Réponse de MSF Canada concernant le COVAX et l’équité en matière de vaccins
Qu’est-ce que le COVAX?
Le mécanisme COVAX est une initiative mondiale visant à faciliter un accès équitable aux vaccins contre la COVID-19 pour les pays à faible revenu. Il est dirigé par Gavi (l’Alliance du Vaccin), la CEPI (la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies) et l’Organisation mondiale de la Santé, mais dépend du financement des gouvernements du monde entier (y compris du Canada).
Pourquoi est-ce nécessaire?
Le système mondial actuel de développement et de distribution de vaccins est une initiative fondamentalement commerciale. Les vaccins et autres médicaments essentiels, même ceux qui sont développés avec un financement public, sont la propriété intellectuelle de sociétés pharmaceutiques privées, qui les vendent dans le but de faire un profit. Ces ventes sont souvent conclues dans le cadre d’ententes bilatérales privées avec des acheteurs tels que les gouvernements ou d’autres grands prestataires de services de santé. Cela désavantage les pays à revenu faible ou intermédiaire qui doivent concurrencer les gouvernements les plus riches et qui ne peuvent payer les mêmes prix élevés, ce qui les empêche souvent d’accéder aux médicaments dont leur population a urgemment besoin.
En plus d’être profondément inéquitable, ce système est également problématique du point de vue de la santé publique, en particulier lors d’une pandémie mondiale : si seules les personnes des pays les plus riches ont accès aux vaccins contre la COVID-19, alors le virus continuera à la fois de se propager et d’évoluer. Il est donc nécessaire de veiller à ce que les personnes les plus vulnérables du monde – les travailleurs de la santé, les personnes âgées et d’autres groupes – aient un accès prioritaire aux vaccins, peu importe le pays où elles résident. Toutefois, comme ce besoin ne peut être satisfait par le système pharmaceutique mondial régulier, il était nécessaire de trouver un mécanisme alternatif pour aider à distribuer les vaccins contre la COVID-19 dans les pays à faible revenu dès que possible, et c’est là l’objectif de COVAX.
Comment fonctionne le mécanisme COVAX?
L’idée derrière le COVAX est d’avoir le plus de pays possible qui mettent en commun leurs ressources pour passer des commandes de vaccins à l’avance. Lorsque ces vaccins deviennent disponibles, ils peuvent être distribués à tous les pays participants en fonction de ce qui est nécessaire pour vacciner leurs populations les plus vulnérables dans les meilleurs délais.
La clé est que les pays riches et pauvres se procurent leurs vaccins de cette manière, dans le but d’augmenter le pouvoir d’achat du collectif. Pour y parvenir, COVAX comporte deux volets : d’une part la garantie de marché — grâce à laquelle le soutien financier des pays plus riches est alloué pour aider à acheter à l’avance des vaccins qui peuvent être distribués aux pays à faible revenu — et d’autre part, les pays autofinancés, par l’intermédiaire desquels les pays qui en ont les moyens passent eux-mêmes des commandes.
Quelle est la relation du Canada avec le COVAX?
Le Canada a été l’un des premiers défenseurs du COVAX et a été à la fois l’un des premiers pays riches à y participer et l’un de ses plus importants donateurs. En participant de cette manière, le Canada a contribué à envoyer le signal que (a) l’accès mondial équitable aux vaccins est une priorité dans une pandémie mondiale, (b) que le nationalisme vaccinal compromet l’accès mondial équitable, et (c) qu’il est possible d’opérer en dehors de la manière traditionnelle et commerciale pour développer et fournir des médicaments, et de faire passer la santé publique avant les profits.
Alors pourquoi MSF et d’autres ont-ils critiqué le Canada à propos du COVAX?
Le problème est qu’en plus de financer le COVAX et de lui donner un coup de pouce indispensable en y participant pour ses propres achats, le Canada est l’un des nombreux pays qui ont également contourné le COVAX pour conclure ses propres ententes d’achat bilatérales avec les fabricants de vaccins.
Ces ententes, conclues entre des pays économiquement riches comme le Canada et des sociétés pharmaceutiques, ont essentiellement monopolisé l’offre disponible. Le COVAX lui-même doit maintenant rivaliser pour les stocks de vaccins disponibles avec certains de ses propres participants les plus riches, comme le Canada, dont la plupart ont signé des ententes privées sans en divulguer les modalités. Cela compromet le mécanisme que le Canada cherche à soutenir.
Le Canada reçoit-il également des doses de vaccin de COVAX?
Oui. Le 3 février, le COVAX a annoncé sa première prévision de distribution intermédiaire, qui répertorie le nombre de doses achetées par le COVAX à être distribuées aux pays participants dans le premier semestre de 2021. Le Canada, en tant que pays qui s’autofinance, a été inclus dans la liste et recevra ainsi 1,1 million de doses.
Le Canada peut faire valoir que c’est ce qu’il devrait recevoir à juste titre en tant que participant au COVAX. Mais ce sont aussi 1,1 million de doses de vaccins qui n’iront pas à des pays qui n’ont pas encore reçu une seule dose pour leurs populations hautement vulnérables, et qui sont entièrement dépendants du COVAX — contrairement au Canada, qui l’a déjà contourné pour obtenir son propre approvisionnement.
Que devrait faire le Canada?
MSF appelle tous les gouvernements participant au COVAX qui ont déjà obtenu suffisamment de doses par le biais de leurs propres ententes bilatérales pour couvrir leurs populations prioritaires telles que définies par l’OMS – des gouvernements comme le Canada, par exemple – à s’abstenir de puiser dans les rares doses du mécanisme COVAX au cours de ses premières phases de distribution. Cela ne veut pas dire que les pays autofinancés ne devraient pas du tout acheter par l’intermédiaire de COVAX; en fait, faire participer les pays en tant que pays acheteurs est une bonne chose, car cela montre qu’ils sont engagés de manière significative envers la réussite du mécanisme. Cependant, il faut reconnaître qu’aujourd’hui la disponibilité des vaccins contre la COVID-19 reste limitée et que la distribution jusqu’à présent n’a pas été exclusivement basée sur les risques ou les besoins.