se préparant à l’impact de la COVID-19 ont déjà été malmenés par la guerre, une mauvaise gestion politique, le manque de ressources, la corruption, l’austérité et les sanctions.  Ils en sont déjà à leur point de rupture, à peine capables de gérer une charge normale de patients.

La COVID-19 illustre bien comment chacun de nous ressentira désormais les décisions politiques d’exclusion sociale, l’accès réduit aux soins de santé gratuits et l’inégalité accrue. Ces politiques sont l’ennemi de notre santé collective.

 

Alors que MSF intensifie sa réponse à la pandémie de COVID-19, nous nous concentrerons sur les plus vulnérables et les plus négligés. Nous avons commencé à travailler à Hong Kong au début de cette année après l’apparition des premiers cas de COVID-19, et nous avons déployé des équipes médicales au cœur de la pandémie en Italie. Autant que possible, nous continuerons à élargir notre intervention parallèlement à l’aggravation de cette crise.

 

« Cette pandémie vient mettre en lumière notre vulnérabilité collective.  »

 

Prendre des mesures pour protéger les plus vulnérables

 

Cependant, il y a des décisions qui peuvent être prises maintenant pour atténuer la catastrophe imminente à laquelle de nombreuses communautés pourraient bientôt faire face. Les camps surpeuplés dans les îles grecques doivent être évacués. Cela ne signifie pas de renvoyer les gens en Syrie où la guerre fait toujours rage. Cela signifie de trouver un moyen d’intégrer les gens dans des communautés où ils pourront se protéger, en pratiquant par exemple la distanciation sociale et l’auto-isolement.

De plus, les fournitures médicales doivent être partagées au-delà des frontières en fonction des besoins les plus importants. Cela doit commencer avec les États européens, qui doivent partager leurs stocks avec l’Italie. Ce partage devra bientôt s’étendre à d’autres régions qui seront touchées par cette pandémie et dont la capacité à affronter la situation est déjà compromise.

 

 

MSF devra également composer avec le manque de personnel dans nos autres projets d’urgence. Notre intervention médicale contre la rougeole en République démocratique du Congo doit se poursuivre. Il en va de même pour notre réponse aux besoins urgents des communautés touchées par la guerre au Cameroun et en République centrafricaine. Ce ne sont là que quelques-unes des communautés que nous ne pouvons pas laisser tomber. Pour elles, la COVID-19 n’est qu’une menace supplémentaire à leur survie.

Cette pandémie vient mettre en lumière notre vulnérabilité collective. Le sentiment généralisé d’impuissance, les fissures dans notre sentiment de sécurité, les doutes sur notre avenir –  ce sont toutes les mêmes peurs et préoccupations ressenties par tant de personnes dans la société quand elles se retrouvent exclues, négligées ou même ciblées par ceux qui occupent des postes de pouvoir.

J’espère que la COVID19 aura servi non seulement à nous apprendre à nous laver les mains, mais aussi à faire comprendre aux gouvernements que les soins de santé doivent être accessibles à tous.

Jonathan Whittall est directeur du département d’analyse au centre opérationnel de Médecins Sans Frontières (MSF) à Bruxelles.

 

En savoir plus à propos de l’impact de la COVID-19 sur le travail médical humanitaire de MSF

Lire la suite dans le numéro du printemps 2020 de Dépêches, le magazine de MSF Canada