For the past month, the number of people deported to Reynosa has continued to increase; as of a few days ago, there were approximately 400 people on the public square in Reynosa. Most are migrants who crossed into the U.S. and were directly deported to Mexico under Title 42 © MSF/Clémentine Faget
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Politique du titre 42 : Les expulsions entraînent de graves conséquences humanitaires à la frontière nord du Mexique

Des centaines de personnes expulsées par les États-Unis vers le Mexique en vertu de la politique du titre 42 – pour la plupart des femmes et des enfants – sont bloquées sur une place publique à Reynosa, Tamaulipas, vulnérables aux enlèvements et à la violence et sans les moindres nécessités de base, comme de  l’eau potable, un abri et des services de santé ou sociaux, a déclaré aujourd’hui l’organisation médicale humanitaire internationale Médecins Sans Frontières (MSF).

Depuis février, MSF fournit une fois par semaine des soins médicaux et psychosociaux aux centaines de migrants expulsés vers le Mexique en vertu du titre 42. Ce sont principalement des familles du Honduras, du Guatemala et du Salvador, le fameux Triangle nord de l’Amérique centrale, qui sont actuellement entassées sur la « Plaza de la República » à Reynosa, située dans l’une des régions les plus dangereuses du Mexique. La place est adjacente au pont international, à seulement quelques mètres de la frontière américaine. Plus de 150 consultations médicales, psychologiques, sociales ou de promotion de la santé peuvent être fournies en une journée.

 

Laissés pour compte dans des villes inconnues et dangereuses

 

« Nous voyons principalement des familles, en particulier des femmes voyageant seules avec leurs enfants, qui ont été immédiatement expulsées et qui échouent ici, dans une ville extrêmement dangereuse, où elles dorment dans la rue et doivent se débrouiller seules pour les besoins de base », a déclaré Jose Antonio Silva, coordonnateur de projet MSF à Reynosa. « Ces personnes ont peur dans cette ville inconnue et peu sûre, souvent traumatisées par leur périlleux voyage à travers le Mexique et par leur expérience de détention aux États-Unis. »

Au cours du mois dernier, le nombre de personnes expulsées vers Reynosa a continué d’augmenter; il y a quelques jours, il y avait environ 400 personnes sur la place publique. La plupart sont des migrants qui sont entrés aux États-Unis et qui ont été directement expulsés vers le Mexique en vertu du titre 42, une politique préjudiciable et discriminatoire de l’ère Trump qui s’est poursuivie sous l’administration Biden. En violation du droit national et international, la politique du titre 42 exploite la pandémie pour essentiellement fermer la frontière, bloquant rapidement les migrants et les personnes en quête d’asile afin de les expulser directement vers le Mexique ou leur pays d’origine.

 

Des centaines de personnes expulsées par les États-Unis vers le Mexique en vertu de la politique du titre 42 – pour la plupart des femmes et des enfants – sont bloquées sur une place publique à Reynosa, Tamaulipas, vulnérables aux enlèvements et à la violence et sans les moindres nécessités de base, comme de l’eau potable, un abri et des services de santé ou sociaux.MSF/Clémentine Faget

 

Depuis mars 2020, le gouvernement américain a procédé à plus de 618 000 expulsions en vertu du titre 42. Et rien qu’en mars 2021, plus de 104 000 personnes ont été expulsées.

Alors que l’administration Biden s’était engagée à renverser les politiques néfastes de l’ère Trump et à élargir les voies de protection aux États-Unis, elle a choisi de continuer à bloquer et à expulser les demandeurs d’asile et les migrants sous prétexte de protéger la santé publique.

 

Peu de respect pour la santé et la sécurité des migrants

 

« Ce à quoi nous assistons aujourd’hui à Reynosa, c’est aussi ce que nous voyons dans d’autres villes frontalières telles que Tijuana et Ciudad Juárez », a déclaré Antonio Silva. « Il s’agit d’un appareil de déportation massif qui se déroule dans tout le Mexique et dans la région, sans grand souci pour la santé et de la sécurité des gens. Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que certaines des personnes les plus vulnérables soient de plus en plus expulsées vers le Mexique sans aucune forme d’aide. »

Par ailleurs, le gouvernement américain a expulsé vers le Mexique des migrants qui ne parlent pas espagnol, comme des autochtones et des Haïtiens. D’autres groupes vulnérables ont été expulsés, comme des personnes blessées ou malades, des personnes voyageant avec des enfants, des adolescents, des femmes enceintes et des personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles et transgenres. Toutes ces personnes sont exposées à un risque accru de violence en raison de leur vulnérabilité particulière.

 

« Je m’appelle Gloria, j’ai 57 ans et je suis originaire du Guatemala. Je n’aurais jamais pensé que je me retrouverais à vivre une situation comme celle-ci dans ma vie, à dormir dans la rue. J’ai l’impression de vivre dans un cauchemar. J’ai déjà perdu un enfant, et j’ai le sentiment d’en avoir perdu un autre aujourd’hui. C’est très difficile et je suis à bout de forces. »MSF

 

« On nous a signalé des cas de disparitions jour et nuit sur la place, ce qui est très inquiétant », a-t-il déclaré.

Au moins 492 attaques violentes ont été signalées depuis l’entrée en fonction du président Joe Biden le 21 janvier 2021, notamment des enlèvements, des viols, des actes de torture, des menaces, des vols et des agressions, à l’endroit des personnes bloquées à la frontière américano-mexicaine ou expulsées vers le Mexique, selon l’organisation internationale Human Rights First.

 

Répondre aux besoins de santé mentale

 

Les équipes de santé mentale MSF travaillant auprès des déportés dans des groupes de soutien psychologique à Reynosa ont observé des signes de traumatisme complexe et de dépression chez ces patients. Elles signalent une réaction aiguë au stress, des symptômes psychosomatiques tels que des maux de tête et des maux de dos, une hypervigilance due à l’insécurité de l’emplacement, des difficultés à dormir, ainsi que la peur et l’anxiété liées à leur expulsion ou à leurs conditions de vie imprévisibles et empreintes de violence.

Alors que le nombre de personnes expulsées par les États-Unis continue d’augmenter dans ces villes frontalières et dans toute la région, le gouvernement mexicain n’en fait pas assez pour fournir des services essentiels et assurer la sécurité de ce groupe très vulnérable. MSF constate des faiblesses dans la gestion assurée par les autorités mexicaines, à preuve la surpopulation des refuges et le manque d’infrastructures étatiques consenties pour les accueillir, notamment le Système national pour le développement intégral de la famille (SNDIF, en espagnol) et les Centres de prise en charge des mineurs à la frontière (CAMEF, en espagnol).

 

Les équipes de santé mentale MSF travaillant auprès des déportés dans des groupes de soutien psychologique à Reynosa ont observé des signes de traumatisme complexe et de dépression chez ces patients.MSF/Clémentine Faget

 

MSF appelle l’administration Biden à cesser immédiatement la mise en application  de la politique du titre 42 et à relancer le traitement des demandes d’asile à la frontière sud. Le titre 42 est une politique illégale et discriminatoire qui met la vie des gens en danger et les renvoie vers la violence et le danger au Mexique et dans leur pays d’origine.

MSF exhorte également les autorités mexicaines à adopter immédiatement des mesures pour augmenter la capacité de logement, de soins médicaux et de protection des personnes en transit sur son territoire, en particulier pour les familles et les mineurs.

Cela devrait être une priorité pour empêcher la création de nouveaux camps, comme celui qui a été démantelé il y a à peine deux mois à Matamoros, et pour permettre aux migrants de voyager dans des conditions sûres et dignes.

Compte tenu de sa responsabilité dans la perpétuation de la crise humanitaire le long de la frontière américano-mexicaine, le gouvernement des États-Unis doit également soutenir les autorités mexicaines et les organisations humanitaires qui répondent aux besoins croissants dans le nord du Mexique.