Rasha (fake name to protect patient’s anonimity) can see a difference since MSF mobile clinics started in the area where she lives. In absence of public transportation, she came to the clinic by donkey. Here she talks with MSF’s community mental health worker pointing towards her village © MSF/Katharina Lange
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Palestine : « Pendant un an, personne n’est venu ici. La situation était très difficile. »

 

Plus de la moitié de la Cisjordanie est sous la désignation de la zone C, ce qui signifie qu’elle est sous contrôle civil et militaire israélien direct et qui se traduit entre autres par des obstacles à l’accès aux soins de santé pour les quelque 300 000 Palestiniens qui vivent dans de petites communautés dispersées. Plus d’un tiers d’entre eux dépendent des cliniques mobiles pour accéder aux services de santé essentiels.

Pour atteindre la clinique la plus proche, les gens font souvent face à des coûts hors de leur portée et doivent parcourir de longues distances sans transports en commun; de plus, les mauvaises conditions routières empêchent les ambulances de rejoindre les communautés qui ont besoin de soins. Dans les cas nécessitant la proximité des services de santé (par exemple, la grossesse), il est également nécessaire de rester sur les lieux pendant une longue période.

Masafer Yatta, dans le gouvernorat d’Hébron, est un secteur de la zone C où il n’y a pratiquement pas de services médicaux depuis longtemps, car les organisations nationales fournissant des cliniques mobiles ont suspendu leurs activités pour diverses raisons, notamment des réductions de financement et une législation plus stricte ayant un impact sur les ONG locales. Cette situation a été exacerbée par les besoins pressants du système de santé en raison de la pandémie de COVID-19.

 

Soutien communautaire de MSF

 

Il y a quelques semaines, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont recommencé à visiter ces communautés pour dispenser des soins de santé de base, avec une gamme d’activités comprenant des consultations ambulatoires générales (qui mettent l’accent sur les enfants et les patients atteints de maladies chroniques transmissibles), des soins de santé reproductive et de santé mentale, et le dépistage nutritionnel. Des tests de dépistage élémentaires sont également effectués dans ces cliniques, et les cas graves ou ceux nécessitant des tests supplémentaires sont transférés à l’hôpital le plus proche, dans la ville de Yatta.

Depuis novembre, MSF se rend régulièrement dans trois secteurs – Dkaika, Djinba et Khirbet Al Fakheit – et la semaine dernière, un quatrième, Um Gussa, a été ajouté. Nos équipes comprennent 5 personnes : médecin, infirmier, sage-femme, spécialiste en santé mentale et agent de promotion de la santé. Près de 300 consultations ont été effectuées depuis le début des activités.

 

Yasmin Jamal Mahmoud Abu Mustafa, agente de promotion de la santé MSF, s’entretient avec certains bénéficiaires dans une clinique mobile MSF à Masafer Yatta, Hébron (Palestine).MSF/Katharina Lange

 

« Pendant un an, personne n’est venu ici, et nos gens devaient se rendre jusqu’à Yatta pour obtenir des services de santé », a raconté Mohamad Ayoub Hamad, un leader communautaire à Khirbet al Fakheit, où les équipes MSF effectuent des activités médicales mobiles. « C’était une situation très difficile, surtout pour les femmes enceintes. En termes simples, les familles sans voiture sont vraiment confrontées à un gros problème », a-t-il ajouté.

 

Un système centralisé qui exclut les femmes

 

Les femmes vivant dans la région sont confrontées à des défis particuliers pour accéder aux soins de santé. Les hommes se rendent régulièrement dans la ville la plus proche, Yatta, pour acheter et vendre des produits, et ils peuvent y obtenir des soins de santé au besoin. Par contre, les femmes travaillent généralement de très longues heures sur les terres agricoles et, comme elles n’ont pas la possibilité de se faire remplacer, beaucoup d’entre elles ont tendance à négliger leur santé et à attendre que leur état devienne grave avant de consulter un médecin. De plus, il n’y a pas de système de transports publics à Masafer Yatta et, même si certaines familles ont une voiture, celles-ci sont considérées comme « illégales » car elles ne sont pas enregistrées et peuvent être confisquées à tout moment.

Rasha[1] s’est rendue à la clinique mobile de Khirbet Al Fakheit à dos d’âne depuis son village voisin. « Les choses sont complètement différentes maintenant. Au moins, un médecin nous rend visite chaque semaine, et nous pouvons obtenir des médicaments. Avant, si j’en avais besoin pour moi ou mes enfants, je faisais le tour du village dans toutes les maisons pour voir si les voisins en avaient », a-t-elle raconté. La semaine précédente, Rasha a emmené ses deux enfants pour un examen médical. En plus de tous ses problèmes, elle dit « que l’argent se fait rare en cette période de l’année car elle n’a ni fromage ni babeurre à vendre ».

Un autre obstacle aux soins de santé dans cette région est que la population de la zone C n’est pas autorisée à construire des structures permanentes ou semi-permanentes sans un permis des autorités israéliennes, ce qui n’est presque jamais accordé. Même les modestes structures utilisées par MSF pour les cliniques mobiles, comme celle de Khirbet Al Fakheit, sont pour la plupart menacées d’être détruites. Depuis 2012, l’école et la clinique voisine ont reçu un ordre de démolition, ce qui signifie qu’elles pourraient être détruites au bulldozer d’un jour à l’autre.

Tonadella Karim de MSF s’entretient avec Mohammad Issa qui a visité une clinique mobile MSF pour obtenir des médicaments pour lui et sa femme, tous deux souffrant de maladies chroniques.MSF/Katharina Lange

 

« Nous espérons que certaines organisations nationales ou le ministère palestinien de la Santé auront bientôt la capacité et le financement nécessaires pour fournir à nouveau des services aux communautés vivant dans des zones comme Masafer Yatta », a déclaré Katharina Lange, coordonnatrice du projet MSF à Hébron.

 

MSF dans les Territoires palestiniens occupés

 

MSF a commencé à travailler dans les Territoires palestiniens occupés en 1989 en se concentrant sur la provision de soins de santé primaires à Gaza. En 1996, des cliniques mobiles ont vu le jour dans certaines régions d’Hébron (C et H2) et une décennie plus tard, les activités ont été transférées à une autre organisation. Outre les activités médicales à Hébron, MSF gère actuellement des programmes de santé mentale à Hébron et Naplouse, en Cisjordanie. À Gaza, MSF gère des services hospitaliers et des cliniques pour traiter les patients souffrant de traumatismes et de brûlures. Nous offrons des services de chirurgie plastique et d’orthopédie pour fermer les grandes plaies et commencer le processus de réparation de la perte et des dommages aux os, en plus de fournir des pansements, de la physiothérapie, de l’éducation sanitaire et du soutien psychosocial.

 

 


[1] Son nom a été changé à sa demande pour protéger son anonymat