Ministry of Health nurse conducts health education on cough hygiene and the importance of drug adherence for a TB patient in Turtkul, a rural rayon in Karakalpakstan. © MSF/Pariyza Djiemuratova
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Ouzbékistan : Le confinement précipite l’adoption du traitement par liaison vidéo des patients tuberculeux

 

Kundyz, 19 ans, vit au Karakalpakstan dans le nord-ouest de l’Ouzbékistan, et est sous traitement contre la tuberculose multirésistante depuis plus de huit mois. Elle a d’abord été traitée à l’hôpital, puis elle a commencé à prendre ses médicaments à domicile en compagnie d’une infirmière, une méthode connue sous le nom de « traitement sous observation directe », ou TOD. La prise de plusieurs médicaments, dont beaucoup ont des effets secondaires désagréables, est extrêmement difficile pour les patients, c’est pourquoi un soutien est essentiel pour les aider à s’en tenir à ce traitement pendant toute sa longue durée.

Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé l’Ouzbékistan en mars de l’année dernière, le gouvernement a imposé un confinement strict. Du coup, recevoir le traitement sous observation directe chez soi, ou dans une zone désignée d’un centre de santé local, n’était plus aussi simple.

Avec les restrictions de voyage en place, le manque d’options de transport et certains établissements de santé ayant fermé leurs portes, de nombreux patients ont eu de la difficulté à accéder à un endroit désigné pour le TOD dans un centre de santé, ou n’étaient pas disposés à s’y rendre de peur d’attraper le virus. En même temps, les travailleurs de la santé avaient de la difficulté à rendre visite aux patients à domicile.

 

L’innovation au service de la pandémie

 

Mais l’équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) chargée de soigner de Kundyz avait déjà une solution en tête. Avec une si grande partie du monde du travail adoptant les appels vidéo, le passage au « traitement sous observation directe par vidéo », ou TOD-V, était une étape logique et rapide à déployer.

Cette initiative était planifiée depuis un certain temps par MSF et le ministère de la Santé, mais avec le début de la pandémie, ils ont décidé d’accélérer sa mise en place. L’objectif était de garantir que les patients puissent poursuivre leur traitement antituberculeux sans interruption pendant toute la durée de la pandémie tout en restant en sécurité chez eux.

 

Kundyz, 19 ans, une patiente atteinte de tuberculose multirésistante vivant au Karakalpakstan dans le nord-ouest de l’Ouzbékistan, prend ses médicaments antituberculeux quotidiens par « traitement sous observation directe par vidéo », ou TOD-V.Makset Samambetov/MSF

 

Le personnel médical a été formé, puis les patients ont été sélectionnés de sorte à donner la priorité à ceux qui suivaient un traitement à domicile ou qui vivaient en régions éloignées. C’est ainsi que Kundyz a été choisie. Elle a reçu un téléphone intelligent, un forfait de données et une formation de la part de l’équipe MSF. Lorsqu’elle doit prendre ses comprimés au quotidien, une infirmière est là, par lien vidéo, pour lui apporter son soutien.

Pour Kundyz, ce nouveau système présente un avantage supplémentaire. Malgré des taux élevés de tuberculose pharmacorésistante au Karakalpakstan, la maladie s’accompagne d’une certaine stigmatisation. Chaque fois que l’infirmière venait chez elle pour l’observation, Kundyz s’inquiétait de ce que diraient ses voisins.

« C’était toujours difficile pour moi quand l’infirmière arrivait à la porte », dit Kundyz. « J’avais peur que mes voisins répandent des rumeurs à mon sujet. Quand on m’a proposé le traitement sous observation directe par vidéo, j’ai accepté avec joie. Je prends mes médicaments tôt le matin, puis je peux me mettre à mes tâches domestiques, sans me soucier des rumeurs, car ce mode de traitement garantit une confidentialité totale. »

 

Acceptation du TOD-V au sein de la communauté

 

Ce n’est pas tout le monde par contre qui s’est empressé d’adopter cette nouvelle méthode. « Au début, il y avait une résistance envers le TOD-V chez certains patients et membres du personnel », explique la Dre Ramanpreet Kaur de MSF. « Les patients craignaient de montrer leur visage dans une vidéo, en raison de la stigmatisation, et avaient de nombreuses inquiétudes quant à leur vie privée. »

Cependant, après en avoir appris davantage, de nombreux patients, en particulier les plus jeunes, étaient désireux de s’en prévaloir. « Après la formation et la diffusion des informations, les patients plus jeunes ont montré un intérêt pour le TOD-V, et finalement il est devenu leur option préférée », raconte la Dre Kaur. « Mais certains patients plus âgés ont du mal avec la technologie et préfèrent l’interaction quotidienne avec l’infirmière. »

Le personnel médical initialement réticent a rapidement adopté la nouvelle méthodologie, allant même jusqu’à la déclarer utile, rapide et efficace.

Gulnara Elmuratova, infirmière superviseure de MSF, estime que cette méthode présente un certain nombre d’avantages importants, tant pour les patients que pour le personnel médical. « Cette approche de traitement novatrice a facilité la vie des patients stigmatisés, comme Kundyz, qui ne veulent pas que les autres sachent qu’ils souffrent de tuberculose », dit-elle.

 

Gulnara, infirmière MSF, surveille en ligne un patient atteint de tuberculose multirésistante pendant qu’il prend ses médicaments. En particulier pendant la pandémie de COVID-19, le modèle TOD-V de soins contre la tuberculose empêche l’interruption du traitement et fournit une approche sécurisée et centrée sur le patient au « traitement sous observation directe » à domicile, qui donne aux patients leur intimité et, par conséquent, qui permet de lutter contre la stigmatisation liée à la tuberculose.Makset Samambetov/MSF

 

C’est très pratique pour les personnes qui ont une vie bien occupée et qui travaillent, déclare Gulnara : « Les patients sous le modèle TOD-V n’ont pas besoin de se rendre inutilement tous les jours dans un centre de santé pour leur observation de traitement. Au lieu de cela, ils peuvent suivre leur traitement sous observation vidéo. Une fois le confinement terminé, ils pourront reprendre leur travail et continuer à travailler comme avant. »

De plus, le TOD-V permet d’utiliser plus judicieusement les ressources disponibles, tant financières qu’humaines. « Cette approche de traitement ne nécessite pas de frais de déplacement ni un grand nombre de travailleurs de la santé », explique Gulnara.

Le seul inconvénient du TOD-V, selon Kundyz, est sa dépendance à une connexion internet fiable. « Le seul problème que je rencontre est l’instabilité de ma connexion internet », dit-elle, « mais je pense qu’une fois ce problème résolu, le TOD-V sera la meilleure option pour de nombreux patients. »

Compte tenu de l’expérience de MSF au Karakalpakstan, l’équipe estime que le TOD-V pourrait jouer un rôle important pour veiller à l’observance du traitement dans d’autres lieux disposant d’un accès internet.

Les patients qui n’ont pas accès à internet ou qui sont mal à l’aise avec la technologie disposent d’une autre option, également mise en place par l’équipe MSF au Karakalpakstan pendant la pandémie. C’est ce qu’on appelle le « traitement sous observation directe de la famille » – ou TOD-F – où ce sont les membres de la famille qui surveillent et soutiennent les patients pendant qu’ils prennent leurs médicaments.

« La pandémie nous a incités à adopter les soins à domicile pour nos patients au Karakalpakstan », déclare Aypara Asenova, coordonnatrice adjointe du projet MSF. « Des pratiques innovantes telles que le TOD-V et le TOD-F ont joué un rôle important en aidant les patients à adhérer à leur traitement pendant le confinement. »

 

MSF soutient le diagnostic, les soins et le traitement des patients atteints de tuberculose au Karakalpakstan, aux côtés du ministère de la Santé, depuis plus de 20 ans