Les équipes médicales prennent en charge les patients suspectés de choléra dans le centre de traitement du choléra, spécialement adapté par les équipes MSF pour faire face à l'afflux massif de patients. En quelques jours seulement, le centre a été installé dans l'école locale, les écoles étant fermées depuis près d'un an en raison de la volatilité du contexte, à Kiseguru, zone de santé de Binza, Nord-Kivu. © Laora Vigourt/MSF
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RDC : Intervention d’urgence contre le choléra dans le territoire de Rutshuru

Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) se sont mobilisées en urgence dans le territoire de Rutshuru, dans l’est de la République démocratique du Congo, face à une flambée de cas suspects de choléra, notamment dans les zones de santé de Binza et de Rutshuru. Depuis début juin, plus de 1500 patientes et de patients ont été pris en charge.

En première ligne de la réponse médicale, les équipes MSF ont dû déployer des moyens médicaux et logistiques importants en deux jours seulement.

« Au début, les structures de santé étaient dépassées par les arrivées massives de patients. Avec une capacité d’accueil limitée, nous avons soigné certains jours plus de 100 malades en même temps avec seulement 20 lits. Afin de prévenir les nouvelles contaminations et lutter contre la propagation de la maladie, les équipes ont aménagé quatre centres de traitement du choléra, ainsi que des points de réhydratation orale et de chloration d’eau destinés aux populations éloignées des centres de santé. En trois jours seulement, les équipes ont pris en charge près de 400 cas dans les zones de santé de Rutshuru et de Binza, en soutien aux autorités sanitaires », explique Romain Madjissembaye, coordinateur de projet à MSF.

La plupart des patients et des patientes viennent de loin et parcourent des dizaines de kilomètres dans la brousse pour atteindre les structures médicales. Certains arrivent déjà inconscients, dans un état de choc, et les équipes médicales ont seulement quelques heures, voire quelques minutes, pour les sauver. Grâce aux moyens de prévention et à la prise en charge, la situation est sous contrôle et les tendances sont à la baisse. De nouveaux malades continuent à arriver chaque jour et nos équipes restent mobilisées au quotidien pour les soigner. 

Sur place, nos équipes ont recueilli des témoignages de patientes et de patients guéris.

Depuis des mois, MSF est le seul acteur médical présent dans le Rutshuru. L’organisme soutient 24 structures médicales dans les zones de santé de Rutshuru, Rwanguba, Binza, Bambo et Kibirizi.

« J’ai pensé que c’était le paludisme, alors je ne me suis pas inquiété »

Dieu-est-Bon, patient
Portrait of Dieu-est-Bon, patient at MSF center.
Portrait de Dieu-est-Bon, patient au centre MSF.

Deux jours après avoir transporté une personne malade sur son vélo jusqu’au centre de santé le plus proche, Kiseguru, situé à une quinzaine de kilomètres de son village, Dieu-est-Bon a commencé à se sentir fatigué.

« J’ai pensé que c’était le paludisme, alors je ne me suis pas inquiété », raconte-il. « Puis j’ai commencé à avoir de fortes diarrhées et vomissements, et j’ai compris que c’était peut-être la même chose que le malade que j’ai accompagné. Mais j’étais devenu trop faible pour bouger ».

Deux personnes l’ont soutenu pendant les quatre heures de marche jusqu’au centre de traitement mis en place par les équipes MSF pour les cas suspects de choléra, en appui aux autorités sanitaires. Après deux jours de traitement, Dieu-est-bon se sent mieux et repart en forme, avec sa mère qui est venue le chercher. Dieu-est-bon a 16 ans. Il a dû arrêter ses études, car les écoles sont fermées depuis près d’un an à la suite du contexte volatile dans la région. En attendant, il aide ses parents à cultiver dans les champs. Il rêve de devenir mécanicien.  

« J’ai eu vraiment peur, j’ai failli mourir »

Jean, patient au centre MSF
Portrait de Jean, patient au centre MSF.
Portrait de Jean, patient au centre MSF.

Jean, 31 ans, ne se rappelle plus comment il est arrivé à l’hôpital.

« Quand je me suis réveillé allongé dans le centre de traitement, je ne savais pas où j’étais et ce qui m’arrivait. Je me rappelle que je travaillais dans les champs et que je souffrais de maux de ventre, avec des diarrhées et des vomissements. Puis je me suis évanoui », raconte-t-il. « On m’a expliqué qu’une personne que je ne connaissais pas m’avait amené ici en moto pour que je reçoive des soins ».

Jean est cultivateur de maïs. Il a déjà été pris en charge dans un hôpital, mais n’a jamais vécu un épisode comme celui-ci : « J’ai eu vraiment peur, j’ai failli mourir. Mais heureusement, aujourd’hui je suis guéri et je vais pouvoir retrouver ma femme et mes deux enfants », confie-t-il.

Jean a été pris en charge pendant cinq jours au centre de traitement mis en place à Rutshuru par les équipes MSF pour les cas suspects de choléra.

« J’avais très peur, car il ne bougeait plus »

Tushime, mère de Djafette, patiente
Portrait of Tushima and her son. Patient at MSF.
Portrait de Tushima et de son fils. Patient à MSF.

Tushime, 25 ans, a craint pour la vie de son fils Djafette, âgé de 2 ans et demi. Elle nous raconte comment elle est venue au centre de traitement de cas suspects de choléra à Rutshuru, aménagé par les équipes MSF, en collaboration avec le ministère de la Santé.

« Il avait de fortes diarrhées et s’est évanoui. Alors je me suis précipitée vers une moto. Tout le long du trajet qui a duré trois heures, j’étais très inquiète et j’avais très peur car il ne bougeait plus. Je ne l’ai jamais vu aussi malade », raconte-t-elle avec émotion, alors que son fils joue paisiblement.

Sur le crâne de Djafette a été placé un cathéter, un dispositif médical permettant aux malades d’être réhydratés. Celui-ci est normalement placé au niveau des bras, mais lorsque cela n’est pas possible, c’est le dernier recours médical. Djafette était en état de choc lorsqu’il a été pris en charge par les équipes médicales.

Tushime est tombée malade après son fils et a été prise en charge en même temps que lui. « Tout le monde n’a pas cette possibilité : sur le trajet, j’ai vu des gens qui sont morts, comme une mère dont le fils est soigné ici ».

Après six jours au centre de traitement, Tushime rentre avec son fils et pourra retrouver son mari et ses deux autres enfants.

« Je ne me souviens de rien, sauf d’avoir été très malade »

Jimmy, patient au centre MSF
Portrait of Jimmy, patient at MSF center.
Portrait de Jimmy, patient au centre MSF.

Jimmy, 31 ans, est arrivé en état de choc au centre de traitement des cas suspects de choléra à Kiseguru, aménagé par les équipes MSF, en appui aux autorités sanitaires.

« Mon frère m’a raconté que je suis tombé par terre et que les voisins m’ont ramené ici. Je ne me souviens de rien, sauf d’avoir été très malade avec des diarrhées et des vomissements ».

Jimmy est cultivateur de maïs, sorgo, manioc et ignames. Son champ ne se trouve qu’à quelques kilomètres du centre de santé, mais lui est originaire de Mweso où habite sa famille, à une centaine de kilomètres d’ici.

Sa femme et ses deux enfants ne savent pas que Jimmy est tombé gravement malade. Alors, aujourd’hui ce qui compte pour lui c’est de repartir les retrouver : « Peu importe le temps que ça prendra, je veux rentrer voir ma famille et me reposer », nous raconte Jimmy d’un ton déterminé.

« On était débordés, avec 3 à 4 patients par lit »

Denis Mudake, infirmier MSF
Portrait of Denis Mudake, MSF nurse supervisor.
Portrait de Denis Mudake, infirmier superviseur de MSF.

Denis Mudake est infirmier superviseur MSF au centre de santé de Kiseguru, dans la zone de santé de Binza, dans le Rutshuru, Là, MSF a aménagé un centre de traitement spécifique pour faire face à une flambée de cas de diarrhées aigües de type choléra, en collaboration avec les autorités sanitaires.

Denis fait partie de l’équipe médicale qui a pris en charge les premiers cas début juin. Depuis, plus de 500 malades ont été pris en charge.

« Les premiers jours n’ont pas été faciles. Nous manquions d’espace et de lits pour les cas de choléra, afin de faire face à l’afflux des patients. On était débordés, avec 3 à 4 patients par lit. Par la suite, nous avons fait parvenir plus de matériels et créé un centre de traitement spécifique. C’est une logistique énorme à mettre en place en quelques jours seulement ».

« Nous avons également impliqué la communauté dans la sensibilisation au choléra. Nous avons aussi mis en place des points de chloration d’eau et de réhydratation orale pour se rapprocher des patients, qui viennent de loin et sont dans un état de santé critique ».

Cela fait près de 9 ans que Denis travaille pour MSF et sur plusieurs projets. Malgré la fatigue, il reste déterminé et motivé.