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Onnie, le labrador qui aide les personnes victimes de violences extrêmes et de torture

 

Alicia de la Rosa est psychologue spécialisée en zoothérapie. Au Centre d’action intégrale dans la ville de Mexico, elle travaille avec son collègue Onnie, un labrador de 4 ans, pour offrir du soutien en santé mentale à des personnes qui ont été victimes de torture et de violences extrêmes. L’organisation internationale d’aide médicale et humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF) gère cette clinique depuis 2017. Composée de médecins, psychologues, psychiatres, physiothérapeutes et spécialistes en travail social, l’équipe de MSF fournit des soins complets, et souvent de longue durée, à des Mexicains et des Mexicaines qui ont subi des violences extrêmes, ainsi qu’à des personnes migrantes qui ont vécu des expériences horribles le long de la route migratoire ou dans leur pays d’origine. 

Onnie a été entraîné pour fournir une assistance thérapeutique aux enfants, aux adolescents et adolescentes, aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap. Le soutien que prodiguent Onnie et Alicia est une des composantes des soins psychosociaux offerts au Centre d’action intégrale.

« Certaines personnes qui ont vécu des situations traumatisantes de violences extrêmes ou de torture ont du mal à exprimer leurs émotions et à faire de nouveau confiance aux autres et à leur environnement », explique Alicia. « Travailler avec Onnie leur donne l’occasion de faire tomber les barrières, de s’ouvrir aux thérapeutes et de se sentir en confiance pour parler des situations difficiles qu’elles ont vécues. Les personnes traitées ici ont été victimes d’enlèvements, de torture, de prostitution forcée, de menaces, de mutilations, de violences sexuelles, de recrutement forcé par des groupes de crime organisé, ou ont même été témoins du meurtre d’un ou d’une membre de leur famille. »

Les chiens d’assistance thérapeutique sont dressés dès leur plus jeune âge. Onnie a commencé son entraînement quand il était bébé, en étant exposé à différents stimuli sonores, à des textures, à des environnements, à des personnes et à des objets. Quand il a eu un an, il a amorcé son entraînement pour devenir un chien d’assistance thérapeutique. Cet entraînement est aussi accompagné d’un cours d’obéissance de base pour lui apprendre, par exemple, à s’asseoir, à se coucher, à tourner, à donner la patte, à sauter et à se positionner pour permettre aux personnes ayant des difficultés motrices de le brosser ou de le caresser.

La zoopsychothérapie aide les gens à exprimer leurs émotions. « Certains individus souffrant d’un traumatisme complexe ne peuvent pas dire qu’ils sont tristes aujourd’hui, mais ils peuvent dire : aujourd’hui, Onnie a l’air triste », explique Alicia. « Cela permet aux psychothérapeutes de connaître leur humeur. Les patients et les patientes transfèrent aussi la confiance ressentie pour le chien vers le ou la thérapeute. Ils et elles se disent : “Si Onnie veut être avec Alicia, alors cela signifie que je peux lui faire confiance”. »

Onnie travaille avec de nombreux patients et patientes du Centre, notamment avec des enfants, de jeunes adultes et des familles qui ont fui leur pays d’origine. Ces personnes présentent des symptômes ou des troubles aigus de santé mentale comme le trouble de stress post-traumatique, des flash-back ou de l’anxiété en lien avec des événements traumatisants et des violences extrêmes qu’elles ont vécus aux mains de gangs, de groupes criminels et autres.

« À l’heure actuelle, Onnie accompagne deux personnes, pour les amener à parler de leurs expériences traumatisantes », dit Alicia. « Cela les aide à redéfinir leurs expériences et à apprendre à nommer leurs émotions et leurs sentiments. » L’un de ces patients est un jeune homme qui a tendance à réprimer ses souvenirs douloureux et à se replier sur lui-même. Quand il se remémore des expériences traumatisantes, il est incapable de parler ou de réfléchir. C’est alors qu’Onnie entre en action. « Ensemble, ils font différents exercices et activités, après quoi il se sent plus détendu, en confiance et capable de parler de ce qui déclenche ces souvenirs traumatisants », explique-t-elle.

Une autre patiente a du mal à faire la distinction entre ses pensées et la réalité. Elle a été hospitalisée à plusieurs reprises pour automutilation. « Nous travaillons avec elle pour essayer de lui faire anticiper le moment où ses symptômes d’anxiété et ses pensées récurrentes surgissent », dit Alicia. « Onnie était à ses côtés lors d’une de ses crises. Il a commencé à s’appuyer sur ses genoux avec ses pattes et à la lécher pour qu’elle soit consciente de son corps dans cet instant présent. Aujourd’hui, ses symptômes se sont beaucoup atténués, et elle a même connu trois semaines sans crise. »

Au début du traitement, les équipes médicales et psychologiques travaillent avec la personne pour établir des objectifs thérapeutiques. Une fois ces objectifs atteints, le travail d’Onnie est terminé. « Dès le départ, on mentionne que les visites avec Onnie se dérouleront uniquement pendant une période déterminée; cela permet aux patients et aux patientes de se préparer au moment où la zoothérapie prendra fin », dit-elle. « Comme il se crée un lien d’affection avec les chiens, il est important de conclure ce lien d’une manière positive. »

Onnie et Alicia font partie de l’équipe de soins complets de MSF depuis deux ans. « L’équipe est très heureuse », dit Alicia. « Nous avons réussi, avec toutes les personnes qui participent au traitement, à aider nos patients et patientes à se rétablir. Voir une amélioration dans la qualité de vie de ces personnes qui ont tant souffert et qui arrivent ici si traumatisées, c’est quelque chose qui nous apporte une grande satisfaction. »